Toutes mes excuses à ceux qui en ce moment grelottent dans le froid et la neige en Amérique du Nord ou en Europe.
Sur la côte sud du Sri Lanka, la météo aujourd’hui est la même que celle de hier: soleil de plomb et grand ciel bleu.
Le thermomètre indique, au milieu de la journée, trente-quatre degrés.
De la chambre de mon hôtel, depuis six jours, un seul bruit: le roulement des vagues qui viennent s’échouer sur le sable de l’océan Indien. La plage est pratiquement déserte.
La plupart des touristes sont repartis début janvier.
Comme je l’avais imaginé, c’est l’endroit idéal pour jouer, pendant quelques jours, à Robinson Crusoé…

Mardi matin, 17 janvier, plage de Tangalle. Une femme scrute le sable à la recherche de petits coquillages afin de fabriquer des colliers. À l’horizon, direction ouest, la petite ville de Tangalle.
Mais que se cache-t-il, ici, derrière la carte postale?
Dans les rues de la ville, ou à l’ombre des palmiers, les habitants de Tangalle (comme un peu partout au Sri Lanka) ne se confient pas facilement…
Il y a eu ici, depuis trente ans, deux terribles tragédies.
La guerre civile d’abord, évoquée dans l’article précédent, Ella. Et le sinistre tsunami du 26 décembre 2004 qui a frappé de plein fouet le Sri Lanka, et qui a fait sur l’île plus de 30 000 victimes.

Des panneaux en trois langues (anglais, cinghalais et tamoul) rappellent un peu partout sur la côte sud les chemins à prendre en cas de nouveau séisme dans l’océan…
Rencontré devant une boutique, le gardien d’un hôtel, dans un anglais hésitant, me raconte que le tsunami a atteint la côte, ce matin-là, à Tangalle, vers 9h30.
Certaines vagues avaient plus de 10 mètres de hauteur, me dit-il. Dans la seule région de Tangalle, plus de 800 personnes ont perdu la vie. Il y a eu des dizaines de disparus.
Dans certaines parties du pays, l’eau a pénétré à plus d’un kilomètre à l’intérieur des terres. Des villages entiers ont été détruits.
Sur la côte sud-ouest de l’île, un train transportant 1700 passagers entre Colombo et Galle a été emporté. La plupart des passagers étaient des pèlerins allant célébrer dans le sud la fête bouddhiste de la pleine lune, le Poya. Seuls quelques dizaines de passagers ont survécu.
Cet accident de train demeure, par le nombre de victimes, le plus meurtrier de l’histoire.
(Sur le tsunami de 2004 au Sri Lanka, autour de la région de Tangalle notamment, voir/lire « D’autres vies que la mienne » (2009) d’Emmanuel Carrère).
Très peu de gens ici parlent de ces évènements dramatiques. Lorsqu’on insiste, les langues se délient, prudemment…
L’industrie touristique, qui emploie au Sri Lanka des milliers de personnes, semble avoir vérouillé les mémoires.
Le pays a reçu plus de deux millions de touristes l’an dernier, et espère en accueillir 500 000 de plus en 2017.
Dans ce contexte, il vaut mieux éviter de s’étendre et de parler de catastrophes naturelles. Cela nuirait grandement à l’image du pays…
Treize ans après la tragédie, le Sri Lanka est-il mieux préparé aujourd’hui à affronter un nouveau tsunami?
Les avis sont partagés.
Si les mécanismes d’alerte à la population ont été améliorés (par l’envoi de SMS notamment), le dispositif de détection des tsunamis reste défaillant. La plupart des bouées, reliées à un satellite, censées déceler dans l’océan Indien les signes précurseurs d’un tsunami n’ont toujours pas été mises en place…

Plage de Tangalle, lundi 16 janvier. Ci-dessous, une des rues du centre-ville de Galle, la ville principale du sud du pays, sévèrement touchée par le tsunami en 2004…
La guerre civile, qui a duré vingt-six ans (1983-2009), a elle aussi laissé des traces.
Un nouveau président (Maithripala Sirisena), élu en 2015, a promis de faire la lumière sur les événements sanglants qui ont déchiré le pays et divisé ses deux principales communautés – la majorité cinghalaise, bouddhiste, et la minorité tamoule, de confession hindoue (et parfois musulmane), implantée principalement dans le nord et l’est du pays.
La guerre a fait officiellement 70 000 victimes.
La communauté internationale et les Nations-Unies exigent régulièrement une enquête sur le rôle du gouvernement et de l’armée pendant le conflit. De nombreuses questions subsistent sur le sort des disparus. II y en a plus de 100 000 – appartenant en grande majorité à la communauté tamoule.
Personne ici ne croit vraiment à ce concept « d’enquête »…
Les relations entre les deux communautés vont mieux, dit-on. Mais pour combien de temps? « Les femmes tamoules épousent des cinghalais désormais. Il n’y a plus de problèmes » m’a affirmé un peu rapidement, me semble-t-il, cette semaine, un des guides qui travaille dans la région.
De nouvelles élections sont prévues en 2020.
D’ici là, le Sri Lanka, comme l’Afrique du sud, comme le Rwanda, comme le Vietnam après la guerre, comme le Canada aujourd’hui avec les peuples indigènes, est engagé dans un long et complexe processus de réconciliation nationale.
Une de mes plus belles surprises au Sri Lanka a été la découverte de la grande métropole du sud du pays, Galle.
Inscrite depuis 1992 au patrimoine de l’Unesco, la vieille ville de Galle est exceptionnelle.
Les remparts qui protègent la cité, construits par les portugais au 17è siècle, les églises, les anciens bâtiments coloniaux, hérités des hollandais, puis des britanniques, tout a été rénové ou préservé avec soin.

Promenade matinale au-dessus des remparts qui ceinturent la vieille ville de Galle. Ci-dessous, quelques uns des nombreux bâtiments coloniaux reconvertis en magasins.
Ici comme à Fort Cochin, au Kerala, les différentes communautés religieuses coexistent pacifiquement. Et partagent paisiblement un espace commun, assez restreint. De très nombreux habitants sont de confession musulmane. Leurs racines remontent parfois jusqu’au Maroc.
La vieille ville compte plusieurs mosquées, situées à quelques dizaines de mètres seulement de temples bouddhistes, hindous ou d’anciennes églises chrétiennes construites par les colons.
Il fait bon se promener dans les rues de la vieille ville! Mais vous ne serez pas seuls.
Plus d’un tiers des maisons appartient maintenant aux étrangers, en particulier aux Britanniques. Depuis 1992, la spéculation immobilière a fait fuir les familles sri lankaises qui n’ont plus désormais les moyens de vivre ici.
Ceux qui possédaient un bien, l’ont vendu. « On peut acheter deux maisons à Colombo en vendant une maison ici » m’a confié un vieux marchand qui rénove lui-même en ce moment la maison familiale afin d’en faire un gîte pour touristes.
Cité grande ouverte sur l’océan, Galle n’en demeure pas moins une des plus belles villes coloniales que j’ai eu jusqu’ici la chance de visiter.
Elle n’est pas devenue (comme Antigua au Guatemala ou San Miguel de Allende au Mexique) une ville-musée, sans âme, entièrement consacrée au tourisme ou aux expatriés fortunés.
On retrouve dans la vieille ville des bureaux d’avocats, un palais de justice, des établissements scolaires, une école militaire, la ville vit au rythme de ses habitants. Une belle découverte!

Sur les remparts de Galle, au crépuscule, samedi 7 janvier. Ci-dessous élèves dans un cours d’éducation physique, au milieu de la vieille ville de Galle

Dans les rues de Galle, mardi 10 janvier. Ci-dessous, écoliers dans un parc. À noter: les journées qui précèdent la pleine lune sont fériées au Sri Lanka. Les écoles, les édifices gouvernementaux sont fermés. Une visite au temple est, ce jour-là, de rigueur.
Je ne voulais pas quitter le Sri Lanka avant d’avoir vu un de ses parcs nationaux. Je voulais en particulier explorer le parc national d’Uda Walawe qui abrite, à un peu plus d’une heure de route de Tangalle, une colonie de plusieurs centaines d’éléphants.
Accompagné d’un guide et de quatre compagnons de voyage (russes et britanniques), je suis donc parti le dimanche 15 janvier en direction du parc.
Nous avons quitté l’hôtel un peu avant 5 heures du matin, et dès 6 heures nous étions sur place…
En quelques minutes, un premier pachyderme est venu, timidement, croiser notre chemin…
… suivi bientôt d’un couple, une maman éléphant et son éléphanteau qui nous ont à peine regardés en traversant la piste…
Nous avons eu aussi la chance dimanche matin de voir des troupeaux de buffles, des crocodiles, des paons…
Malgré la beauté du site cependant, et malgré ce qu’en disent les guides et les dépliants touristiques, le parc Uda Walawe, créé en 1972, est bien loin de procurer aux visiteurs les frissons du Parc national de l’Akagera, beaucoup plus grand, majestueux, visité il y a quatre ans, dans l’est du Rwanda…
Mon périple dans le sud de l’Inde et au Sri Lanka se termine. J’ai prolongé au maximum mon séjour à Tangalle, et je prends cet après-midi le train pour Colombo. Ce sera ensuite le bus jusqu’à Negombo où je m’arrêterai une dernière nuit avant de prendre, mercredi en soirée, l’avion pour Vancouver….
Après sept semaines de voyage, heureux de rentrer à la maison! Merci à tous d’avoir suivi depuis le 30 novembre ces quelques étapes dans ces deux pays si différents!…
D’un côté, le Sri Lanka semble confortablement installé aujourd’hui dans le peloton de tête des destinations touristiques les plus prisées du sud de l’Asie….
De l’autre, l’état du Kerala, dans le sud de l’Inde qui, peut-être à cause de son gouvernement, ne semble pas très pressé de développer sur son territoire un tourisme à grande échelle ou haut de gamme. Et c’est très bien ainsi.
La petite Venise du sud de l’Inde, comme on surnomme affectueusement le Kerala, demeure, avec le recul, une de mes plus belles expériences de voyage!…
Bonne fin d’hiver à tous!
Parmi mes meilleurs souvenirs? Les délicieux repas pris ici et au Kerala…
Merci nous avoir fait rêver ces dernières semaines. Je rajoute le Sri Lanka sur ma (longue) liste de pays à visiter.
Bon voyage de retour!
Merci beaucoup Alix, je suis disponible n’importe quand pour une consultation, SVP n’oubliez pas non plus le Kerala!
Ton voyage et tes récits nous laissent bouche-bée, Max. Merci d’être notre guide. Bonne continuation jusqu’à Vancouver… où la pluie va te faire vite regretter ton beau séjour dans les pays chauds!…
Merci Frph, malgré la pluie, j’ai quand même bien hâte après sept semaines de voyage de retrouver Vancouver!
Merci de me faire découvrir le sud du pays que je ne connais pas et tes descriptions détaillées me donnent envie de redécouvrir le Sri Lanka. Galle semble vraiment un coup de coeur. Mention spéciale pour ces adorables éléphants, trop mignons !
Bon retour à Vancouver
Viviane
Merci, Viviane, je crois que vous aimeriez beaucoup Galle. Un festival littéraire a lieu là-bas chaque année, il y a aussi un festival de films, de bons restaurants qui mettent en valeur les produits locaux (poissons). Quant aux plages, dans le sud, vous aurez l’embarras du choix… À bientôt!
Merci Max! Tu me donnes envie d’aller voir le Sri Lanka.
Merci, Lillian! Cela me fait vraiment plaisir d’avoir de tes nouvelles! Bonne et heureuse année!
Thank you for sharing this wonderful adventure with us. Safe journey home!
Thank you, Nancy! I am at the airport in Colombo, on my way home. Thinking about all of you!