Après la triste campagne électorale et le résultat inattendu des élections américaines, après l’annonce du décès de Leonard Cohen, puis celui du Comandante Castro, après la pluie et le temps gris de novembre à Vancouver, quel contraste, et quel plaisir, de se retrouver, après dix-huit heures de vol, au bout du monde, à la pointe sud de l’Inde, dans l’état du Kerala!

C’est la fin de la saison des pluies ici, et le thermomètre oscille entre vingt-neuf et trente-deux degrés.

Je suis installé depuis vendredi matin sur la péninsule de Fort Cochin, une ancienne enclave portugaise (comme Goa, située plus au nord) autour de laquelle s’est développée la grande agglomération de Cochin, à l’est de la péninsule.
Fort Cochin, colonisée par les Portugais, puis par les Hollandais, a longtemps été un important comptoir lié au commerce des épices.

Pour ce premier voyage en Inde, j’ai décidé d’éviter les grandes métropoles. Je suis heureux de passer ces premiers jours ici au calme, en me promenant dans la vieille ville, afin de m’acclimater au pays, au climat (chaud et humide), au décalage horaire, et à l’accueil souriant de tous ceux et celles rencontrés jusqu’à présent.



L’état du Kerala est souvent perçu comme une exception en Inde. Avec raison. Nous sommes ici très loin de l’agitation de Dehli ou de la fièvre et des excès « Bollywood » de Mumbai.
La grande majorité de la population de la région vit de la pêche et de l’agriculture.
Dès 1957, les habitants au Kerala ont été parmi les premiers à élire, démocratiquement, un gouvernement communiste. Aujourd’hui encore, le gouvernement de l’état est dirigé par une coalition d’allégeance marxiste.
Le taux de scolarisation, l’alphabétisation (plus de 90%) l’espérance de vie sont ici beaucoup plus élevés qu’ailleurs au pays.


Un élément frappe en arrivant à Fort Cochin: la coexistence pacifique qui semble régner entre les différentes communautés religieuses. Bien que la majorité de la population au Kerala (comme dans le reste du pays) soit de confession hindoue, l’état compte 25% de musulmans et près de 20% de chrétiens, dix fois plus que la moyenne nationale.
La religion catholique a de profondes racines au Kerala, les premiers explorateurs portugais sont arrivés ici au début du 16è siècle, suivis par les Jésuites…

Il y a dans mon quartier deux mosquées, deux églises catholiques et de nombreux temples hindous.
Aucune animosité apparente entre ces communautés. Tout le monde va et vient, se salue. C’est remarquable. Je suis très heureux de débuter mon voyage en Inde ici!

Autre surprise en me promenant dans les rues, la plupart des gens ne parlent pas l’anglais, ni même le Hindi, les deux langues officielles de l’Inde. Ils parlent plutôt le Malayalam, la langue principale du Kerala, l’une des 800 langues parlées au pays!

Curieusement, dimanche matin, devant l’une des églises de la vieille ville, je me fais accoster, en français, par un des marchands qui a reconnu mon accent, alors que je posais une question.
Originaire du Tamil Nadu, l’état voisin du Kerala, à l’est, le marchand, la quarantaine, m’explique dans un français très correct avoir grandi à Pondichéry, l’ancien comptoir commercial français où la langue est encore parlée aujourd’hui…
(Moi qui rêvais, en planifiant ce voyage, d’aller faire un tour à Pondichéry… mais la ville est à plus de 14 heures de train de Cochin… Ce sera pour un autre fois…)





J’ai aussi découvert depuis cinq jours la merveilleuse cuisine du Kerala dont on m’avait tant parlé avant le départ.
On mange très peu de viande ici, la population préférant le poisson, abondant, et un régime à base de légumes. La noix de coco est un élément essentiel dans la plupart des plats cuisinés.



LA SURPRISE DU 8 NOVEMBRE…

Je ne peux pas terminer sans parler du véritable coup de théâtre qu’a connu l’Inde, le mardi 8 novembre, il y a à peine un mois.
Dans la soirée, le premier ministre du pays, Narenda Modi (centre-droit), a annoncé à la télévision, sans aucun préavis, que les billets de 1000 et 500 roupies seraient, dès le lendemain matin, « démonétisés« , c’est-à-dire inutilisables pour acheter quoi que ce soit.
L’objectif étant de freiner la corruption qui sévit en Inde, un pays où la plupart des transactions se font en argent liquide. Un nouveau billet de 2000 roupies serait, a-t-il promis, très vite mis en circulation. Les citoyens étaient encouragés à échanger leurs vieux billets de 1000 et 500 roupies dans leurs banques à condition qu’ils puissent prouver l’origine de leur argent, produire des reçus, etc…
Il y a eu un mouvement de panique dans tout le pays, les coupures de 1000 et 500 roupies représentant plus de 80% des transactions financières. Les Indiens se sont rués dans les banques. La plupart des succursales n’avaient bien sûr pas encore reçus les nouveaux billets. Les distributeurs étaient vides et devaient tous être reprogrammées afin d’accepter les nouvelles coupures de 2000 roupies. On imagine la panique.
Tout cela avait été tenu dans le plus grand secret.
Depuis ce coup de théâtre, c’est la galère pour un peu tout le monde, sauf pour les citoyens les plus démunis qui n’ont presque jamais en mains de hautes coupures… Les citoyens indiens ne peuvent aujourd’hui retirer qu’une toute petite somme en liquide chaque jour (environ 2000 roupies).
Les touristes, eux, sont un peu mieux lotis, et peuvent échanger pendant quelques jours encore les billets bannis mais le taux d’échange frôle l’usure. L’Inde reste malgré tout une destination très abordable.

Je suis très heureux d’avoir découvert Fort Cochin, et d’avoir fait ici mes premiers pas en Inde.
Je quitte demain la côte comme prévu pour Munnar, une petite ville, nichée en altitude, qui est depuis un siècle une des plaques tournantes de la culture et du commerce du thé.
Retour ensuite sur la côte à Alleppey (Alappuzha) puis à Kollam, et enfin à Varkala avant de partir le 23 décembre pour le Sri Lanka.
(SVP cliquer sur les mots en gras ci-dessus pour avoir directement accès aux articles sur ces étapes au Kerala)
Bon début de mois de décembre à tous!

