Fort Cochin

Après la triste campagne électorale et le résultat inattendu des élections américaines, après l’annonce du décès de Leonard Cohen, puis celui du Comandante Castro, après la pluie et le temps gris de novembre à Vancouver, quel contraste, et quel plaisir, de se retrouver, après dix-huit heures de vol, au bout du monde, à la pointe sud de l’Inde, dans l’état du Kerala!

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Fort Cochin, samedi matin, 3 décembre

C’est la fin de la saison des pluies ici, et le thermomètre oscille entre vingt-neuf et trente-deux degrés.

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Promenade du bord de mer, Fort Cochin, dimanche 4 décembre

Je suis installé depuis vendredi matin sur la péninsule de Fort Cochin, une ancienne enclave portugaise (comme Goa, située plus au nord) autour de laquelle s’est développée la grande agglomération de Cochin, à l’est de la péninsule.

Fort Cochin, colonisée par les Portugais, puis par les Hollandais, a longtemps été un important comptoir lié au commerce des épices.

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Vestiges du passé turbulent de Fort Cochin. Anciens bâtiments coloniaux reconvertis en hôtels et, ci-dessous, en bureaux.

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Pour ce premier voyage en Inde, j’ai décidé d’éviter les grandes métropoles. Je suis heureux de passer ces premiers jours ici au calme, en me promenant dans la vieille ville, afin de m’acclimater au pays, au climat (chaud et humide), au décalage horaire, et à l’accueil souriant de tous ceux et celles rencontrés jusqu’à présent.

Sheeba dirige avec son mari, Ashley, l’excellente guesthouse « Greenwoods Bethlehem » située dans un quartier calme, au sud du centre-ville de Fort Cochin.

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Greenwoods Bethlehem Guesthouse, Fort Cochin

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Soulignées en vert, mes cinq étapes au Kerala: Fort Cochin (Cochin), Munnar, Alleppey, Kollam et Varkala. Je prendrai l’avion pour le Sri Lanka à partir de Thiruvananthapuram, la capitale de l’état du Kerala, située tout au sud.

L’état du Kerala est souvent perçu comme une exception en Inde. Avec raison. Nous sommes ici très loin de l’agitation de Dehli ou de la fièvre et des excès « Bollywood » de Mumbai.

La grande majorité de la population de la région vit de la pêche et de l’agriculture.

Dès 1957, les habitants au Kerala ont été parmi les premiers à élire, démocratiquement, un gouvernement communiste. Aujourd’hui encore, le gouvernement de l’état est dirigé par une coalition d’allégeance marxiste.

Le taux de scolarisation, l’alphabétisation (plus de 90%) l’espérance de vie sont ici beaucoup plus élevés qu’ailleurs au pays.

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La rue principale de mon quartier. On aperçoit, à gauche, deux silhouettes dans un des nombreux cabinets de lecture de la ville. N’importe qui peut, à n’importe quel moment de la journée, venir lire, à sa guise, les journaux du jour, fournis gratuitement, chaque matin, par la municipalité. Ci-dessous, un autre cabinet de lecture situé dans la vieille ville.

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La figure du « Che » bien en évidence dans le cabinet de lecture

Un élément frappe en arrivant à Fort Cochin: la coexistence pacifique qui semble régner entre les différentes communautés religieuses. Bien que la majorité de la population au Kerala (comme dans le reste du pays) soit de confession hindoue, l’état compte 25% de musulmans et près de 20% de chrétiens, dix fois plus que la moyenne nationale.

La religion catholique a de profondes racines au Kerala, les premiers explorateurs portugais sont arrivés ici au début du 16è siècle, suivis par les Jésuites…

La religion catholique a de profondes racines au Kerala. Les premiers explorateurs portugais sont arrivés ici au début du 16 siècle, suivis par les jésuites. Ci-dessus la Cathédrale Saint-François, la première église catholique construite en Inde. Vasco de Gama y fut inhumé pendant plusieurs années avant que ces cendres soient rapatriées au Portugal

L’église Saint-François de Fort Cochin, la première église catholique construite en Inde, en 1503. Vasco de Gama, mort à Fort Cochin en 1524 (lors de son 3è voyage en Inde) y fut inhumé pendant plusieurs années avant que ces cendres soient rapatriées au Portugal.

Il y a dans mon quartier deux mosquées, deux églises catholiques et de nombreux temples hindous.

Aucune animosité apparente entre ces communautés. Tout le monde va et vient, se salue. C’est remarquable. Je suis très heureux de débuter mon voyage en Inde ici!

Fort Cochin, dimanche 4 décembre

Fort Cochin, dimanche 4 décembre

Autre surprise en me promenant dans les rues, la plupart des gens ne parlent pas l’anglais, ni même le Hindi, les deux langues officielles de l’Inde. Ils parlent plutôt le Malayalam, la langue principale du Kerala, l’une des 800 langues parlées au pays!

La presse locale, en Malayalam.

La presse locale, en Malayalam.

Curieusement, dimanche matin, devant l’une des églises de la vieille ville, je me fais accoster, en français, par un des marchands qui a reconnu mon accent, alors que je posais une question.

Originaire du Tamil Nadu, l’état voisin du Kerala, à l’est, le marchand, la quarantaine, m’explique dans un français très correct avoir grandi à Pondichéry, l’ancien comptoir commercial français où la langue est encore parlée aujourd’hui…

(Moi qui rêvais, en planifiant ce voyage, d’aller faire un tour à Pondichéry… mais la ville est à plus de 14 heures de train de Cochin… Ce sera pour un autre fois…)

Dans les rues de Fort Cochin... Un écho de Pondichéry?

Rickshaws dans les rues 

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Casse-croûte ambulant au centre-ville

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Marchand de fruits dans un quartier plus calme à Fort Cochin

Fort Cochin, lundi 5 décembre

J’ai aussi découvert depuis cinq jours la merveilleuse cuisine du Kerala dont on m’avait tant parlé avant le départ.

On mange très peu de viande ici, la population préférant le poisson, abondant, et un régime à base de légumes. La noix de coco est un élément essentiel dans la plupart des plats cuisinés.

Ragoût de légumes

Ragoût de légumes

Le riz aux grains très épais, typique de la cuisine locale.

Le riz aux grains très épais, typique de la cuisine locale.

Poulet au curry. Délicieux!

Poulet au curry. Délicieux!

               LA SURPRISE DU 8 NOVEMBRE…

Le billet de 1000 roupies, en haut (environ $20) et celui de 500 roupies ont été sans préavis démonétisés début novembre.

Le billet de 1000 roupies, en haut (environ $20) et celui de 500 roupies ont été sans préavis démonétisés début novembre.

Je ne peux pas terminer sans parler du véritable coup de théâtre qu’a connu l’Inde, le mardi 8 novembre, il y a à peine un mois.

Dans la soirée, le premier ministre du pays, Narenda Modi (centre-droit), a annoncé à la télévision, sans aucun préavis, que les billets de 1000 et 500 roupies seraient, dès le lendemain matin, « démonétisés« , c’est-à-dire inutilisables pour acheter quoi que ce soit.

L’objectif étant de freiner la corruption qui sévit en Inde, un pays où la plupart des transactions se font en argent liquide. Un nouveau billet de 2000 roupies serait, a-t-il promis, très vite mis en circulation. Les citoyens étaient encouragés à échanger leurs vieux billets de 1000 et 500 roupies dans leurs banques à condition qu’ils puissent prouver l’origine de leur argent, produire des reçus, etc…

Il y a eu un mouvement de panique dans tout le pays, les coupures de 1000 et 500 roupies représentant plus de 80% des transactions financières. Les Indiens se sont rués dans les banques. La plupart des succursales n’avaient bien sûr pas encore reçus les nouveaux billets. Les distributeurs étaient vides et devaient tous être reprogrammées afin d’accepter les nouvelles coupures de 2000 roupies. On imagine la panique.

Tout cela avait été tenu dans le plus grand secret.

Depuis ce coup de théâtre, c’est la galère pour un peu tout le monde, sauf pour les citoyens les plus démunis qui n’ont presque jamais en mains de hautes coupures… Les citoyens indiens ne peuvent aujourd’hui retirer qu’une toute petite somme en liquide chaque jour (environ 2000 roupies).

Les touristes, eux, sont un peu mieux lotis, et peuvent échanger pendant quelques jours encore les billets bannis mais le taux d’échange frôle l’usure. L’Inde reste malgré tout une destination très abordable.

Fort Cochin

Deux facettes de Fort Cochin, ci-dessus, une rue calme et typique de la vieille ville, et ci-dessous, une partie de la plage municipale, très achalandée le dimanche…

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Je suis très heureux d’avoir découvert Fort Cochin, et d’avoir fait ici mes premiers pas en Inde.

Je quitte demain la côte comme prévu pour Munnar, une petite ville, nichée en altitude, qui est depuis un siècle une des plaques tournantes de la culture et du commerce du thé.

Retour ensuite sur la côte à Alleppey (Alappuzha) puis à Kollam, et enfin à Varkala avant de partir le 23 décembre pour le Sri Lanka.

(SVP cliquer sur les mots en gras ci-dessus pour avoir directement accès aux articles sur ces étapes au Kerala)

Bon début de mois de décembre à tous!

13 réflexions sur “Fort Cochin

  1. Cher Max,
    Merci de partager tes impressions et tes photos. On sent la sérénité et l’histoire des lieux, là-bas. Profite de ton séjour. À Vancouver, il neige! Bonne continuation!

  2. Bonjour Max,
    C’est en février 1981 que j’ai découvert le vieux Cochin où une lettre de ma mère m’attendait à la poste. À l’époque pas d’internet et on utilisait la « Poste restante » pour avoir des nouvelles des parents ou des amis. J’avoue, c’est le bonheur de trouver sa lettre qui reste le souvenir le plus fort de mon court séjour à Cochin. Je me rappelle aussi de la visite aussi de la synagogue qui date du 16 ou 17 ème siècle. Bonne suite de voyage. Bises
    Viviane

    • Merci Viviane de partager ces souvenirs, la poste est toujours là, au même endroit dans la vieille ville, ainsi que la synagogue, construite en 1568, dans le quartier marchand de Mattancherry. En fait, avec tous ces bâtiments magnifiques, il est question depuis plusieurs années d’inscrire Fort Cochin au patrimoine mondial de l’Unesco, ce sera peut-être chose faite d’ici cinq ou dix ans…

  3. Merci encore Max, tu me fais découvrir un coin de la terre que je connaissais seulement par la lecture. C’est magnifique de voir que malgré la distance, tout le monde vit sa vie du mieux possible. Je trouve ta décision d’éviter les grandes métropoles inspirante.

    • Merci Roodya, si tu as le temps, je te conseille un auteur Indien, originaire du sud de l’Inde, il s’appelle R.K. Narayan. Je lis en ce moment un des ses premiers romans, ‘The English Teacher ». Aussi, un très beau film, récent, qui se déroule au Kerala, « The Trap ».

  4. Dear Max,
    All the experiences you have gained from your travels are so eloquently expressed in your commentary. The greatest joy is that not only that our generation follows your journeys, but now the next generation of our family follows with the same anticipation. Safe journey! Once again you have chosen the wonders of areas off the beaten path, thank you for bringing us all along on your newest adventure.

    Love,
    Nancy

    • Thank you so much, Nancy! I do hope that some of these chronicles (especially the posts from Haïti or from Rwanda with pictures of the family from the early 60s in Bukavu) will help the next generation better understand the roots of the family, as well as all the trials and tribulations of the Adrien clan from Les Cayes to Africa to Montréal and beyond. It is a beautiful and ongoing story.

  5. Cher Max,
    Nous venons à peine de rentrer de notre voyage que déjà tu nous donnes envie de repartir !
    Tu as choisi un état particulièrement intéressant et très distinct du reste de l’Inde et,grâce à toi, nous en savons un peu plus sur ce bout du monde où nous n’avons pas encore posé les pieds. C’est vraiment surprenant d’apprendre que le Kerala puisse avoir un système de gouvernement, de santé et d’éducation complétement différent de celui du pays … c’est pratiquement un état indépendant, à l’intérieur d’un état. L’idée des « cabinets de lecture » me semble très civilisée … Intéressant de voir une affiche de Che Guevara dans l’un d’entre eux … l’influence marxiste sans aucun doute ! C’est encourageant aussi de savoir qu’il y a encore des endroits où différentes communautés culturelles et religieuses peuvent coexister en toute sérénité !
    Bon séjour au milieu des plantations de thé, l’altitude et la fraîcheur de Munnar seront sans doute les bienvenues après la chaleur et l’humidité de la côte. Pour nous la transition s’est faite dans l’autre sens … nous sommes passés du soleil avec 35 degrés à la neige avec moins 7 degrés ! Mais mieux vaut la neige que la pluie !

    • Merci, Annie! Bon retour sur la côte ouest, et au plaisir de se retrouver bientôt autour d’une bonne table afin d’échanger nos souvenirs de voyage… et préparer les suivants!

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