Haïti Chérie

La baie et les toits de la ville de Jacmel, le jeudi 18 janvier

Avant de monter, dans quelques heures, en moto jusqu’à Seguin (trois heures de route depuis Jacmel), retour sur une semaine exceptionnelle de découvertes – et de leçons apprises – dans le sud-est d’Haïti.

La rue du Commerce, dans le quartier des artisans, dans la vieille ville de Jacmel

En planifiant ce quatrième voyage au pays, un de mes objectifs était d’explorer la région montagneuse autour de Jacmel. Une région peu connue et souvent délaissée par les visiteurs qui préfèrent en général s’installer sur une des nombreuses plages situées le long de la côte, à l’est de la ville.

Après Cap Rouge et Fort-Ogé, j’ai donc repris la route, le mercredi 17 janvier, en compagnie de mon guide et chauffeur, Junior, en direction cette fois de l’étang Bossier…

Une partie du chemin qui mène à l’étang Bossier, mercredi 17 janvier

Enclavé au milieu des mornes, à une heure de route environ au nord-est de Jacmel, l’étang Bossier est un petit havre de verdure et de paix…

L’étang Bossier

… autour duquel vit une population pauvre composée de paysans et d’éleveurs.

Malgré la pêche et le poisson, abondant nous dit-on, les conditions de vie autour de l’étang sont précaires. La plupart des habitants ne disposent ici que de quelques gourdes par jour…

Paysanne lavant son linge au bord de l’étang Bossier. Ci-dessous gardien de boeufs…

Comme le souligne un récent rapport (2014) de l’Institut Haïtien des Statistiques (IHSI) , géographiquement, la pauvreté en Haïti est beaucoup plus élevée en milieu rural. Environ 60% de la population haïtienne vit en-dessous du seuil international de pauvreté fixé à US$1.90 par jour.

Le taux d’alphabétisation dans le pays est d’un peu plus de 60%. Le taux de mortalité infantile est de 39% (chiffres UNICEF).

Devant de telles statistiques, le regard sur les plages qui émaillent la côte sud-est d’Haïti n’est plus le même…

Plage de Raymond les bains… Le sentier pour l’étang Bossier débute juste en face de la plage, de l’autre côté de la route qui relie Jacmel à Marigot.

Sur la plage Ti-Mouillage, plus jolie et plus à l’est que celle de Raymond les bains…

La plage Ti-Mouillage, mercredi 17 janvier.

… les bungalows se louent entre US$30 et US$50 la nuit…

Les prix indiqués sont en gourdes (HTG). 1US$ = 63 gourdes (janvier 2018)

Dans le centre-ville de Jacmel

Un des paons, résident permanent de la grande cour de mon hôtel, qui m’accueille tous les matins…

Une nouvelle aventure m’emmène, le vendredi 19 janvier, du côté de Bassin Bleu, un des lieux  emblématiques de la région de Jacmel….

Une bonne heure de moto de nouveau avant d’arriver à Bassin Bleu, à l’ouest de la ville de Jacmel

En chemin, après avoir quitté la route goudronnée, entre la petite localité de Savannette et celle de Carrefour-Pingouin, dans la commune de Lavaneau, une enseigne attire mon attention…

Une belle surprise!…

Une petite boutique d’artisanat, authentique, tenue par un jeune homme, plein de talent, qui fabrique dans son studio une multitude d’objets multicolores en papier mâché, une des spécialités de la région de Jacmel…

Frantz Janvier, 27 ans est propriétaire de son petit studio à une vingtaine de minutes de Bassin Bleu. Il a récemment suivi une formation en gestion d’entreprise d’artisanat, formation offerte à Jacmel par l’Unesco et la coopération internationale espagnole. Son commerce est en pleine expansion.

Entouré de ses créations, Frantz ne chôme pas. Ses objets en papier mâché sont très en demande pendant la saison du carnaval…. Une bonne adresse sur la route de Bassin Bleu…

Je suis reparti avec un sac rempli de trésors…

Avant d’arriver au premier des trois bassins qui forment l’ensemble de Bassin Bleu, les visiteurs, obligatoirement accompagnés d’un guide, doivent suivre un long sentier bordé d’arbres, de buissons et de plantes odorantes.

Incroyable biodiversité du lieu. On retrouve ici de l’acajou, des bananiers, des avocats, des figues, du cacao, des mandarines, des mangues, du corossol…

Débordant d’optimisme et d’énergie, Patso, au premier plan, guide intrépide pour une visite inoubliable au Bassin Bleu. A l’arrière-plan, le fidèle Junior…

Il y a aussi des colibris, des libellules… Heureusement, le périmètre de Bassin bleu est désormais protégé grâce à de multiples subventions provenant en majorité d’ONG internationales…

Le bassin palmiste (profondeur 15 mètres) premier des trois bassins d’eau turquoise approvisionnés par une série de sources et de chutes…

Grande surprise sur le sentier qui mène au deuxième bassin. Nous marchons tranquillement tous les trois lorsque Patso me demande poliment d’enlever mes sandales…

Il prend ensuite mon sac, le met prestement sur son dos puis, en quelques secondes, il déroule une longue corde, l’attache rapidement à un rocher et… se lance avec un grand rire dans le vide… en direction du bassin bleu!

Patso, heureux comme un poisson dans l’eau…

C’est bientôt à mon tour de le suivre… Ma descente est beaucoup plus… hésitante…

Rire jaune en descendant vers le bassin bleu. Profondeur du bassin: 57 mètres!

Le troisième bassin est le plus impressionnant…

Une magnifique chute se jette dans le bassin clair. Profondeur: 75 mètres!… Une légende raconte que les lieux sont peuplés de sirènes qui emportent quiconque essaie de plonger afin de mesurer la profondeur exacte des bassins…

Quelle aventure!… Le lieu est vraiment remarquable… Il faut malheureusement penser à rentrer….

Junior achète quelques provisions avant de quitter Bassin Bleu…

… et reprendre, en moto, le chemin de Jacmel…

La baie de Jacmel, vue du côté ouest cette fois, entre Bassin Bleu et Lavaneau, vendredi 19 janvier

Prochaine destination: Seguin, altitude 1800 mètres, petit village de montagne niché au coeur du parc national de La Visite…

Une partie du film Kiskeya, mais où sont passés nos arbres? a été tourné dans la région. Ce sera ma troisième visite là-bas…

Petit déjeuner composé d’une omelette et de « patates douces »

Quels enseignements tirer de ces dix premiers jours passés à Jacmel?

Que le tourisme indépendant en Haïti, bien que difficile, est possible, et doit être encouragé. Le pays a accueilli l’an dernier environ 500 000 touristes. La plupart sont venus en voyage organisé. C’est dommage. En Haïti, ce type de voyage ne profite que très peu à la population.

Voyager de façon indépendante, c’est aider directement, par exemple, les chauffeurs de moto et les guides qui reçoivent sans intermédiaire leurs courses et leurs pourboires. C’est aider les artistes chez qui on s’arrête. Au lieu de subventionner « les boutiques de souvenirs » des grands hôtels.

Voyager indépendamment, c’est aller à la rencontre des Haïtiens et prendre avec eux les transports en commun qui se développent ici rapidement. Exemple: La Source Transport pour le trajet Port-au-Prince-Jacmel. Ou Transport Chic pour aller dans le grand sud, notamment aux Cayes.

Si l’on veut sortir des sentiers battus, et avoir, en Amérique, un petit goût de l’Afrique, conjugué à une double dose de culture créole et francophone, Haïti est une destination de choix.

Petite maison sur la route de l’étang Bossier

Pour terminer, quelques conseils.

Il faut ici, plus qu’ailleurs, soigneusement planifier son itinéraire, ses déplacements, vérifier et re-vérifier avec les hôtels ou les chambres d’hôtes les renseignements qui sont partagés.

Être prudent, comme partout en voyage, mais particulièrement dans la région de Port-au-Prince. Avoir impérativement un contact qui vous attend en arrivant à l’aéroport. Il est même possible, en attendant ses bagages devant le carrousel, d’emprunter un téléphone à quelqu’un et de rapidement confirmer son arrivée avec la personne qui vous attend à l’extérieur. (La culture des téléphones portables est ici un vrai roman.)

Bon voyage en Haïti!

Plat de poulet en sauce accompagné de millet, de banane mûre, et d’une salade

 

 

 

 

10 réflexions sur “Haïti Chérie

  1. Cher Max, porte-parole canadien pour Haïti,
    On te suit et on marche avec toi sur ton chemin, fascinés et bouches-bée… Je pense à La Déclaration universelle des droits de l’homme… Bonne continuation dans tes explorations, extérieures et intérieures!

    • Merci beaucoup frph! Je ne suis pas sûr d’être « un porte-parole » pour Haïti… J’aimerais seulement inciter ceux qui songent à venir ici à franchir le pas, et les inviter à découvrir ce pays magnifique.

  2. Bonjour Max,
    J’ai un peu de retard. Je viens de lire tes deux très beaux articles. Il y a aussi de très intéressants commentaires que j’ai pris plaisir à lire. Je ne connais que Port-au-Prince, donc si peu de Haiti, Ton appel à découvrir ce pays, trop souvent caricaturé par les médias, m’interpelle. J’espère y aller un jour avec Alix qui, malgré la distance, est encore très attaché à son pays de naissance.
    Bises
    Viviane

    • Merci, Viviane! Le long commentaire de Evens, jeune guide rencontré dans la vieille ville de Jacmel, est en effet poignant, un véritable cri du coeur. Merci, Evens! Je t’encourage absolument à venir découvrir Haïti avec Alix. Je sais que tu vas aimer ce pays, les gens, la culture si riche et si complexe, la langue, la littérature. Je serais heureux de partager quelques suggestions d’itinéraires. En fait, je crois de plus en plus que le tourisme (si possible responsable, écologique) est une des options qui permettra à Haïti de se développer et de sortir de l’ornière. Il faut absolument développer les infrastructures dans les régions éloignées (et souvent les plus belles) du pays. À bientôt!

  3. Quel plaisir de lire tes deux articles! J’ai fait la même promenade à Bassin bleu; une belle expérience. L’eau était glacée. T’es-tu baigné?

    J’ai bien aimé voir le nom de mon ami de plus de 35 ans Alex Bellande dans le générique (texte et recherche) du film « De Kiskeya à Haïti mais où sont passés nos arbres? « . C’est un ami de Jessica qui a fait son cours d’agronomie au campus Ste-Anne-de-Bellevue de McGill.

    Je t’encourage évidemment dans ta réflexion sur un éventuel séjour prolongé dans la région. Elle en a bien besoin de soutien.

    Kenbe fò!

    • Merci beaucoup, Alix. Je me souviens de ton récit de voyage à Bassin bleu, et je dois avouer que je ne me suis pas baigné là-bas. L’eau était en effet beaucoup trop froide! Je me rappelle aussi de ton ami Alex, rencontré souvent à Montréal. SVP transmets-lui mes amitiés et mes félicitations pour le très beau film qui célèbre si bien la richesse de la biodiversité des forêts en Haïti, malheureusement menacées un peu plus chaque jour. Je planifie écrire bientôt un article sur Seguin et le parc national de la Visite. Quant à un séjour prolongé dans la région, j’y pense de plus en plus… Nap Kenbé.

  4. Te voilà devenu véritable ambassadeur « honoraire » d’Haïti … tu en fais bien la promotion !
    Cela ne t’empêche pas de constater avec lucidité que le pays a de nombreux défis à relever et d’énormes progrès à faire pour enrayer la pauvreté qui affecte un si grand pourcentage de la population. Les statistiques parlent d’elles-mêmes … et la photo du gardien de vaches ne pourrait mieux illustrer l’expression « une période de vaches maigres ».
    Quelle aventure au bassin bleu, je ne te savais pas aussi intrépide ! As-tu plongé dans ces eaux si bleues ou la légende des sirènes t’en a-t-elle dissuadé ? Et les plages, as-tu pu en profiter pour une petite baignade ? Elles semblent absolument désertes : ni touristes, ni locaux, ni pêcheurs, quelle en est la raison ?
    Merci pour les liens des films, ils semblent bien intéressants. J’adore aussi les noms très colorés des villes et villages, ce serait sans doute intéressant d’en retracer les origines.
    Tu as manqué des pluies incessantes depuis ton départ et une grosse tempête de vent qui a frappé le Sud de la province hier soir. Nous sommes donc contents d’avoir finalement décidé de faire une escapade de deux semaines dans le Sud du Mexique. Dans deux jours, nous serons presque à la même latitude que toi, simplement séparés par la mer des Caraïbes.
    Hasta la vista !

    • Merci infiniment, Annie! C’est vrai que le nom de certains villages ici font rêver… Carrefour-Pingouin… Sous les Tropiques! Cela m’avait aussi intrigué. J’ai donc posé la question au centre d’accueil de Bassin bleu, et on m’a affirmé qu’il y avait bien ici, il y a très longtemps, une colonie de pingouins… Légende ou vérité? Comme souvent en Haïti, la réponse est sans doute entre les deux…. Bon voyage dans le sud du Mexique! Soyez prudents.

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