Lettre de Jacmel

Étrange sentiment de vivre depuis une semaine dans un pays que le président américain qualifie de « pays de m… » …

Cette insulte, abjecte, qui a fait le tour du monde, et qui résonne encore, a profondément blessé le peuple haïtien. Elle arrive au moment où la nation se recueille et commémore le huitième anniversaire du tremblement de terre de janvier 2010 qui a causé la mort de plus de 200 000 personnes.

Dans les conversations, les médias: l’émoi, la surprise, la colère.

Ci-dessous, quelques mots de l’éditorial du quotidien haïtien «Le Nouvelliste », daté du lundi 15 janvier.

« Donald Trump a stigmatisé tous les Haïtiens (…) Les démentis n’y feront rien. Notre réputation est affectée par les mots, le tollé et les dénégations comme peu de catastrophes ont pu le faire. Le séisme Trump est aussi puissant que celui de 2010 (…)

Chacun, suivant ses opinions, peut ne pas prendre toute la mesure du mal qui est fait à Haïti et à chaque Haïtien ces derniers jours. Il est immense. »

N’en déplaise au locataire actuel de la Maison Blanche qui, à ma connaissance, n’a jamais mis les pieds ici, Haïti, première république noire indépendante, n’est pas ce qu’il décrit.

Comme bien des pays, Haïti a des défis considérables à relever. La pauvreté. Les inégalités. La corruption. Le chômage. Une gouvernance défaillante. L’insécurité. Le manque de transparence des dirigeants. L’insalubrité.

Mais il y a aussi ici, envers et contre tout, tant de choses à célébrer!

L’histoire. La culture. La cuisine. La nature.

Le sourire, la gentillesse, le courage et la grande dignité des habitants.

Une des meilleures façons selon moi de corriger l’image d’Haïti, de combattre les préjugés haineux qui viennent de Washington ou d’ailleurs, c’est de venir dans le pays. Venir y passer quelques jours, seul, en couple ou en famille, en vacances, afin de rencontrer les Haïtiens. Apprendre à les connaître. À rire avec eux. À les aimer

Cette lettre est donc un appel.

Je vous invite à visiter cette île – complexe, envoûtante, déroutante – qu’on appelait autrefois « La Perle des Antilles ».

Dans le département du sud-est, Jacmel, fondée en 1698, est un ancien port de commerce de café et de canne à sucre. Après Port-au-Prince, Le Cap (Cap-Haïtien, au nord), Les Cayes (au sud), Gonaïves (dans l’Artibonite) et Jérémie (dans la Grande-Anse), Jacmel est une des plus importantes villes du pays.

Pour essayer de vous convaincre, voici un résumé, en images, de mes premiers jours dans le pays, à Port-au-Prince, et à Jacmel, dans le département du sud-est.

Port-au-Prince, mercredi 10 janvier. Retour chaleureux à la Guesthouse Eucalyptus qui m’accueille pour la troisième fois. Dans l’ordre habituel, Bruny, le chauffeur, Cacoune, la cuisinière et Calèbre, un des jeunes gérants de l’établissement.

La compagnie de bus La Source (Tel: (509) 4300 9525) assure plusieurs fois par jour une liaison sûre, directe et confortable entre le centre-ville de Port-au-Prince et Jacmel. Le trajet, en fourgonnette climatisée, coûte 225 gourdes ($3.50) et dure environ deux heures.

À mon arrivée à Jacmel, le jeudi 11 janvier, quelques souvenirs de Noël ornent encore les rues…

Petit Papa Noël, dis-nous, que vas-tu apporter à Haïti? Parce que…

L’excitation dans les rues de la ville est brusquement montée d’un cran, dimanche 14 janvier, avec l’ouverture officielle du Carnaval 2018…

Les premiers attroupements et défilés ont eu lieu en début d’après-midi le long de l’avenue Baranquilla… 

Jacmel 3
… qui mène à l’aéroport et aux plages…

J’ai aussi retrouvé à mon arrivée à Jacmel la merveilleuse cuisine haïtienne…

Plat de boeuf accompagné de « banane mûre », de piments rouges, de riz à pois et d’une salade

… et les rues de la vieille ville, très sûres, même le soir.

Avenue de La Liberté, Jacmel
Rue du Commerce, dans ce qui était autrefois le quartier des artisans et des commerçants de café. Jacmel a beaucoup souffert lors du séisme de 2010. Plus de 440 personnes ont perdu la vie

Première grande exploration en moto, lundi 15 janvier, en direction de Fort-Ogé et de Cap Rouge, deux villages de basse montagne situés à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Jacmel…

Sur les hauteurs de Jacmel, au centre de la carte, les petites localités de Fort-Ogé et de Cap Rouge… Plus à l’est, le village de Seguin, au coeur du parc national La Visite, où je serai à partir de dimanche…
La route pour arriver à Fort-Ogé et Cap Rouge monte inlassablement au milieu des « mornes » (montagnes en créole).

La région, réputée autrefois pour son café, est magnifique. Les plantations ont malheureusement depuis longtemps disparu, remplacées par d’autres cultures plus faciles à gérer.

La plupart des paysans vivent aujourd’hui, très pauvrement, à partir de petits lopins de terre où poussent du maïs, des pommes de terre, des carottes ou des oignons. D’autres élèvent sur leurs terrains des porcs, des chèvres…

Junior, 25 ans, né à Cap Rouge, fortement recommandé par mon hôtel, sera mon chauffeur et mon guide pour la journée et pour les prochains jours. Chauffeur de moto à Jacmel depuis cinq ans, sa famille vit toujours à Cap Rouge. Sur la route, tout le monde le connaît, le salue…

Le chemin rocailleux est vite suivi d’une piste de terre rouge qui grimpe à flanc de collines…

Altitude: environ 800 mètres. Sur la gauche, on aperçoit la baie de Jacmel

… avant de déboucher sur une piste qui mène au village de Fort-Ogé…

Le panorama est grandiose. Calme absolu. Il fait frais. Au bord du puits du village, un enfant attend un ami…

Il nous aura fallu une heure en moto pour arriver jusqu’ici… L’agitation de Jacmel est bien loin!…

À ma grande surprise, un homme, sur le chemin, à proximité du puits, nous aborde. Il est enseignant.

Après quelques mots, il m’invite chaleureusement à visiter son établissement, l’école primaire publique de Fort-Ogé, située à quelques pas. J’accepte avec plaisir!

Onze élèves seulement (sur 40) dans une des classes ce matin-là. Il a beaucoup plu la veille, m’explique-t-on, et certains chemins, au nord de l’école, sont impraticables. La plupart des élèves sont ainsi restés à la maison… ou sont partis travailler avec la famille dans les champs…

La visite des classes est bientôt suivie dune rencontre impromptue avec les enseignants et la directrice de l’école. La majorité des professeurs habite Jacmel. Pour eux, deux heures de trajet quotidien, en moto, beau temps/mauvais temps, cinq jours sur sept.

Les conditions de travail sont difficiles. Il faut souvent convaincre les parents, paysans pour la plupart, d’envoyer leurs enfants à l’école.

Salaire moyen des enseignants? 13 000 gourdes par mois (environ US$210). En guise de comparaison, les enseignants avec qui je travaillais il y a cinq ans au Rwanda gagnaient, eux, environ $US50 par mois. Le coût de la vie est beaucoup plus élevé en Haïti.

Deux enseignants et un membre du personnel de l’école primaire de Fort-Ogé réunis autour de la directrice, lundi 15 janvier.

Je suis aussi venu à Fort-Ogé afin de visiter une des pages glorieuses et méconnues de l’histoire d’Haïti.

Ici, au-dessus de la baie de Jacmel, en 1805, l’année qui suit l’indépendance, le gouvernement construit un des nombreux forts (plus de 20) qui doivent protéger la jeune république d’une contre-attaque toujours possible des troupes françaises – défaites, avec éclat et panache, l’année précédente…

Haïti paiera cher cette indépendance acquise en 1804.

Le Fort Ogé, construit sur l’ancienne habitation de Benjamin Ogé, un colon français. Le fort tombe en ruines et a lui aussi beaucoup souffert lors du séisme de 2010. Un projet communautaire de réhabilitation est en cours.
Anciens canons dérobés aux colons français.
Le temps s’est brusquement dégradé pendant notre visite et nous devons abréger notre explorations du fort…

Sous une pluie fine, suivie d’éclaircies puis d’un grand soleil, nous quittons Fort-Ogé en direction de Cap Rouge…

… avant d’amorcer la longue et sinueuse descente vers le village des Orangers et gagner ensuite  Jacmel. La journée a été fantastique! Merci Junior. Et merci Haïti!

Paysanne sur le chemin magnifique qui relie Fort-Ogé à Cap Rouge…. Ci-dessous, nous poursuivons dans un décor de rêve notre longue descente vers Jacmel… La région a un énorme potentiel touristique, notamment pour ceux qui aiment la randonnée…

Un dernier mot. J’ai eu la chance d’assister à Jacmel cette semaine à la première édition du festival Les Lumières du Sud – festival consacré au jeune cinéma antillais, africain et francophone.

Une douzaine de films étaient à l’affiche.

Plaisir immense d’assister l’après-midi à l’Alliance Française de Jacmel et au centre-ville, en soirée, à la Place Toussaint Louverture, à plusieurs projections de grande qualité.

Deux films en particulier ont retenu mon attention. De Kiskeya à Haïti mais où sont passés nos arbres? (réalisé par Mario Delatour), et Ayiti Mon Amour, tourné en partie à Jacmel, déjà récipiendaire de plusieurs prix internationaux et candidat sérieux, dit-on, au prix du meilleur film étranger aux Oscars cette année. Croisons les doigts.

Vous pouvez voir des extraits de ces deux très beaux films en cliquant sur les liens en vert ci-dessus.

Bon cinéma! Et Bravo à tous les artisans du Festival!

Deux autres plats succulents dégustés cette semaine. Ci-dessus, poisson court-bouillon et gros sel assaisonné de piments, de citron vert et de gingembre, accompagné de pommes de terre, de riz et d’une salade.
Plat de cabri (jeune brebis) servi avec des frites et une salade

Jibacoa, Cuba

Comment résister, un matin pluvieux de novembre, à l’annonce habile d’une agence de voyages qui propose, à un prix défiant toute concurrence, pour le début du mois de décembre, un forfait tout compris de sept jours, au bord d’une plage à Cuba?

Cuba, la plus grande île des Caraïbes, compte aujourd’hui plus de 11 millions d’habitants.

On réfléchit quelques minutes, on regarde son agenda, on vérifie que la plage en question est à une distance respectable (du ghetto touristique) de Varadero, on consulte sa compagne, on effectue quelques recherches supplémentaires…. et… quelques semaines plus tard… on se retrouve, au bord de la mer, sous un grand ciel bleu, à….

Vue d’ensemble du complexe hôtelier, à Jibacoa, où je me suis installé du 4 au 11 décembre

Pour ce quatrième voyage à Cuba, j’ai donc posé mes valises à Jibacoa, une petite localité située à une heure de route environ à l’est de La Havane, dans la province de Mayabeque.

Jibacoa (en haut à droite sur la carte), au nord de la province de Mayabeque. La côte nord de la province, proche de La Havane, accueille tout au long de l’année les familles cubaines qui viennent profiter des plages et des nombreux camps de vacances mis à la disposition des travailleurs méritants. Belle surprise d’apercevoir régulièrement sur la plage de mon hôtel, pendant la journée, des familles cubaines…
La plage de Jibacoa, lundi matin 11 décembre. La région, miraculeusement, n’a pas trop souffert de l’ouragan Irma qui a balayé les Caraïbes au début du mois de septembre.

Les choses ont bien changé depuis mon premier séjour à Cuba en 1996.

Je faisais partie cet été-là d’un groupe d’une quarantaine de bénévoles, un peu idéalistes, venus, des quatre coins du Canada, prêter main-forte à la révolution cubaine aux prises avec l’embargo américain.

Nous nous étions engagés dans une « brigade de travail volontaire », « les Brigadistas », un mouvement de solidarité envers Cuba, créé au début des années soixante par Che Guevara afin de soutenir et mieux faire comprendre, à l’étranger, les principes de la révolution cubaine.

La formule des brigades était simple. Inviter à Cuba des sympathisants à la cause révolutionnaire et les plonger, pendant trois semaines environ, dans la réalité complexe du pays: travail agricole aux côtés des paysans, visite des hôpitaux, des lieux historiques et culturels.

Cela avait été pour moi une expérience inoubliable.

Carte officielle de « Brigadista », travailleur bénévole à Cuba – juillet/août 1996.

Nous étions en 1996 basés dans une coopérative agricole située dans la province du centre de Ciego de Avila, loin des touristes (encore peu nombreux à ce moment-là) et des hôtels de la côte nord de l’île qui commençaient à peine à voir le jour.

La province (au centre, en vert) de Ciego de Avila, une des quinze provinces de Cuba.

Nous étions logés en dortoir, femmes d’un côté, hommes de l’autre, de façon assez sommaire, sur des lits de camps étroits, sans moustiquaire et sans eau chaude.

Dès sept heures le matin, nous étions en route, à pied ou en camion, vers les champs avec les campesinos, les paysans de la coopérative, qui deviendront, au fil des jours, nuestros companeros, nos camarades de travail.

Nous récoltions avec eux, dans des champs immenses, des melons, des oignons, des pommes de terre, de la canne à sucre parfois. Certains d’entre nous travaillaient à des projets d’irrigation.

Ciego de Avila, juillet 1996, dans les champs avec une des travailleuses de la coopérative.

Les journées étaient rudes. Dès huit heures, sous le soleil, les champs se transformaient en fournaise.

Après une courte pause pour le déjeuner, nous repartions l’après-midi pour deux ou trois heures de travail supplémentaire. Nous rentrions le soir, le visage couvert de sueur, de poussière, le corps endolori, et l’âme en paix. Nous étions de bons soldats, entièrement dédiés pendant notre séjour, à la cause et aux idéaux de la révolution.

Fin d’une journée de travail, Ciego de Avila, août 1996. Nous travaillions dans les champs six jours sur sept.

Le soir, après le dîner, pris en commun avec la communauté, c’était la fête: musique, jeux, leçons de danse et d’espagnol, dégustation de rhum…

Un dimanche du mois d’août, nous sommes partis, une centaine, dans des camions, en convoi, vers les nouvelles plages, à peine aménagées à ce moment-là, de Cayo Coco, au nord de l’île.

Tous les membres de la coopérative étaient là. Les paysans et leurs familles, les responsables de l’administration, le médecin et les vétérinaires, les employés chargés de l’entretien des locaux et de l’équipement.

Tout le monde, sur le même pied, se côtoyait, sans distinction ni étiquette, partageant les mêmes camions et la même table du déjeuner dominical. Nous avons eu ce jour-là une belle leçon d’égalité et de justice sociale.

La troisième semaine, nous étions pris en charge, et invités par le gouvernement cubain à découvrir La Havane et ses environs. Nous logions dans un camp, à une vingtaine de kilomètres de la capitale. Entre deux conférences, la visite de l’université ou d’un musée, nous fréquentions les cafés et les bars de la vieille ville de La Havane…

Août 1996 – La Bodeguita del Medio, bar-restaurant mythique du centre historique de La Havane, fréquenté autrefois par les écrivains et les hommes politiques (Ernest Hemingway, Pablo Neruda). Le lieu a bien changé et est devenu aujourd’hui un des rendez-vous incontournables des touristes qui visitent La Havane. Ils viennent y déguster de savoureux cocktails, dont le célèbre « mojito« , né, dit-on, ici.

Que de souvenirs! Pour ceux que cela intéresse, ces brigades de travail volontaire avec Cuba, d’une durée de deux ou trois semaines, existent toujours. Des départs sont organisés chaque année à partir de l’Europe ou du Canada.

Rencontre avec une famille de fermiers aux alentours de Jibacoa, le vendredi 8 décembre. J’ai eu l’occasion pendant la semaine d’explorer la région… et de revoir La Havane! 

La plupart des participants à ces brigades reviennent profondément changés par ce séjour à Cuba.

Une fois rentré au pays, avec le recul, devant l’abondance (et le gaspillage) des produits de consommation dans nos sociétés dites développées, une vérité, une évidence s’impose. Qu’on soit ou non d’accord avec les idéaux de la révolution castriste, il est possible de concevoir différemment le développement d’un pays.

Un pays où les citoyens ne sont plus automatiquement considérés comme des consommateurs ou des clients potentiels pour des objets ou des services dont ils n’ont pas besoin pour être heureux.

Un exemple parmi d’autres? La publicité à Cuba, dans l’espace public, est pratiquement inexistante.

Santa Cruz del Norte, une des principales villes de la côte nord de la province de Mayenbeque, dimanche matin 10 décembre.

Ce n’est pas ici mon propos de juger du succès ou de l’échec de la révolution cubaine.

En écoutant les habitants de la région de Jibacoa cependant, il est évident que la vie quotidienne des Cubains est aujourd’hui de plus en plus difficile. Surtout pour ceux (la grande majorité) qui ne travaillent pas dans l’industrie touristique et qui ne bénéficient pas des généreux pourboires laissés par les visiteurs. Pourboires souvent bien supérieurs au salaire mensuel moyen (environ CAN$40) de l’île.

Cavalier sur sa monture, à l’extérieur de Jibacoa, le samedi 9 décembre, suivi, quelques minutes plus tard, par un couple sur une charrette…

Depuis la disparition ou la chute des alliés traditionnels (l’ex-URSS et le Venezuela), les Cubains ont de  plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois.

Les subventions du gouvernement pour les produits de base dont dépendent les familles – le riz, les haricots, le sucre, le café, le sel, l’huile – sont réduites chaque année.

Le coût de la vie augmente. Chaque Cubain doit se débrouiller comme il le peut en faisant du troc, en proposant des services, ou en servant d’intermédiaire.

Santa Cruz del Norte, le dimanche 10 décembre. Ci-dessous, la rue principale du centre-ville…

D’un autre côté, certains chiffres sont éloquents. Le taux d’alphabétisation à Cuba est de 99%. L’éducation, les soins de santé sont gratuits. Il n’y a pas ici comme chez nous des centaines de sans-abris qui errent dans les rues.

Une des rues du centre-vile, Santa Cruz del Norte…

La grande majorité des Cubains peut compter sur un revenu mensuel minimum. Les logements sont fortement subventionnés. La liberté d’expression progresse. Il y a, dans les rues ou dans les villes, peu d’actes de violence. Personne ne meurt de faim. Les inégalités sociales, économiques, entre les citoyens, les familles, sont (en général) minces.

À chacun de se faire son opinion.

Écoliers dans les rues de La Havane, le jeudi 7 décembre

On assiste aussi à Cuba, depuis deux ou trois ans, à un phénomène nouveau. Après de longues années d’exil, de nombreux Cubains décident de rentrer au pays. Beaucoup reviennent déterminés à profiter de la (très lente) libéralisation de l’économie.

Ils proposent et gèrent des « casas particulares », des chambres d’hôtes destinées aux touristes et répertoriées sur des sites comme Airbnb. D’autres ouvrent des boutiques ou se lancent dans la restauration. De nouveaux petits restaurants voient le jour, notamment à La Havane…

Ces nouveaux entrepreneurs, souvent formés à l’étranger, mais désabusés, et peu enclins à y vivre de façon permanente, partagent un désir commun. Celui de retrouver, sous le soleil, leur pays, leur langue, leur culture, leurs racines – un rythme et une façon de vivre qui correspondent mieux à leurs aspirations.

Chevaux entre Jibacoa et Santa Cruz del Norte, le dimanche 10 décembre. Ci-dessous, images typiques de véhicules (souvent des taxis) sur les routes cubaines…
Entre Jibacoa et Santa Cruz del Norte…

Sur la route de La Havane…

C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai retrouvé cette semaine, après vingt ans d’absence, les rues animées et les quartiers de La Havane.

La Havane où j’ai eu la chance de me promener pendant plusieurs heures, jeudi, émerveillé, fasciné, transporté comme autrefois par l’ambiance toute particulière de la ville et par l’élégance, la dignité de ses habitants.

Touché aussi par la tristesse qu’on lit dans certains regards.

Par la pauvreté, la détresse, le combat quotidien pour survivre.

Voici donc ci-dessous une vingtaine de scènes de rues et de visages croqués sur le vif sur les trottoirs de la capitale, le jeudi 7 décembre.

À tous les « Habaneros » rencontrés ou croisés ce jour-là, « Gracias ». Avec tout mon respect.

Quel avenir pour Cuba?

On célèbre ici cet automne deux événements importants. Le premier anniversaire de la mort du Comandante Fidel, disparu en novembre dernier. Et le 50è anniversaire du décès du « Che », traqué et abattu en Bolivie en 1967.

Ernesto Che Guevara en compagnie de Fidel Castro, en décembre1959 ou janvier 1960.

À la tête du pays, Raoul Castro, 86 ans, a annoncé il y a quelques mois son retrait de la vie politique, et son départ, pour 2018.

Tiendra-t-il parole?

Qui lui succédera?

À quoi ressemblera Cuba dans dix ou vingt ans?

Difficile d’anticiper l’avenir d’une île qui a depuis bientôt soixante ans défié tous les pronostics. Difficile également de prédire la fin d’un régime qui a, depuis Kennedy, résisté et survécu à tous les présidents américains – y compris au (dangereux) bouffon actuel.

De mon côté,  je serais bien resté une, deux ou trois semaines de plus à Cuba, en voyageant indépendamment cette fois, direction est, vers Santiago de Cuba, où je suis resté trop peu de temps en 2006, et surtout vers Baracoa que je ne connais pas encore. Ce sera pour une autre fois. Un cinquième voyage.

J’ai cependant été extrêmement heureux d’avoir eu pendant quelques jours la chance de plonger et me baigner de nouveau dans l‘ambiance chaleureuse de Cuba et des Caraïbes.

Avant de retrouver, le mois prochain, Haïti.

JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE À TOUS

(Cliquez sur le lien ci-dessus pour nos voeux – très rythmés! – de Noël!)

Lectures de décembre

René Depestre (né en 1926) écrivain haïtien, originaire de Jacmel. Depestre a passé vingt longues années à Cuba (1959-1978), en exil, où il rencontre, notamment, Che Guevara, avec qui il a de nombreux entretiens. En 1988, il gagne le prix Renaudot. Il obtient peu après la nationalité française, et s’installe avec sa famille dans un petit village du Languedoc-Roussillon. « Le métier à tisser » retrace son itinéraire, ses rencontres et ses souvenirs « du roman-fleuve de ma traversée du vingtième siècle ». Passionnant.

Anne Sinclair brosse le portrait de son grand-père maternel, Paul Rosenberg, grand marchand parisien de tableaux impressionnistes et amateur d’art moderne, ami de Picasso et Matisse. Paul Rosenberg, juif, doit en 1940 abandonner sa galerie (rue de La Boétie) qui sera en partie pillée par les Nazis. Il s’installe à New York (où naît plus tard Anne Sinclair) et ouvre une seconde galerie. Souvenirs et drames d’une grande famille bourgeoise. Et portraits intimes des artistes (notamment Picasso) que côtoie la famille.

Au-revoir, Cuba!

En Pays catalan

Dans le département des Pyrénées-Orientales, l’abbaye de Saint-Martin du Canigou, perchée au-dessus du village de Casteil, à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Prades, mardi 8 août.

Après le merveilleux été passé, il y a deux ans, dans la région de Saint-Jean-Pied-de-Port, au Pays basque, quel bonheur de retrouver la belle lumière des Pyrénées dans la petite ville de Prades, située à une heure de train environ à l’ouest de Perpignan.

Prades, ancienne ville fortifiée, fondée au 9è siècle. La ville a accueilli en 1939 et 1940 des milliers de réfugiés espagnols et italiens fuyant les régimes fascistes de Franco et Mussolini. Prades abrite aujourd’hui un centre universitaire de recherche et d’enseignement, dédié à la langue et la culture catalanes
Le département des Pyrénées-Orientales. Au centre, Prades, où nous nous sommes installés du 6 au 13 août…

Nous sommes cette fois en Pays catalan.

Dans les rues, sur les marchés ou aux comptoirs des cafés, l’accent est différent de celui de Montpellier ou de Béziers.

Sur les sentiers qui sillonnent l’arrière-pays du Conflent, autour de Prades, et qu’empruntent les nombreux visiteurs, venus d’Espagne, le catalan est présent, presque partout.

Quelques exemples?

Bonjour = « Bon dia », bonsoir = « bona tarde », bonne nuit = « bona nit ».

Comment vous appelez-vous? = « Com es diu? »

Je ne comprends pas, pourriez-vous répéter SVP? = « No ho entenc. M’ho pot repetir si us plau? »

Deux ou trois rencontres à notre arrivée ont suffi à confirmer que nous ne sommes plus ici dans le midi de Sète ou de Marseille, dans le midi de Pagnol ou de Daudet, mais dans un pays culturellement bien différent: la Catalogne française.

La Principauté de Catalogne avant son annexion à la Couronne de France, en 1659.

Comme le montre la carte à gauche, la région autour de Perpignan (Perpinyà en catalan) et de Prades (Prada) a longtemps appartenu à un gouvernement de langue et de culture catalanes.

Et aujourd’hui encore, des deux côtés de la frontière, les Catalans revendiquent leur autonomie.

Côté espagnol, après un premier référendum perdu l’an dernier, une seconde consultation sur l’indépendance du territoire catalan est prévue le 1er octobre.

Drapeau indépendantiste catalan
L’Estrelada, le drapeau indépendantiste catalan

Côté français, les partisans de la Catalogne du Nord ne renoncent pas à leur rêve de vivre, un jour, dans une région autonome.

Plusieurs radios diffusent ici des programmes culturels et d’informations en catalan. L’apprentissage du catalan est, depuis 1993, une option pour les étudiants dans certains établissements scolaires des Pyrénées-Orientales. Et le nom des rues, des édifices est, dans la région, systématiquement affiché dans les deux langues.

Ces mesures suffiront-t-elles à faire progresser les velléités d’indépendance ou d’autonomie?

À l’extérieur de Prades, une partie du massif du Canigou dont la présence est célébrée dans la culture catalane.

Après la magnifique journée passée en vélo le long du canal du midi, nous avons eu le grand plaisir de retrouver comme prévu, le mardi 8 août, sur le marché de Prades, nos amis Annie et Stephen, venus de Perpignan…

Le grand marché du mardi de Prades. Un second marché a lieu le samedi matin.
Les producteurs de la région du Conflent viennent chaque semaine proposer leurs produits, Place de la République… Ces jours-là, même les boulangeries de la ville sont en fête…

L’accueil toujours souriant de la boulangerie Justinette, rue Jean Jaures, à Prades.

Une fois les courses terminées – au milieu de joyeuses conversations – nous avons partagé, dans le jardin de la petite maison que nous occupons pour la semaine, un beau pique-nique champêtre, composé en partie de spécialités catalanes…

Dans le jardin de notre petite maison, rue du Palais de Justice, à Prades, le mardi 8 août.
La fougasse, une brioche catalane à la crème ornée ici d’abricots. Merci Annie et Stephen!
Le fouet paysan, un saucisson sec, prisé dans les Pyrénées-Orientales

C’est aussi sur les conseils de nos amis que nous sommes partis le lendemain en randonnée sur la voie catalane des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle

… en direction du petit village de Codelet où est située l’abbaye bénédictine de Saint-Michel de Cuxa – « lieu de prière, de travail, d’art » – qui accueille depuis le 9è siècle visiteurs et pèlerins.

Sur le chemin qui mène à l’abbaye, des champs impeccablement cultivés où poussent au soleil pêches, pommes, poires, cerises et mûres. Le paysage est magnifique!

L’abbaye bénédictine de Saint-Michel de Cuxa dont la construction a débuté au 9è siècle

Après la messe quotidienne célébrée à midi, nous avons pu brièvement converser avec les moines de l’abbaye, en route pour leur déjeuner, et revêtus, simplement, de leurs habits de travail.

En tenue de travail après avoir célébré la messe, les deux moines de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa en conversation avec Diana. Le premier, à gauche, est originaire de la région de Milan. Le second, à droite, le vin de la messe encore à la main, a grandi en Alsace. Ils vivent et oeuvrent tous les deux à l’abbaye depuis plus de quarante ans.

Ils ne sont plus que deux à vivre dans l’abbaye.

Mis à part le service d’accueil et la boutique de souvenirs, les moines s’occupent de tout: des jardins, du potager, de la vigne qui pousse sur le terrain. Ils préparent leur nourriture, célèbrent les messes, ils tondent même le gazon!…

Après plus de quarante ans au service de la communauté, qui prendra leur place ensuite?…

À environ une heure de marche de Prades, sur le chemin de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa…

Cela passe vite, trop vite, une semaine à Prades!

Le petit train jaune au départ de la gare de Villefranche-Vernet-les-Bains, le vendredi 11 août

Une des attractions incontournables de la région est sans aucun doute le petit train jaune qui relie plusieurs fois par semaine, depuis 1903, au coeur des Pyrénées, la petite ville de Villefranche de Conflet au village de Latour de Carol. Village situé à proximité de Font Romeu où s’acclimatent et s’entraînent depuis de longues années les athlètes français de haut niveau.

Pendant la saison estivale cependant, trouver une place à bord du train jaune n’est pas toujours facile! Il est préférable de prendre à la gare de Villefranche le train de 9 heures plutôt que celui de 10 heures, souvent bondé.

À quelques kilomètres de la frontière espagnole, le petit train jaune poursuit dans les Pyrénées son ascension vers des villages de haute montagne, comme Mont Louis ou La Cabanasse, qui ont longtemps été inaccessibles par la route…

À une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Prades, le petit village de La Cabanasse, à l’horizon, au pied des Pyrénées, vu du village de Mont Louis, le vendredi 11 août

C’est presque déjà le moment de quitter Prades!…

Avant de partir, nous avons eu la chance d’assister à un dernier événement, « Le concert des étudiants » présenté dans le cadre du festival Pablo Casals – festival qui réunit pendant deux semaines, tous les étés, des musiciens du monde entier…

Composition de Mozart (2è mouvement, quintette K581) interprétée par cinq jeunes musiciens venus du Japon, du Royaume-Uni, de la France et d’Israël, rassemblés le samedi 12 août à l’église St-Pierre de Prades

Départ tôt, le dimanche 13 août en direction de Toulouse où nous attend notre amie Christiane, avec qui j’ai eu la chance de travailler comme coopérant, entre 2012 et 2013, au Rwanda.

Accueil extrêmement chaleureux dans son domicile du quartier de La Terrasse où résident également, pour quelques jours, deux autres amis, originaires du Danemark et du Japon.

Autour de la belle table dressée tous les soirs, rires, souvenirs de voyage et un somptueux buffet préparé par les fées de la maison…

Beaux moments de rencontres et de partage, dimanche 13 août, chez notre amie Christiane (à droite)

Grâce à l’impeccable logistique de Christiane, nous avons aussi eu la chance d’effectuer, le jour de notre arrivée, une très intéressante visite guidée des principaux monuments et quartiers de Toulouse qu’on appelle « la ville rose ». En raison de la couleur particulière des bâtiments construits, à l’origine, d’argile et de briques romaines qui, une fois cuits, prenaient une teinte rosâtre…

Aperçu du quartier Saint-Étienne à Toulouse, dimanche 13 août. Après Paris, Marseille et Lyon, Toulouse est aujourd’hui, par sa population, devenue la 4è ville de France….

Difficile de réaliser que mon périple de trois mois en Italie et en France se termine déjà!…

Sentier sur l’île de Salina, dans les îles éoliennes, au large de la Sicile, en juin 2017.

Le temps est passé si vite! Et tant de choses vont nous manquer en France!

Un exemple parmi d’autres?

Le code exquis de la politesse et du savoir-vivre requis dans les échanges quotidiens, dans les boutiques, les magasins, les boulangeries, les marchés…

Ce qui, dans la conversation, donne à peu près ceci: « Bonjour Monsieur, bonjour Madame… Vous désirez?… Et avec ceci?… Ça sera tout?… Merci, et au-revoir, monsieur, au-revoir, madame… Bonne journée!… À vous aussi!… Au-revoir« .

Imagine-t-on le même rituel, répété plusieurs fois par jour, dans les grandes villes d’Amérique du Nord?

Avant de reprendre avec Diana cet après-midi l’avion pour Vancouver, je tiens à remercier tous ceux et celles croisés sur la route depuis mon départ du Canada, le 23 mai.

Je tiens en particulier à remercier:

Mon frère Alix compagnon de voyage généreux, attentionné et prudent lors de nos deux semaines de randonnées et de découvertes en Sicile. Merci Alix!

Notre amie Josiane à Vancouver qui, la première, il y a bien longtemps, nous a mis la puce à l’oreille et éveillé notre curiosité à propos de la ville Sète. Qu’elle en soit remerciée! Merci, Josiane!

Merci également à Annie et Stephen de nous avoir si amicalement guidés dans ces grandes et belles journées d’exploration dans ces régions magnifiques du sud-ouest de la France.

Marianne, perdue de vue depuis notre année de travail commun au Vietnam, il y a vingt ans. Marianne, venue si gentiment de Bruxelles passer quelques jours de vacances avec nous, à Sète.

Merci à Monsieur et Madame Ouaki qui par leur bienveillance et leur chaleureuse présence ont illuminé notre séjour à Sète.

Merci à Agnès dont la gentillesse et la prévenance à Prades, nous ont beaucoup touchés. Merci d’avoir mis à notre disposition la maison et le merveilleux jardin du « Merle du Matin ».

Merci enfin infiniment à Christiane qui nous a si généreusement accueilli chez elle à Toulouse et nous a offert son amitié.

Dans le quartier de La Plaine, à Toulouse, lundi 14 août

Sète

Le canal du midi, au sud de Béziers, le vendredi 28 juillet. Photo: Stephen Cassels.

Quelle incroyable expérience de vivre, pendant trois semaines, au cœur de l’été, dans la région de Sète!

Et quel bonheur de découvrir un peu plus chaque jour, avec enchantement, au bord de la Méditerranée, la culture fascinante du midi de la France!

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Située au bord de la mer, entre Montpellier au nord et Béziers à l’ouest, la ville de Sète, dans le département de l’Hérault, fait partie de la région Occitanie, région qu’on appelait autrefois Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Premier port de pêche français en Méditerranée, Sète se transforme pendant la saison estivale en une palpitante cité festive.

Pour le plus grand bonheur des voyageurs!

Entre la mer, le soleil, les marchés, la dégustation de produits locaux, les plages, le vélo et l’accent du midi, le visiteur, comblé, ne sait souvent plus où donner de la tête!

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Grand marché du mercredi, à Sète, le 26 juillet.

Sète est aussi renommée pour les nombreux festivals qui animent, l’été, les rues et les canaux du centre-ville.

L’événement le plus connu est sans doute le tournoi de joutes nautiques qui attire, entre la mi-juin et la rentrée de septembre, des milliers de curieux.

Tournoi de joute sur un des canaux du centre-ville de Sète, le samedi 29 juillet

Sport très ancien, pratiqué autrefois par les Égyptiens et les Romains, le tournoi de joutes oppose deux équipes de 8 à 10 rameurs, vêtus de blanc. Sur chacune des barques, sur une plate-forme située à trois mètres au-dessus du niveau de l’eau, est juché le jouteur.

Une première passe d’honneur avant le début du tournoi

Une fois le signal donné, les deux bateaux s’élancent et les jouteurs, la poitrine protégée par un bouclier (le pavois), tentent, lorsque les bateaux se croisent, de se faire tomber à l’eau avec une lance de bois à bout ferré.

Le choc des lances contre le pavois est souvent violent…

Le tournoi, accompagné de musique traditionnelle et de fanfares basées dans les tribunes, est spectaculaire! Et l’événement est devenu, à Sète, une véritable institution.

Célébration d’un club de jouteurs, coiffés de leurs canotiers, place Aristide Briand, à Sète, le samedi 29 juillet

Un autre événement réunit à Sète tous les étés des poètes et des musiciens venus de toute la Méditerranée.

Dans le cadre du Festival des Voix Vives, artistes et écrivains du Portugal, de la Syrie, du Maroc, du Liban, de la France, de la Palestine et d’ailleurs partagent, de l’aube à la nuit tombée, dans les rues et sur les quais de la ville, leurs mots, leurs voix et leurs musiques.

Les spectacles sont saisissants.

Nous avons eu la chance d’assister dans notre quartier, du 22 au 29 juillet, à deux pas de notre appartement, à des représentations exceptionnelles.

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Le musicien Marc Simon, le dimanche 23 juillet.

J’aimerais saluer ici le travail des bénévoles du festival que nous avons vu travailler d’arrache-pied toute la semaine. Et saluer aussi la vision des autorités de la ville qui offrent depuis huit ans aux visiteurs et aux Sétois un festival remarquable et fraternel « qui relie les mots, les hommes et les continents. »

La chanteuse Ana Lains, du Portugal, le samedi 22 juillet
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La chanteuse Nada Almahdi du Maroc, jeudi 27 juillet
Maryse sert avec le sourire depuis plus de 60 ans ses clients dans la boulangerie familiale (notre préférée!) de la rue Longuyon à Sète. On peut aussi y déguster le « pain paillasse » (à droite) ou de la tielle (ci-dessous) un plat délicieux composé de poulpe, de tomates, d’ail et d’oignons enrobés d’une pâte faite au beurre….
La tielle, une spécialité sétoise, héritée des pêcheurs italiens et espagnols.

D’un côté plus personnel, ces trois semaines passées à Sète m’ont aussi permis de retrouver une amie et une ancienne collègue, coopérante avec moi au Vietnam, il y a bientôt vingt ans.

Quelle joie de revoir Marianne, conseillère pédagogique hors-pair, rencontrée au Vietnam en 1997. Marianne qui m’a tant aidé et conseillé dans mon travail de coopérant et d’enseignant à l’université de Dalat. Marianne a eu la lumineuse et généreuse idée de venir, depuis Bruxelles, passer quelques jours de vacances cet été à Sète. Cela a été un immense plaisir de te revoir, Marianne!

Nous avons eu le grand bonheur un matin de visiter ensemble l’Espace Brassens, le très beau musée dédié à la mémoire de l’auteur-compositeur né, comme Paul Valéry et Jean Vilar, dans la ville de Sète…

Le poète, auteur-compositeur Georges Brassens (1921-1981)
photo Jean vilar
Le comédien et metteur en scène Jean Vilar (1912-1971). Jean Vilar a également été en 1947 le créateur du Festival d’Avignon qu’il dirigea jusqu’en 1971.
Photo paul-valery
L’écrivain Paul Valery (1871-1945)
Sète, vue du Mont St-Clair. À gauche, le bassin de Thau.

Nos journées ont été bien remplies à Sète!

Nous avons adoré découvrir les différents quartiers de la ville –  la Pointe Courte, le Barrou, le Mont St-Clair, les Pierres Blanches, la Corniche, le Quartier-Haut, les Quilles. Quartiers entièrement distincts les uns des autres, modestes en général près de la mer, plus cossus sur les hauteurs.

Quartiers qui donnent à Sète un cachet tout particulier. Celui d’une ville balnéaire, populaire et portuaire. Grande ouverte sur la Méditerranée. Comme en témoignent les immenses navires qui relient, l’été, plusieurs fois par semaine, Sète aux ports du Maroc, de l’Espagne, de l’Égypte…

Du balcon de notre appartement situé dans le quartier-haut, vue partielle sur le port et les toîts de Sète…
La rue Paul Valery qui, depuis les quais, monte jusqu’à notre appartement. Le quartier-haut ressemble beaucoup aux villes italiennes du sud. C’est dans ce quartier qu’a vécu, enfant et adolescent, Georges Brassens. Sète est aujourd’hui une ville particulièrement prisée par les retraités qui disposent ici d’un cadre de vie et d’un climat agréables. Les loyers sont abordables, la criminalité, faible. Les seniors ont aussi ici accès à tous les services qu’offre une ville de taille moyenne. Cela fait beaucoup d’atouts.

Journées mémorables également passées, en vélo, sur les nombreuses pistes cyclables de la région…

La piste cyclable (25 kms) qui longe la Méditerranée entre Sète et le Cap-d’Agde, le lundi 24 juillet. À l’horizon, on aperçoit le Mont St-Clair, la colline qui surplombe la ville de Sète. On cultive aussi de la vigne près de la plage d’où est extrait « le vin des sables » ou « le vin gris », un rosé particulièrement apprécié dans la région.

Nous avons d’abord exploré la longue piste qui relie, entre le bassin de Thau et la mer méditerranée, la ville de Sète au Cap d’Agde.

Nous avons parcouru ce jour-là trente-deux kilomètres (a-r) jusqu’à la petite station balnéaire de Marseillan-Plage, avant de revenir sur Sète. Paysage splendide. Très peu de monde sur les plages. Où sont les touristes? « Ils arrivent dans quelques jours, au début du mois d’août« , nous dit-on… Nous irons vérifier cette semaine…

En compagnie de nos amis, Annie et Stephen, sur les berges du canal du midi, entre Portiragnes-Plage et Béziers. Une journée magnifique!

Autre randonnée de rêve le 28 juillet le long du canal du midi!

Après avoir pris le train tôt le matin pour Béziers (à vingt minutes de Sète), nous avons rejoint nos amis, Annie et Stephen, à RelaxBikeTours, une excellente boutique de location de vélos, située à deux pas de la gare de Béziers.

Service impeccable sous la houlette d’Isabella, une universitaire américaine, originaire de l’Alabama, qui habite et travaille à Béziers avec son mari depuis six ans.

Isabella, avec Diana, qui gère Relax Bike Tours. Une excellente adresse pour ceux intéressés à explorer, en vélo, le canal du midi, à partir de Béziers. Service efficace et vélos de grande qualité. Merci, Isabella!

Direction: le mythique canal du midi, conçu et construit au 17è siècle par l’entrepreneur Pierre-Paul Riquet, sur les ordres de Louis XIV, afin de relier la Garonne à la Méditerranée.

Cela fait des années que je rêve de découvrir le canal qui est aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

Nous n’avons pas été déçus.

Nous avons vendredi avalé une quarantaine de kilomètres (a-r) le long du canal avec un grand sourire sur le visage! Une fantastique journée de voyage, de découverte, de partage, à marquer d’une pierre blanche. Merci Stephen et Annie!

Trois images du canal du midi entre Béziers et Portiragnes-Plage… Une de nos plus belles journées de vacances!
Ci-dessus, courte pause de Stephen devant le canal et, ci-dessous, Diana et Annie sur le chemin du retour vers Béziers…

Nous partons ce matin pour la journée à Montpellier (à quinze minutes de train de Sète – merci la SNCF!). Et départ dimanche, comme prévu, pour l’avant-dernière étape de notre voyage: la petite ville de Prades, située dans les Pyrénées-Orientales, à une heure de train environ à l’ouest de Perpignan.

Depuis Prades, nous rejoindrons ensuite, en train, le 13 août, Toulouse, où nous serons très gentiment hébergés chez notre amie Christiane…

Nous passons vraiment cet été dans le sud de la France des vacances inoubliables. Il y a tant à voir, à faire, à déguster, dans cette somptueuse région du sud-ouest. Trois semaines à Sète, cela passe très vite, trop vite!

Bonne fin d’été à tous!

Un de nos pique-niques à Sète

Entre Belleville et Ménilmontant

À l’est de Paris, entre le parc des Buttes-Chaumont et le cimetière du Père-Lachaise, les quartiers de Belleville et Ménilmontant.

Cela fait plus de dix ans que je viens tous les ans à Paris vivre quelques semaines dans le quartier de Belleville ou celui, voisin, de Ménilmontant. La plupart des touristes ne mettent jamais les pieds dans ces quartiers populaires de l’est de la ville. Trop excentrés. Peu de monuments à voir ou de musées à visiter.

Rue de Ménilmontant, le mercredi 21 juin

Si les vacanciers s’aventurent jusqu’ici, c’est souvent en quête du petit frisson qu’ils ressentent, assis timidement à la terrasse d’un café ou à la table d’un bistro. Le sentiment de vivre, un instant, à Paris, dans un monde bigarré, métissé. Vaguement dangereux. Dans un de ces quartiers dits « sensibles » qui fascinent et effraient les étrangers.

La rue du Faubourg du Temple qui mène, au nord, vers Belleville. Ci-dessous, le boulevard de Belleville, un jour de marché

Ceux, de plus en plus nombreux, qui connaissent et aiment la vie animée de ces deux quartiers savent cependant que derrière l’agitation de la rue et les portes closes des immeubles se cache un monde plus feutré, presque secret. Où le promeneur découvre des passages silencieux, des cours intérieures, de petits jardins, des oasis insoupçonnées…

Villa de l’Ermitage, Ménilmontant
Derrière les facades des immeubles, on retrouve à Ménilmontant ou à Belleville des îlots de calme et de verdure, les deux quartiers ayant gardé à Paris leur âme de village…

Aux portes de Paris, Belleville et Ménilmontant partagent une longue histoire de révolte et d’insurrection…

Avant d’être annexés à la capitale en 1860, les deux faubourgs, situés sur une colline, sont peuplés d’ouvriers, d’artisans. On vote à gauche. Les premiers syndicats voient le jour ici.

En mai 1871, les barricades sur les hauteurs de Belleville sont les dernières à tomber lors de la Commune.

Mai 1871, Boulevard de Belleville.

Au tournant du siècle, les deux villages, plantés de vignes, sont des lieux de promenade et de plaisir appréciés des Parisiens. Qui viennent aussi le soir s’encanailler dans les guinguettes et se rassasier de vin bon marché.

Ménilmontant, 1947. Photo Willy Ronis.

La tradition se poursuivra longtemps.

Rue du Pressoir, 1957. Photo Gérard Lavalette – « Le Belleville que j’aime avec ses mecs sapés comme des arsouilles, des anars… » (G.L.)

Dans ces deux quartiers éloignés du centre et des grands boulevards de la capitale, les conditions de vie sont souvent précaires. Des îlots d’habitation, insalubres, peuplés de familles, d’enfants, font bientôt leur apparition. Ils seront, plus tard, détruits.

Ménilmontant
Ménilmontant, 1957. Photo Janine Niepce.
Ronis
Devant un café de Ménilmontant, 1947. Photo Willy Ronis

C’est aussi à Belleville et à Ménilmontant qu’affluent, à la fin de la première guerre, les premiers migrants. Polonais, Arméniens, fuient les combats et se réfugient avec leurs familles dans le Bas-Belleville. Dans les ateliers du quartier, ils travaillent le cuir, le bois, le fer.

Ils sont bientôt suivis par les Italiens, les Espagnols…. Les Algériens, les Tunisiens viendront ensuite… La population des deux quartiers explose. Parmi les nouveaux-venus, des noms et des visages qui seront plus tard très connus…

Au 72 rue de Belleville…

Une importante communauté asiatique vit également à Belleville depuis trente ans. Et aujourd’hui, le monde entier se donne rendez-vous ici. En particulier les jours de marché, le mardi et le vendredi, où les deux quartiers, véritables tours de Babel, sont réunis dans une atmosphère de fête entre la rue de Belleville et la rue de Ménilmontant.

Le contraste avec les « beaux quartiers » du centre est frappant. Les enseignes des grandes compagnies (Starbucks, Gap) qui défigurent peu à peu les quartiers historiques de Paris sont pratiquement absentes à Belleville ou Ménilmontant.

Ici priment la vitalité du commerce de proximité, la vie de quartier et la chaleur des échanges entre clients et petits commerçants – cordonniers, épiciers, tailleurs, bouchers, maraîchers qui, bien souvent, oeuvrent depuis des années, en famille, dans la même boutique.

Cette intimité dans les rapports quotidiens (qui semble avoir disparu dans les quartiers du centre) n’a pas de prix. C’est une des raisons pour lesquelles nous revenons.

Rue du Faubourg du Temple

C’est aussi à partir de ces deux arrondissements (le 19è et le 20è) qu’on peut, à mon avis, faire parmi les plus belles, les plus étonnantes promenades dans Paris. Entre le parc des Buttes-Chaumont et le cimetière du Père-Lachaise, les possibilités sont presque infinies…

Pour ceux qui aiment flâner loin des sentiers battus et découvrir des rues ou des quartiers insolites, voici trois suggestions d’itinéraires dans le Paris populaire d’autrefois et celui, transformé, multiculturel, d’aujourd’hui.

Montmartre et le Sacré-Coeur, vus de la Butte Bergeyre dans le 19è arrondissement.

Avant de chausser vos espadrilles cependant, un conseil. Prenez votre temps, n’hésitez à vous perdre dans les petites rues transversales. Arrêtez-vous un moment pour souffler dans un parc ou au comptoir d’un café. Tout cela est fortement recommandé.

Le passage Pinton, dans le quartier de la Mouzaïa, dans le 19è arrondissement

1.

Du cimetière de Belleville (le point culminant de Paris avec Montmartre), rejoindre la station de métro Télégraphe et descendre la rue de Belleville jusqu’au boulevard de Belleville.

En chemin, musarder dans les boutiques, les boulangeries et les nombreuses librairies du « Village Jourdain ». Visiter l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. Franchir la rue des Pyrénées (le parc des Buttes-Chaumont est à 5 minutes de marche, sur la droite) et descendre jusqu’au boulevard (et métro) de Belleville.

On laisse ici le 19è (et le 20è) arrondissement.

Continuer ensuite tout droit le long de la rue du Faubourg du Temple jusqu’à la place de la République. Le canal Saint-Martin est à deux pas, sur la droite.

On peut poursuivre la promenade jusqu’au quartier latin en suivant la rue des Archives (ou la rue Vieille du Temple) jusqu’à la rue de Rivoli et l’Hôtel de Ville.

Franchir ensuite la Seine, traverser le parvis de la cathédrale Notre-Dame et arriver au boulevard Saint-Michel.

C’est, en partie, le chemin que je parcours tous les matins afin de rejoindre La Sorbonne. (1 heure 15 environ).

Métro Belleville, le mercredi 21 juin.

2.

Du métro Gambetta (sortie Martin Nadaud), emprunter la rue des Rondeaux qui longe le cimetière du Père-Lachaise. Tourner à gauche au bout de la rue des Rondeaux et emprunter la rue Stendhal jusqu’à l’église Saint-Germain de Charonne, construite au Moyen-Âge, une des plus anciennes et (à mon avis) une des plus belles églises de Paris, avec son petit cimetière.

Le quartier Saint-Blaise et l’église Saint-Germain de Charonne, mercredi 12 juillet.

Poursuivre la promenade dans le quartier Saint-Blaise, situé en face de l’église, l’un des plus vieux quartiers de la capitale, méconnu. La chanteuse Barbara y a vécu.

Terminer la promenade (hors du 20è arrondissement) en descendant la rue de Charonne jusqu’à la place de la Bastille. Détour recommandé au marché Aligre, dans le 12è, un des plus animés de Paris, ouvert 6 jours sur 7.  Prévoir 2 heures de marche environ.

3.

Du parc des Buttes-Chaumont, emprunter la rue de Mouzaïa et se perdre dans les petites ruelles bordées de villas et de jardins. Terminer la promenade au parc de la Butte Rouge. (1 heure).

Revenir sur ses pas et, à partir du parc des Buttes-Chaumont, descendre la rue de Crimée jusqu’au bassin de la Villette où le promeneur a deux options. Tourner à droite et poursuivre la promenade le long du canal de l’Ourq.

Ou tourner à gauche et rejoindre le centre-ville par les berges du canal Saint-Martin. (1 heure)

La Seine et l’île Notre-Dame vues du pont Louis-Philippe.

Diana m’a rejoint à Paris et je commence demain, rue Serpente, dans le Quartier latin, ma deuxième semaine de cours à la Sorbonne. Semaine consacrée aux « identités françaises ». Cela sera passionnant.

Nous partons comme prévu dimanche 16 juillet pour un long séjour dans le sud-ouest de la France.

Au programme, trois semaines à Sète, au bord de la Méditerranée, avant de poursuivre notre exploration de la région Languedoc-Roussillon (rebaptisée depuis peu Occitanie) dans la petite ville de Prades, située dans les Pyrénées-Orientales, où nous passerons une semaine.

Nous terminerons notre périple, à la mi-août, chez une amie, à Toulouse, avant de rentrer, le 15 août, une dernière fois, à Paris.

Bon été à tous!

Les îles Éoliennes

Sur un des sommets de l’île Lipari, entre les villages de Quattropani et d’Acquacalda, le mardi 6 juin. À l’arrière- plan, au nord, l’île Salina.

Quel plaisir de passer avec mon frère Alix une belle et grande semaine sur les îles éoliennes – un archipel de dix-sept îles volcaniques et singulières situées au nord-est de la Sicile, à une heure de bateau du port de Milazzo.

La Sicile (devant la Sardaigne) est la plus grande île de la Méditerranée

Nous avons pendant huit jours arpenté et exploré les nombreux sentiers qui sillonnent ces îles magnifiques et peu connues qu’on appelle « les perles de la Méditerranée. »

Les îles éoliennes, un chapelet d’îles sauvages et préservées pour le plus grand plaisir des randonneurs

Inscrites depuis près de vingt ans au patrimoine mondial de l’Unesco, seules sept des dix-sept îles de l’archipel sont habitées et trois seulement sont accessibles aux automobiles.

Chemin traditionnel de pierre (emprunté autrefois par les mules) qui surplombe l’île Alicudi, le vendredi 9 juin.

Nous avons choisi de nous installer pour la semaine à Lipari, l’île principale (environ 13 000 habitants) et le centre commercial et administratif de l’archipel.

La plupart des passagers, des traversiers et des marchandises en provenance ou à destination de la Sicile, des autres îles éoliennes, et/ou du continent transitent par l’un des deux ports de Lipari.

Lipari, mercredi matin 7 juin, devant le petit port de Marina Corta.

Les îles éoliennes ont une longue et fascinante histoire.

Elles ont été tour à tour contrôlées par plusieurs puissances méditerranéennes, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Arabes, les Espagnols. Chacun y a laissé son empreinte. Les îles doivent leur nom aux Grecs qui les ont baptisées éoliennes car ils considéraient qu’elles étaient la demeure du dieu des Vents, Éole.

Lipari était autrefois un important centre de commerce de l’obsidienne, une roche volcanique qui était à l’époque (4000 ans avant J-C) le matériau le plus tranchant dont l’homme disposait. L’obsidienne était utilisée dans la fabrication des armes et des outils.

Pendant cette période lointaine, Lipari était l’un des lieux les plus peuplés de la Méditerranée…

La Piazza Mazzini, à Lipari

Tout cela a bien changé aujourd’hui. Les îles ont retrouvé leur calme. Et sont devenues un point de rencontre incontournable pour les scientifiques qui viennent y étudier la vulcanologie et la géologie.

Un des massifs montagneux et volcaniques typiques de Lipari… au coeur duquel serpente un fabuleux sentier de randonnée…

Les randonneurs du monde entier se donnent également rendez-vous ici…

Alix en plein effort, le mercredi 7 juin, sur un des sentiers de Lipari, entre les villages de Quattropani et Pianocorte. Ci-dessous, courte halte, la même journée avec, à l’arrière-plan, à l’ouest, l’île Salina.

Tous les matins, après un copieux (et très sucré!) petit déjeuner italien…

Aperçu des plats délicieux qui nous sont servis le matin par la souriante Sara, 20 ans, née à Lipari et qui a grandi sur les îles éoliennes…

… nous partons découvrir – par la route ou en bateau – les chemins, les villages et les paysages somptueux des principales îles de l’archipel: Alicudi, Filicudi, Salina, Vulcano, Lipari, Panarea et Stromboli…

La baie et une des plages de l’île Filicudi, le vendredi 9 juin

L’une de nos plus belles excursions nous a menés jusqu’à l’île Filucidi, située à 90 minutes de bateau à l’ouest de Lipari. Filicudi où vivent, dans un cadre féérique, environ 300 habitants.

Parmi eux, Gisela et Aldo qui tiennent sur l’île une petite auberge. Lors d’un récent entretien publié dans un magazine, ils ont partagé ce qui les a conduits jusqu’ici. Écoutons-les parler.

« Nous voulions mener une vie simple et tranquille loin du chaos, des sirènes assourdissantes, des problèmes de circulation, des gens agressifs. Nous cherchions un endroit où nous pourrions regarder l’avenir avec le sourire au lieu d’avoir peur ou de se battre pour une place de stationnement. Nous voulions vivre dans un environnement, une communauté qui serait le prolongement de notre maison.

Nous cherchions la mer, le soleil, l’odeur de la terre, le silence. Afin de continuer à être nous-mêmes. Alors nous sommes partis. Nous avons vécu dans divers endroits, sous différents climats. Notre désir d’exotisme a été comblé à Filicudi, une petite île magique, au cœur des îles éoliennes. Nous vivons ici et nous voulons partager la possibilité de vivre cette expérience avec tous ceux qui ont le même désir que nous… »

Sages paroles…

Quelques-unes des rares maisons construites sur l’île Alicudi, le vendredi 9 juin.

Alicudi, située encore plus à l’ouest, à deux heures de bateau environ de Lipari est l’un des lieux les plus isolés du bassin méditerranéen. Ici, vivent dans un splendide isolement une centaine d’habitants farouchement cramponnés à leur rocher et attachés à leurs traditions.

Au milieu de la mer, le silence est divin. Interrompu seulement, haut dans le ciel, par le cri des mouettes.

Le paradis.

Nous n’avons passé que quelques heures à Alicudi, mais j’aimerais y retourner. C’est, je crois, de toutes celles visitées, mon île préférée.

Aucun véhicule ne circule à Alicudi. Les résidents sont aussi très discrets. Nous n’avons pratiquement vu personne lors de notre courte visite.
Alicudi, le vendredi 9 juin. À l’horizon, à l’est, Filicudi.
Arrivée sur l’île Vulcano, le vendredi 9 juin

Il est difficile de parler aujourd’hui de la Sicile sans évoquer la situation des migrants. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés plus de 60 000 demandeurs d’asile sont arrivés en Italie par bateau depuis le début de l’année 2017.  Plus de 80% d’entre eux eux arrivent par la Sicile. (Voir plus récentes statistiques ici).

Le trafic illicite de ces « clandestins » est une tragédie. Les passeurs exigent jusqu’à 5000 euros par personne pour transporter dans des conditions inhumaines leurs « passagers » et traverser la Méditerranée. Chaque semaine, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants meurent noyés. La garde côtière italienne est débordée.

Quelques jours plus tôt, lors de notre séjour à Palerme, nous avons vu dans le quartier du marché Ballaro, des dizaines d’Africains, jeunes pour la plupart, munis d’un permis de séjour temporaire, qui attendent, dans des conditions précaires, la régularisation de leurs papiers. Plusieurs veulent gagner l’Angleterre ou l’Allemagne. Leurs difficultés sont immenses.

Mais les apparences sont parfois trompeuses…

Gum devant le « alimentari » (épicerie) de mon quartier à Lipari, le jeudi 8 juin.

Ainsi, Gum, la quarantaine, vit une partie de l’année à Lipari depuis plus de trente ans.

Il gagne sa vie en vendant des petits objets et des sacs à main devant l’une des épiceries de la ville. Il parle couramment l’italien et, grâce à son travail et à son honnêteté, il a su gagner la confiance des habitants du quartier qui l’ont adopté. Gum possède un permis de séjour permanent.

Tous les ans, après la saison estivale, il quitte Lipari et va rejoindre sa famille dans son pays d’origine, le Sénégal. J’aimerais saluer ici son courage et sa détermination.

Le Monte dei Porri (860 mètres), un des deux volcans (éteints) qui dominent l’île Salina. À l’avant-plan, la ville-sanctuaire de Valdichiesa.

Ultime ascension, le dimanche 11 juin, au coeur de l’île Salina.

C’est ici qu’a été tourné le film « Il Postino » avec Philippe Noiret. L’île, très verte, compte plusieurs vignobles et est encadrée par deux volcans. Notre objectif ce jour-là est d’escalader l’un deux, le Monte Fossa delle Felci dont le sommet (962 mètres) est le point culminant de l’archipel des îles éoliennes.

Pari tenu.

Notre randonnée est l’une des plus réussies du voyage. Sur le chemin, avant d’arriver au sommet, nous traversons une magnifique forêt de pins et de fougères…

…. avant de déboucher sur un panorama grandiose…

La petite ville de Santa Marina en contre-bas. À droite, au sud, l’île de Lipari.

Mission accomplie.

Nous quittons comme prévu demain les îles éoliennes pour le sud de la Sicile.

Nous serons basés pendant trois jours dans la vieille ville de Syracuse (Ortigia) avant de poursuivre notre exploration du grand sud-est de l’île.

Nous nous arrêterons à Noto, Scicli, et Catane. Si le temps le permet, nous irons peut-être jusqu’à Agrigento, sur la côte sud de l’île. De Catane enfin, le mardi 20 juin, Alix reprendra l’avion pour Montréal, et moi, pour Paris.

Avec mon frère Alix qui a découvert pendant son séjour deux nouvelles passions: l’île Stromboli et la vulcanologie!

Paris – Emmanuel Macron

Heureux d’être de retour à Paris après un an d’absence!

Mais – alors que je débute un séjour de trois mois en France (avec une parenthèse de trois semaines en Sicile avec mon frère Alix) – que de changements dans le pays depuis douze mois!

La rue Julien Lacroix, entre le Parc de Belleville et la rue de Ménilmontant, dans le 20è arrondissement de Paris, le mercredi 24 mai.

Depuis mon départ en juin dernier, le paysage politique en France a été complètement recomposé, bousculé, dynamité par ce que les médias appellent ici « le phénomène (ou la fusée) Macron ».

En quelques mois, les principaux acteurs de la vie politique française, tant à gauche (François Hollande, Manuel Valls) qu’à droite (Nicolas Sarkozy, François Fillon) ont été balayés, remerciés, chassés du pouvoir.

Le processus électoral a été impitoyable. Et « l’ancien monde » des partis traditionnels (le Parti socialiste, Les Républicains) a volé en éclats.

Rue de Ménilmontant, mercredi 24 mai

Je me rappelle au printemps dernier être allé rendre visite à Paris, place de la République, aux adhérents du mouvement Nuit debout.

Le mouvement – issu de la gauche radicale, du milieu étudiant et ouvrier – était né quelques semaines plus tôt afin de combattre la politique jugée « trop libérale » du parti socialiste, alors au pouvoir.

Au cœur de Paris (et dans plusieurs villes de province) les pancartes affichaient, à un an des élections présidentielles, des slogans pleins d’espoir et de promesses. « La liberté est notre bien commun » – « Préavis de rêve ».

D’autres messages appelaient les citoyens à l’insurrection, au soulèvement face à un gouvernement qui avait, selon les manifestants, « trahi les valeurs de la gauche« .

«Tapez révolte sur votre clavier et sortez dans la rue », « Qui sème la misère récolte la colère » scandaient les partisans de Nuit debout, réunis tous les soirs, place de la République, en assemblées générales.

Tout cela semble bien loin aujourd’hui…

Paris, le mercredi 24 mai. À quelques centaines de mètres, à l’est, les berges du Canal de l’Ourcq…

Il y a trois semaines, les Français ont élu à la tête du pays un homme jeune, ambitieux, encore pratiquement inconnu il y a trois ans: Emmanuel Macron, trente-neuf ans, ancien banquier et chef d’un mouvement – La République en Marche – créé il y a peine un an.

Son ascension fulgurante et son élection (près de 90% des voix récoltées à Paris au second tour) constituent une véritable révolution.

A-t-on déjà connu, se demande-t-on ici, une pareille ascension, si rapide, depuis Bonaparte?

Adulé par les uns, honni par les autres, le nouveau président ne laisse personne indifférent.

« C’est un personnage ambigu » entend-on à droite, c’est plutôt « le candidat des banques et des patrons » rétorque la gauche. « C’est le président des riches et des nantis », ajoute l’extrême-gauche. Chacun a son opinion.

Le président est aussi devenu, en quelques mois, la nouvelle coqueluche des médias. Toutes les radios, les journaux, les magazines, se l’arrachent.

Combien de temps la lune de miel va-t-elle durer?

Rue du Jourdain (20è), dimanche matin 28 mai, 7h30.

En me promenant dans les rues de mon quartier du Village Jourdain, situé dans le nord-est de la ville, entre Belleville et Ménilmontant, un constat s’impose, une évidence. Depuis mon dernier séjour, au printemps 2016, Paris semble apaisée, pacifiée.

Omniprésentes l’an dernier, les patrouilles de soldats – lourdement armés, se déplaçant lentement, mitraillettes au poing – ont pratiquement déserté l’espace public. Les rues sont calmes, plus propres.

Les sacs en plastique ont disparu des caisses des supermarchés et sont maintenant interdits dans la plupart des commerces…

Bien que l’état d’urgence soit maintenu sur tout le territoire, la tension qui régnait dans les rues l’an dernier s’est estompée. Il n’y a pas eu de violences ou d’attentats graves depuis plusieurs mois.

Les Parisiens restent cependant prudents, vigilants.

Le ramadan – période souvent propice à l’embrasement, aux débordements –  a débuté vendredi.

Le marché Belleville, le vendredi 26 mai

L’été est aussi arrivé. Le thermomètre est monté à Paris cette semaine jusqu’à 32 degrés. C’est le long weekend de l’Ascension. Et on célèbre, dimanche, la Fête des mères…

Le Parc des Buttes-Chaumont, le jeudi 25 mai.

Dans les parcs ou à la table des cafés, les Parisiens profitent, au soleil, d’un pont de quatre jours. Et semblent avoir, pour l’instant, retrouvé le sourire…

Dans le quartier de Ménilmontant, le mercredi 24 mai

Le répit sera de courte durée. Après la longue campagne présidentielle et la formation, le 17 mai, d’un premier gouvernement Macron, une nouvelle campagne débute.

Les Français sont de nouveau appelés aux urnes le 11 et le 18 juin afin d’élire cette fois leurs députés. 577 sièges sont en jeu.

Affiches pour les élections législatives dans une rue de Ménilmontant

Le parti d’Emmanuel Macron, La République en Marche – composé à plus de 30% d’individus issus de la société civile et néophytes en politique – arrivera- t-il à imposer ses candidats et à remporter une majorité de sièges? Les premiers sondages leur sont favorables.

Candidate LR (Les Républicains) aux élections législatives de juin. À remarquer, sur l’affiche, comme chez plusieurs autres candidats, aucune affiliation à un parti n’est ouvertement revendiquée

Quels résultats obtiendront les anciens grands partis traditionnels, le Parti Socialiste et Les Républicains? Combien de sièges remportera « la gauche de la gauche », le parti de la France Insoumise dirigé par Jean-Luc Mélenchon? Quel sera le taux d’abstention? Quel visage aura la nouvelle Assemblée nationale?

Réponse à toutes ces questions (dont tout le monde parle ici) le dimanche 18 juin.

D’ici là, de mon côté, changement complet de décor. Départ demain pour Palerme et la Sicile où je passerai les trois prochaines semaines. Je serai accompagné de mon frère Alix qui me rejoint à Palerme le 3 juin. J’ai bien hâte d’explorer avec lui la région.

Au programme: découverte de quelques unes des îles éoliennes (peu connues) situées au nord de la Sicile – Lipari, Salina, Panarea, Filicudi, Alicudi, Vulcano et Stromboli. Nous serons basés pendant huit jours à Lipari.

Nous gagnerons ensuite (en voiture), à partir de Milazzo, le grand sud-est de l’île. Étapes prévues à Syracuse, Noto, Scicli et Catania.

Je serai de retour à Paris le 20 juin où Diana me rejoindra, début juillet. Je reprendrai ensuite le chemin de l’école afin d’assister, à partir du 3 juillet, à une seconde session de l’université d’été de la Sorbonne.

Bon été à tous!

Plat de boulettes accompagnées d’olives, de carottes et de harisa, restaurant Le Taïs, Ménilmontant. Une de mes cantines dans le nord-est de Paris.