
Le village de Conques en Aveyron est depuis le Moyen-Âge une étape importante sur le chemin de Compostelle. Les pèlerins viennent se recueillir ici dans l’abbaye et dans l’église (aux trois tours) où reposent, depuis le 9è siècle, les reliques de sainte Foy (née et martyrisée à Agen)…

Arrivée à Conques (Concas en Occitan) sous les nuages et une pluie fine, le dimanche 13 mai… après 60 heures de marche sur le GR65 depuis Le-Puy-en-Velay!… Fatigué, les côtes meurtries après une lourde chute, les vêtements sales, les chaussures pleines de boue, une partie du pantalon déchiré (et recousu à Espalion)… mais… pari tenu!!

Neuvième journée de marche, le dimanche 6 mai, entre Nasbinals, en Lozère, et Saint-Chély d’Aubrac, en Aveyron.
Comment partager les enseignements du chemin de Compostelle?
Et comment rendre justice ici à l’immense beauté de ce sentier – après ce périple, inoubliable, de dix-sept jours – dont quinze jours de marche – entre Le-Puy-en-Velay et Conques?

Le tracé du GR65 entre Le-Puy-en-Velay et Conques. Ci-dessous, en détail, les étapes de la deuxième partie de ma randonnée, entre Aumont-Aubrac et Conques. Deux étapes manquent sur le pointillé rouge: Finieyrols (entre Aumont-Aubrac et Nasbinals) et Sénergues (entre Golinhac et Conques)
Périple de 207 kilomètres qui m’a conduit dans trois départements – la Haute-Loire, La Lozère, l’Aveyron – et au cours duquel j’ai traversé des paysages féeriques….

Traversée du plateau de l’Aubrac, le dimanche 6 mai. Ce tronçon de 17 kilomètres entre Nasbinals et Saint-Chély d’Aubrac a été classé en 1998 au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette partie du chemin dans l’Aubrac était autrefois entièrement boisée – et dangereuse au Moyen-Âge pour les pèlerins qui se faisaient régulièrement dépouiller par les bandits cachés dans la forêt. Arriver le soir, sans être attaqué, était une chance. Les pèlerins devaient aussi se méfier des loups…

Le GR65, le dimanche 6 mai…

… entre la Lozère et l’Aveyron…

Arrivée au village d’Aubrac, le 6 mai, à mi-chemin entre Nasbinals et Saint-Chély d’Aubrac. À l’arrière-plan, la domerie d’Aubrac, le monastère qui marquait pour les pèlerins la fin des dangers… « Les soirs de brume », lit-on dans un ouvrage, « on y sonnait la cloche Maria, la cloche des perdus, afin que les égarés se dirigent vers le gîte plutôt que de mourir de froid... »

Le GR65 quelques kilomètres avant le village de Saint-Chély d’Aubrac… classé comme un des « plus beaux villages de France »… et photographié ci-dessous, tôt le dimanche 7 mai, sur le sentier vers Saint-Côme d’Olt et le Couvent de Malet…

Le village de Saint-Chély d’Aubrac, en Aveyron. Le pont des pèlerins (en bas, à gauche) qui enjambe la rivière Boralde, date du 14è siècle et est inscrit au patrimoine de l’Unesco.
J’ai aussi eu la chance au cours de ce périple, mémorable, de rencontrer des dizaines de marcheurs, de pèlerins… et de riverains…
J’ai appris en parlant aux gens de la région que ces petits villages de la Lozère et de l’Aveyron ont, historiquement, presque toujours été des terres d’émigration. Le sol du pays, rude et peu fertile, poussait les jeunes à quitter les villages. Ils s’engageaient dans l’armée ou ils allaient tenter leur chance ailleurs, souvent à Paris. (Voir les nouvelles de Maupassant). La Lozère demeure encore aujourd’hui le département le moins peuplé de la France.
Après avoir dégusté le lundi 7 mai au déjeuner un délicieux « farçou » à l’ombre d’une terrasse dans le petit village de La Rozière…
… alors que j’admirais le paysage en cheminant tranquillement vers le bourg de Saint-Côme d’Olt et vers la vallée du Lot…

Paysage de Provence en Aveyron, le lundi 7 mai, juste avant l’arrivée au village de Saint-Côme d’Olt…
… J’ai eu un accident!
Je suis tombé, assez lourdement, sur le chemin. Plus de peur que de mal, mais j’ai quand même eu deux ou trois côtes endolories… et un pied gauche que j’ai dû longtemps masser. Tout cela à cause d’une jonction inégale entre le sentier et un morceau de route goudronnée. J’aurais dû mieux regarder où je mettais les pieds.
Avec le recul, je me rends compte aujourd’hui que j’ai eu beaucoup de chance. Ma chute aurait pu être bien plus grave… J’aurais pu facilement me casser la jambe ou une cheville… ou avoir une côte brisée… J’étais absolument seul sur le sentier. Et j’ai été fort soulagé, reconnaissant, lorsque deux marcheurs, bienveillants, sont venus, cinq minutes plus tard, à ma rescousse…
Heureusement, l’incident est arrivé à quelques minutes de marche seulement du village de Saint-Côme d’Olt où j’avais prévu passer la nuit… et prendre une journée de repos, le lendemain, au Couvent de Malet…

Le Couvent de Malet, établi au 12è siècle près du village de Saint-Côme d’Olt, en Aveyron. Rénové en 2004, le couvent est un havre de paix et de repos pour les pèlerins fatigués. Chambres spacieuses et confortables. Calme absolu, à cinq minutes de marche du village. Exactement ce dont j’avais besoin après ma chute!
Le couvent de Malet abrite aussi des sœurs, des Ursulines, âgées, en fin de vie…
Le soir, le couvent accueille des dizaines de marcheurs, de pèlerins…

Randonneurs rassemblés ici dans la cafétéria du couvent autour d’un couple « d’hospitaliers » et d’un jeune séminariste vietnamien (né à Dalat!). Le trio enseigne au groupe, après le repas, une chanson traditionnelle de pèlerin..
Après une journée de repos, et presque complètement remis, j’ai repris la route, le mercredi 9 mai, en direction d’Espalion… Et j’ai poursuivi le lendemain mon chemin jusqu’au village d’Estaing…

Le hameau du Briffoul, entre Espalion et Estaing, le jeudi 10 mai. Ci-dessous, le village d’Estaing, situé sur les rives du Lot, classé lui aussi parmi « les plus beaux villages de France »…

Après avoir acheté une particule auprès du Conseil d’État en 1922, la famille de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing a fait l’acquisition du château d’Estaing en 2005. Les archives personnelles et un petit musée à la gloire du président ont été aménagés à l’intérieur du château…

La ville d’Estaing a fourni autrefois au Royaume de France d’autres personnages illustres…

L’ancien président ne vient que deux fois par an dans son château. Lors des journées du patrimoine en septembre, et lors de la fête de la saint Fleuret (le saint patron du village) le 1er dimanche de juillet…

Jean Urbain Dijols, ancien conseiller municipal et adjoint au maire accueille chez lui à Estaing randonneurs et pèlerins. Une bonne adresse sur le GR65, « Chez Jeannot ».
Nous avons eu droit le vendredi 11 mai à l’une de nos dernières journées de grand ciel bleu sur le chemin de Compostelle…
Journée qui m’a conduit après quatorze kilomètres sur les hauteurs du petit village de Golinhac…
… et vers une confortable chambre d’hôtes – « Les Rochers » – disposant d’un grand jardin… et d’une vue exceptionnelle sur la vallée du Lot…
De Golinhac, il ne me restait qu’une vingtaine de kilomètres avant d’arriver à Conques…
Distance que j’ai franchie, malgré le temps gris, à petits pas, et en deux étapes… en savourant profondément ces derniers kilomètres… et les derniers moments de cette magnifique randonnée!…

… et l’arrivée à Sénergues, trente minutes plus tard, où j’ai fait halte pour la nuit… Conques n’est plus très loin maintenant!…

Mon carnet de pèlerin… obtenu en juillet 2015, au Pays basque, à Saint-Jean-Pied-de-Port... et dûment estampillé à chacune de mes étapes depuis Le-Puy-en-Velay…
Avant de terminer, et avant de partager quelques conseils pratiques sur le chemin, j’aimerais m’arrêter un moment sur un phénomène qui m’a beaucoup frappé – et dont on parle assez peu, me semble-t-il, sur le chemin de Compostelle.
Ce phénomène, c’est la grande solitude et l’isolement des personnes âgées qui vivent, semble-t-il, délaissées, ignorées souvent, dans les villages que traverse le GR65…

Vieil homme, accompagné de son chat, un peu perdu, rencontré dans les ruelles de Saint-Chély d’Aubrac, le dimanche 6 mai…

… Adrienne, 87 ans, née dans le village voisin d’Espeyrac, vit seule avec son chien pendant la journée… Sa fille la rejoint le soir… « quand elle peut »…

André vit depuis 82 ans dans le petit village – devenu hameau – de Rieutort-d’Aubrac, en Lozère. Population: 11 habitants. « François 1er venait ici autrefois, il y a bien longtemps, chasser le héron », m’a-t-il annoncé, fièrement, en me souhaitant bonne route…
Que deviendront ces « anciens » dans deux, trois ou cinq ans?
Où finiront-ils leurs jours?
Ces personnes âgées, qui semblent parfois presque abandonnées au bord du chemin de Compostelle, sont les derniers témoins d’une époque et d’une façon de vivre qui s’en va…
Que deviendront ces villages qu’ils sont aujourd’hui pratiquement les seuls à habiter?
Qui partagera avec les pèlerins la mémoire et les traditions du chemin de Compostelle?

Sur le GR65, entre Golinhac et Sénergues, le samedi 12 mai
Coïncidence, le journal « Le Monde » publiait cette semaine un long article sur la situation de plus en plus précaire des personnes âgées en France…
Article où l’on apprend que parmi les personnes âgées de plus de 75 ans en France:
- 25% vivent seules
- 50% n’ont plus de réseau amical actif
- 79% n’ont pas ou peu de contact avec leurs frères et soeurs
- 41% n’ont pas ou peu de contact avec leurs enfants
Statistiques à méditer…
Alors, pendant cette longue randonnée, y a-t-il eu des surprises?
Pas vraiment. À part la neige, en Haute-Loire (voir l’article précédent), et ma chute avant Saint-Côme d’Olt… J’avais bien planifié mon itinéraire, mes haltes, j’étais équipé comme il faut, et le GR65 ne présente pas de difficultés particulières entre le-Puy-en Velay et Conques…
J’ai longtemps médité cependant, après ma chute, à la fragilité et à la vulnérabilité du marcheur solitaire. Un accident est si vite arrivé! SVP prendre ses précautions. Avoir un téléphone portable en cas d’urgence est, à mon avis, essentiel.
Cela dit, à chacun son chemin. À chacun de choisir sa saison et la distance à parcourir chaque jour. À chacun de choisir ses hébergements. Et son ou ses compagnon(s) de route. Ou s’en passer tout simplement. Un bon quart des pèlerins rencontrés ce printemps marchaient seuls.
Tous ces choix sont fondamentaux et font partie de la beauté de l’expérience de la marche sur le chemin de Compostelle.
Voici donc, comme promis, quelques conseils pratiques pour ceux et celles qui songent à parcourir une partie du GR65 entre Le-Puy-en-Velay et Conques…
Chaussures
Idéalement, choisir des chaussures imperméables car il y a souvent de la pluie et/ou de la boue sur le chemin. Chaussures qui doivent si possible aussi laisser respirer les pieds. Bien choisir ses chaussettes en conséquence.
Hébergements
Éviter les hôtels, souvent vétustes, et où le client est anonyme. Choisir plutôt les chambres d’hôtes, en demi-pension. L’atmosphère est en général beaucoup plus conviviale et les repas pris en commun sont presque toujours « préparés maison » à partir de produits frais et locaux. En plus, autour de la table, le soir et/ou le matin, des randonneurs venus de toutes les régions de la France, et du monde entier.

Aligot-maison (purée de pommes de terre, de tome – fromage frais – et de beurre) servi aux « Gentianes », le vendredi 4 mai
À quelle heure partir le matin?
La grande majorité des pèlerins part tôt le matin, entre 7 heures et 8 heures 15. Si vous décalez votre départ vers 8h30 ou 9h, le sentier est souvent désert et vous aurez le chemin à vous.
Lors de ma plus longue étape (19kms), le 1er mai, entre Chanaleilles (Haute-Loire) et Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère), je n’ai rencontré absolument personne. Pas une âme. Personne dans les villages. Il neigeait. Pour ceux qui aiment parfois marcher seul, c’est le paradis.
De plus, avec des étapes de 3 heures 30 ou 4 heures, si vous partez vers 8h30 ou 9 h, vous arriverez à destination entre midi et 13 heures. C’est l’heure du déjeuner! En arrivant au village, choisissez un petit restaurant fréquenté par les riverains (restaurant où, de préférence, on ne parle pas l’anglais), et commandez le plat du jour. C’est souvent l’un des meilleurs moments de la journée!

Veau de l’Aubrac, accompagné de tomates farcies à la provençale, de salade et de pain. Restaurant « La Route d’Argent » à Nasbinals, le samedi 5 mai. Un de mes meilleurs repas sur le GR65! Un régal!
Après le déjeuner, direction votre hébergement où vos hôtes (et votre sac) vous attendent. Après une bonne douche et une sieste, visite du village l’après-midi avant de rentrer pour le dîner. Journée idéale.
La Malle Postale.
J’en ai déjà parlé. Excellent service sur toutes les étapes du GR65 entre Le-Puy et Conques. Votre sac vous attend à votre hébergement, en général avant 14 heures. Seul bémol, le matin, votre sac doit être prêt à être transporté dès 8h. Contact: https://www.lamallepostale.com/fr/
À quoi s’attendre sur le chemin?
L’une des plus belles surprises, pour moi, a été de constater que le tracé du GR65 entre Le-Puy-en-Velay et Conques suit à peu près sur 85%-90% un sentier pédestre, rural, bucolique, merveilleux. Il n’y a pratiquement pas de route goudronnée. Sauf avant l’arrivée dans les villages. Et ces tronçons sont assez courts. (Un peu plus de bitume quand même, malheureusement, à partir d’Estaing)…
J’espère que ces brefs conseils (qui n’engagent que moi) vous seront utiles.
SVP n’hésitez pas à partager vos questions, vos commentaires, vos suggestions… et…
BON CHEMIN À TOUS!
Cher Max,
Félicitations d’avoir marché 205 kms et d’être en si bonne forme! Peut-être tu peux songer à devenir guide une autre fois sur ce chemin? Merci de partager tes belles expériences et tes photos qui disent des milliers de mots. Bon retour à Vancouver!
Merci beaucoup, frph. Je termine ce matin mon séjour dans le petit village de Najac, séjour pendant lequel j’ai eu un accès très limité à l’internet. Je ne sais pas si j’ai envie de devenir « guide » sur le chemin… mais je crois que d’ici un an ou deux je retournerai sans doute sur le GR65…
Je suis très fier de mon petit frère. J’ai pris bonne note de tes recommandations pour le GR65.
Tu pourras faire soigner tes côtes endolories lors de ton prochain séjour à Montréal si le mal persiste…en montant et descendant plusieurs fois le Mont Royal… Nous avons également d’excellents magasins de chaussure de marche. Tu en as besoin.
Au plaisir de te revoir bientôt.
Merci, Alix. Nous avons bien hâte de revoir toute la famille cet été à Montréal! Pourquoi ne pas planifier une petite randonnée ensemble?
Mission accomplie, chapeau Max ! Tu avais minutieusement planifié ton voyage – mis à part ta petite chute qui t’a vite fait retomber de ton nuage … on comprend parfaitement que tu aies pu te laisser distraire par la beauté des paysages et que tu aies oublié de regarder où tu mettais les les pieds ! Heureusement tu t’en es bien tiré avec plus de peur que de mal !
Nous devons embarquer maintenant ( direction Suède) alors je finirai plus tard. Ciao!
Après un voyage sans encombre, nous voilà maintenant en Suède, où nous avons été accueillis par notre adorable petit fils et un temps magnifique. Que demander de plus ?
Je reprends le fil de mes idées pour compléter le commentaire que j’avais dû interrompre hier.
Tu pensais que la deuxième partie de ton parcours serait plus belle que la première, et à en juger par les magnifiques paysages, les villages classés parmi les plus beaux de France et les sites classés au Patrimoine de l’Unesco, tu avais bien raison.
Ton blog donne vraiment envie de partir sur tes traces et je suis certaine que tes précieux conseils et tes bonnes adresses seront très utiles aux futurs « pèlerins » qui t’emboiteront le pas.
Bonne fin de séjour dans l’Hexagone !
Merci infiniment, Annie, et bon séjour en famille!… Comment progresse votre apprentissage du suédois? Je suis sûr qu’il y a aussi dans le sud de la Suède de superbes balades qui vous attendent… Une bonne façon d’entraîner votre petit-fils. Encore bravo aux parents et aux jeunes grands-parents!
Félicitations, Max, très bien fait! Tes conseils pratiques on les gardera pour notre trajet un de ces jours. Bon retour à Vancouver!
Merci beaucoup, Ian. Je crois que vous aimeriez aussi beaucoup parcourir une partie du GR65! Est-ce que ces Grandes Randonnées (GR) existent aussi en Allemagne? J’attends toujours des photos sur ta longue balade en vélo dans la région de la mer Baltique…. À bientôt, mec!