Comme Bougainville, Melville, Gauguin, Brel et tant d’autres aventuriers, je pars dans quelques jours pour Tahiti et les îles de la Polynésie française. Un voyage de deux mois. Un rêve que je m’étais promis de réaliser dès la fin de mon périple en France sur le chemin de Compostelle.
Un voyage au bout du monde. Dans les archipels et îlots des mers du Sud. Aux Îles Tuamotu. Aux Marquises.
Un voyage dans une région, un espace culturel, complètement inconnus pour moi. Que j’ai hâte de découvrir, à petits pas, avec respect et humilité. Diana m’accompagne bien sûr.

Les cinq archipels qui composent la Polynésie française. Un territoire immense. Au cours de ce voyage, nous visiterons trois des cinq archipels: les îles de la Société, les îles Tuamotu et les Marquises.
Lorsqu’on évoque aujourd’hui un voyage à Tahiti, les idées préconçues, les images de cartes postales, les clichés, malheureusement, ne manquent pas.
Depuis Bougainville et les nombreux récits des navigateurs européens puis américains dans ce « paradis perdu », le mythe de Tahiti – « fantasme collectif » – perdure.
Pour la plupart des touristes et des agences de voyages, la région se résume, invariablement, aux paysages de rêve, aux plages somptueuses, aux couchers de soleil. Et au mythe persistant du « bon sauvage » qui vit heureux sur une île peuplée de femmes dociles et souriantes. Comme dans un tableau de Gauguin
Le croquis est à peine exagéré.
Une fois leur croisière ou leur lune de miel terminée, les visiteurs repartent en général assez vite. Les statistiques nous apprennent que la durée moyenne d’un séjour touristique en Polynésie française était, en 2019, de 12 jours. À l’image de Bougainville qui n’a passé, en 1768 … que 9 jours à Tahiti!

Soulignées en rouge, nos cinq haltes dans les Îles de la Société que nous visiterons dans l’ordre suivant: Tahiti, Moorea, Huahine, Maupiti et Bora-Bora. Séjour prévu d’une semaine dans chacune des îles, sauf à Bora-Bora où nous serons en transit une journée. Voir l’itinéraire complet à la fin de l’article.
Notre projet de voyage est bien différent. Pas de croisière au programme pour nous. Ni de séjour dans un bungalow sur pilotis, au bord d’un lagon splendide et isolé. Nous voulons au contraire être au plus près des gens. Nous souhaitons si possible vivre, partager et observer – derrière la carte postale – la vie quotidienne des Tahitiens et Tahitiennes.
Nous aimerions les écouter. Entendre leurs interrogations. Leurs espoirs. Leurs craintes. Quels sont leurs défis? Leurs fiertés? Comment nous perçoivent-ils?
Tous nos hébergements, sauf à Papeete et Moorea, ont été réservés dans des petites pensions de famille, des structures modestes, en demi-pension souvent. Les petits déjeuners et certains repas seront pris en commun, en famille, en compagnie d’autres voyageurs. En toute simplicité. Une formule que j’aime bien. Qui s’apparente un peu à celle des « chambres d’hôtes » que j’ai tant appréciées lors de mes randonnées sur le GR65.
Avec une différence majeure cette fois. À chacune de nos étapes, Diana a bien l’intention de se rendre indispensable dans la cuisine et dans la préparation des repas! ♥♥
Nous espérons aussi nager, le plus souvent possible, dans ces magnifiques eaux turquoises!

La petite île de Tikehau, située à l’ouest de l’archipel des Tuamotu, où nous passerons une semaine avant de revenir quelques jours à Papeete.
Pour le voyageur indépendant, ce n’est pas simple de préparer un long séjour en Polynésie française! Il faut constamment faire le tri entre les images parfois trompeuses des brochures et la réalité tronquée des discours officiels sur Tahiti.
Je suis donc plongé depuis deux mois déjà dans des recherches sur l’histoire, la littérature et les profondes blessures de ce territoire immense, complexe, annexé par la France au 19è siècle, puis brutalement colonisé.
Un territoire dont le statut n’a cessé d’évoluer.
Ancien « protectorat », puis « établissement français de l’Océanie », la Polynésie française est aujourd’hui une « collectivité d’outre-mer » qui jouit d’une autonomie très restreinte. Les grandes décisions se prenant toujours à Paris. À 16 000 kilomètres de Papeete.

Dernière étape de notre périple: les Marquises. Nous passerons autour de Noël une dizaine de jours à Nuku Hiva avant de débuter les premiers jours de l’année 2023 à Hiva Oa. Depuis Papeete, il faut compter environ 3h30 de vol pour rejoindre les Marquises.
Depuis de nombreuses années, depuis le début des années soixante surtout, des voix, de plus en plus fortes, réclament pour Tahiti l’indépendance ou, à minima, une plus grande autonomie.
Le débat est parfois violent. Comme en témoignent les émeutes qui ont secoué Papeete, en septembre 1995, suite à la reprise des essais nucléaires français en Polynésie française.
Entre 1966 et 1996, 193 essais nucléaires français (aériens et souterrains) ont été réalisés sur le territoire. Essais concentrés à proximité des atolls de Moruroa et Fangataufa, dans l’archipel des Tuamotu.

Scènes de violence à l’aéroport Faa’a de Papeete, le 6 septembre 1995. L’émeute s’est ensuite déplacée au centre-ville. Selon La Dépêche de Tahiti (7 septembre 1995) « le bilan de cette terrible journée fait état de seize blessés dont deux graves, des dizaines d’incendies volontaires, plus de 150 véhicules détruits, deux avions gros porteurs endommagés et au moins un milliard de francs de dégâts. »- Photo: La Dépêche de Tahiti.
Parmi ces voix qui revendiquent l’indépendance et veulent « dynamiter les mythes sur Tahiti construits par les autres » (Chantal Spitz), des écrivains, des femmes surtout, que je commence à peine, séduit, à découvrir.
Plusieurs de ces romanciers sont publiés par la maison d’édition « Au vent des îles », basée à Papeete. La plupart de leurs ouvrages sont, malheureusement, introuvables à Vancouver, même à UBC. Je leur ai donc écrit. Et ils m’ont répondu, très gentiment. Merci Anna!
« Au vent des îles » sera, le 10 novembre, l’un de mes premiers arrêts à Papeete. J’y ferai provision de livres pour le voyage.

Chantal Spitz, auteur de « l’Île des rêves écrasés » (1991) vit sur l’île de Huahine

Titaua Peu a publié en 2003 « Mutismes« . Voir « Notes de lecture » ci-dessous.
Voici donc notre itinéraire pour les deux prochains mois.
9 – 10 novembre = Vancouver – San Francisco – Papeete
A – Archipel de la Société – Îles du Vent
10 – 14 novembre = Papeete
14 – 22 novembre = Moorea
B – Archipel de la Société – Îles Sous-le-Vent
22 – 29 novembre = Huahine
29 novembre – 6 décembre = Maupiti
6 -7 décembre = Bora-Bora (escale)
C – Archipel des Tuamotu
7 – 13 décembre = Tikehau
13 – 16 décembre = retour à Papeete
D – Archipel des Marquises
16 – 26 décembre = Niku Hiva
26 décembre – 4 janvier = Hiva Oa
4 – 7 janvier = Retour à Papeete
7 – 8 janvier = Papeete – San Francisco – Vancouver
Bonne fin d’automne à tous!
Notes de lecture:
Titaua Peu, Mutismes – (Papeete, 2003)
Le récit cinglant d’une jeune femme tahitienne qui lève courageusement le voile sur les tabous de la société ma’ohi (autochtone) en Polynésie française. Le roman, autobiographique, est aussi un appel à l’indépendance du territoire, le « fenua ». Titaua Peu grandit dans un quartier pauvre de Papeete en compagnie de sa mère, de ses deux sœurs et de son frère. La famille a fui, une nuit de folie, un père et un mari violent, alcoolique. Très jeune, l’enfant observe les inégalités, les injustices et les humiliations que doivent subir les gens du pays face aux « métros », les ressortissants français établis à Tahiti. Sa colère naît, enfle, gronde. Rebelle, elle rencontre un soir, à l’âge de 16 ans, Rori, un des chefs du mouvement indépendantiste du pays. Il est de vingt ans son aîné. Ils deviennent amants. Scandalisée, la mère exile l’adolescente sur une île voisine, Taha’a. Malgré l’éloignement, la jeune femme soutient et rejoint bientôt Rori dans ses combats, à Papeete, notamment contre la reprise des essais nucléaires français. Un roman magnifique, écrit par une femme profondément attachée à l’histoire et à la culture de son île. Infos supplémentaires: ici. Titaua Peu a publié en 2017 un second roman, « Pina ».
Paul Gauguin, Oviri. Écrits d’un sauvage
Le journal d’un homme tourmenté. Malgré son statut très contesté en Polynésie française, je tenais à lire cet ouvrage avant mon départ, et je n’ai pas été déçu. Bien au contraire. Le live est en grande partie une collection de lettres: la correspondance bouleversante de Gauguin à son épouse Mette (d’origine danoise) et à quelques amis pendant ses longues années de pérégrinations en France et à l’étranger. Gauguin a eu plusieurs vies. Encore jeune, il abandonne, à Paris, une vie bourgeoise et un emploi stable de courtier afin de se consacrer entièrement à la peinture. Sa vie bascule. Mette rentre au Danemark. Commence alors pour Gauguin une vie d’errance. Il part chercher l’inspiration et peint en Bretagne, à Arles, en Martinique, à Panama. Il fréquente, à Paris, Degas, Mallarmé. En 1891, Gauguin débarque à Tahiti. Hormis un bref retour en France (où ses tableaux se vendent peu), il passera le reste de sa vie en Polynésie française. Ce recueil de lettres permet de mesurer la nature perpétuellement rebelle de Gauguin qui se bat, en France, contre « les bourgeois, des gens peu recommandables » et à Tahiti contre à peu près tout le monde – sauf la population indigène qu’il admire et respecte. Dans ses dernières lettres, Gauguin dénonce les pratiques de l’église catholique et les abus d’une administration coloniale qu’il juge corrompue. Il meurt en 1903, à Hiva Oa, aux Marquises, dans le plus grand dénuement.

Après trois mois de sécheresse presque sans précédent, l’automne et la pluie sont de retour à Vancouver. Ci-dessus, East 10th Avenue, entre les rues Fraser et Main, au coeur de notre quartier, Mount Pleasant, le dimanche 30 octobre.
Un dernier mot.
Le début de l’automne a été fertile en événements en Colombie-Britannique. Vancouver a élu le 15 octobre son premier maire d’origine asiatique, Ken Sim, 52 ans. Un événement historique. Et un symbole fort dans une ville où 54% des habitants disent appartenir à une minorité visible. Le nouveau maire sera assermenté le lundi 7 novembre.
D’un autre côté, le gouvernement provincial (NPD, centre-gauche), vient d’annoncer qu’il ne soutiendrait pas la candidature de Vancouver aux Jeux olympiques d’hiver de 2030, vu le coût exorbitant de l’événement (2 milliards de dollars au bas mot). Sage décision – malgré la déception légitime exprimée par les nations autochtones, qui devaient, pour la première fois, être intimement associées à ce projet olympique.

À une centaine de mètres de la photo précédente, toujours dans le quartier Mount Pleasant, une pancarte, à l’extérieur du parc Sahalli, rappelle à la communauté l’histoire trop longtemps négligée des territoires non cédés des peuples autochtones de la Colombie-Britannique. La ville de Vancouver est en effet depuis 1886 située sur les terres et les eaux non cédées des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh. Le conflit n’a toujours pas été résolu.
Je vous envie et j’ai hâte de lire vos récits. Bon voyage!
Merci beaucoup, Claudy! Êtes-vous toujours à Jacmel ou êtes-vous rentrée en France? SVP gardons contact. Quel gâchis, en Haïti!
Toujours à Jacmel envers et contre tout. Bonne route, j’attends vos récits avec impatience.
Bravo, Claudy. Je sais à quel point vous êtes attachée à la terre haïtienne. Restez prudente. Je ne perds pas espoir de vous revoir un jour à Jacmel.
Bon voyage à tous les 2! Je vous envie!!!
J’attends avec impatience de pouvoir lire tes premiers carnets!
Allo Josiane, nous partons ce matin! Météo peu clémente à Papeete, semble-t-il. Pluie, vents et orages nous attendent! Brrr. Le prochain carnet sera partagé le 21 ou 22 novembre (ou peut-être plus tôt), avant notre départ de Moorea.
L’anticipation d’un voyage unique, bien préparé, avec des buts précis. Que ce voyage vous apporte tout ce que vous désirez.
Merci Florence, nous l’espérons aussi. Nous sommes surtout reconnaissants de pouvoir réaliser ensemble ce projet au bout du monde. Prends bien soin de toi!
Nous avons bien hâte de lire tes articles et de comparer nos impressions de voyage.
‘Ia maita’i te terera’a (bon voyage en polynésien).
Merci, Alix. Cette idée d’un voyage en Polynésie française a d’abord pris naissance chez vous. Si tout se passe bien, aucun problème. Si nous avons des pépins, on vient vous voir pour les réclamations et les remboursements. Vous êtes aussi responsables de la météo. N’oublie pas une des clauses du contrat: pas plus d’un jour de pluie par semaine.
Bon voyage l’ami. Sûrement l’inspiration te viendra pour écrire un roman polynésien.
Tiens-nous au courant.
Merci, Jean-Guy! Heureux de te lire de nouveau sur ce blog. Pour le roman polynésien, je ne sais pas. Mais, arrivés hier matin à Papeete, nous sommes déjà sous le charme des Tahitiens et Tahitiennes.
Diana et Max, ce sera chouette de voyager avec vous et de découvrir, avec vos récits, photos, suggestions de lectures , ces iles lointaines … bon vent, comme toujours! bises
Merci Christiane! Il s’est déjà passé tellement de choses depuis notre arrivée hier à Papeete que je partagerai probablement un court article avant notre départ lundi matin pour Moorea. Prends bien soin de toi!
2 idyllic months living like a local in exotic Tahiti – very thrilled for you and Diana, Max!
Thank you WMU! All is well in Papeete. We are settling in comfortably. Beautiful and dry weather yesterday. Heavy tropical rain today for Remembrance Day. But no complaints. We’ll catch up on our rest.
Cher Max,
Tu as vraiment un esprit d’ aventure et de recherche. Bon voyage à vous deux et prenez bien soin de vos santés.
Sentiments distingués,
Duc
Merci infiniment mon cher Duc! J’essaierai de partager un tableau aussi impartial que possible de notre voyage en Polynésie française. L’histoire et les traditions ici sont si différentes! Amitiés.