

Il n’a fallu que quelques heures pour que je me sente presque chez moi en Équateur…

Est-ce à cause de l’altitude? Du climat, que j’aime tant dans les Andes?
Est-ce le billet vert américain, familier, qui tient lieu ici de devise? Est-ce la présence réconfortante des peuples autochtones croisés sur la route?


Ou encore est-ce la nourriture, simple, savoureuse, composée souvent de produits frais, locaux?

Tout cela a joué, sans doute.
Mais le facteur le plus important, c’est qu’ici aussi, comme en Colombie, malgré la barrière de la langue parfois, chacun de mes pas dans le pays a été guidé par la gentillesse, la bienveillance et le sourire des Équatoriens….

J’ai donc commencé mon voyage comme prévu, le mardi 21 janvier, à Cuenca, la troisième ville du pays, après Quito et Guayaquil…

Comme Carthagène, Cuenca était à l’origine un village amérindien, conquis par les Incas au 15è siècle et pris de force ensuite par les conquistadors espagnols en 1557.
Cuenca devient pendant la période coloniale un centre administratif important et la ville se développe au 18è siècle grâce, notamment, au commerce du textile.
Après plusieurs années de lutte contre les Espagnols, Cuenca gagne son indépendance en 1820 et rejoint dix ans plus tard, en 1830, avec Quito et Guayaquil, la toute nouvelle république de l’Équateur.




Le quartier historique de Cuenca, classé depuis 1999 au patrimoine mondial de l’Unesco, a été, comme celui de Carthagène, magnifiquement restauré et préservé.




Mais, contrairement à Carthagène, les rues de la vieille ville, ici, bourdonnent d’activité…




Marchés, restaurants, magasins et boutiques semblent avoir été conçus ici pour toutes les bourses, même les plus modestes…



Sous les arcades des immeubles, dans les parcs, dans les marchés ou à l’ombre des petites places, étudiants, personnes âgées, autochtones, commerçants, membres des classes moyennes et aisées de la ville se côtoient, à Cuenca, sans heurts, et partagent paisiblement l’espace public.
Un bel exemple d’inclusion! Dont devraient s’inspirer à mon avis bon nombre de grandes villes européennes et nord-américaines…

Malgré la circulation automobile, souvent intense, j’ai adoré découvrir et vivre dans le centre historique de Cuenca qui est une vraie merveille! Un trésor.
Il fait bon se promener ici, en particulier tôt le matin…

Un chauffeur de taxi qui me ramenait à l’hôtel un après-midi me résumait ainsi sa ville:
« Je suis né à Cuenca, et j’ai visité la plupart des villes du pays. Cuenca est unique. Es muy tranquilo. Il n’y a pas de graves problèmes sociaux ici, pas de violence comme à Guayaquil ou à Quito. Les gens se parlent, s’écoutent. Je ne partirai jamais d’ici, et je mourrai dans cette ville. »

Avant de quitter Cuenca, j’ai voulu explorer quelques-uns des villages situés en périphérie de la ville. Et je suis donc parti, accompagné d’un guide, en voiture, le vendredi 24 janvier, en direction de 3 villages voisins: San Bartolomé, Chordeleg et Gualaceo…

Le village de San Bartolomé est connu en Équateur pour la fabrication de guitares… Les meilleurs musiciens du pays viennent ici commander et acheter leurs instruments, de grande qualité, souvent faits sur mesure…


Nous avons ensuite continué notre route, direction nord, vers Chordeleg…



… puis vers Gualaceo, un bourg important, doté d’un grand marché…





Vilcabamba



Au début des années 1970, un article publié dans un magazine américain révélait au monde entier un phénomène étrange, inexpliqué, relié à un petit village du sud de l‘Équateur.
Les statistiques indiquaient en effet qu’un nombre important et inhabituel de centenaires vivait dans la commune de Vilcabamba, une bourgade située à l’extrême sud du pays, près de la frontière péruvienne.
Plusieurs habitants affirmaient avoir 110 voire 120 ans, et les spécialistes s’interrogeaient sur les causes de cette longévité exceptionnelle.
Était-ce dû au climat doux et tempéré de la vallée? À la consommation de l’eau, provenant de sources riches en magnésium? Au café, produit en altitude dans la région sans aucun pesticide? À une substance, fumée par les anciens, combinant les effets de la cocaïne et de la marijuana?
Les spéculations allaient bon train.
Il n’en fallait pas plus pour attirer à Vilcabamba hippies, aventuriers et touristes (américains surtout) en quête, dans la vallée, d’une jeunesse éternelle….
Avec le temps cependant, de nouvelles études ont été menées. Les statistiques se sont révélées trompeuses, tronquées. On ne vivait pas plus longtemps à Vilcabamba qu’ailleurs.
J’ai eu beau chercher, écarquiller les yeux, patienter à la terrasse des cafés, je n’ai croisé pendant mon séjour aucun centenaire dans le village. Pas un seul.
Les riverains, interrogés, se sont montrés plutôt évasifs. Et j’ai vite eu l’impression que cette étrange légende autour de Vilcabamba n’était en fait qu’une fable, une fiction, peut-être arrangée par les autorités pour attirer ici, au milieu de nulle part, des touristes… un peu naïfs… comme moi.
Bonne leçon.
Mais j’ai quand même ramené dans mes bagages du café de Vilcabamba…
Au cas où…

Autre surprise lors d’une longue randonnée à l’extérieur du village. Au détour d’un chemin, en pleine campagne, j’aperçois un homme, âgé, qui semble veiller, tapi dans un champ de maïs.
Il tient une arme à la main et me dévisage longuement. Il semble très étonné, intrigué par ma présence. J’engage prudemment la conversation…

Antonio, c’est son nom, m’explique qu’il passe plusieurs heures par jour à surveiller son champ de maïs pour contrer les voleurs qui, apparemment, viennent lui dérober ses récoltes…
C’est à mon tour d’être surpris. Il n’y a pas un seul épi de maïs en vue dans le champ. C’est la saison des pluies, et le temps de la récolte est bien loin… Je me demande si Antonio a toute sa tête… Poliment, je prends congé, et poursuis rapidement mon chemin…


Bref retour, en navette, à Cuenca, le jeudi 30 janvier, et départ, le vendredi 31 janvier, direction nord, pour Riobamba.



Riobamba
J’avais planifié mon itinéraire afin d’arriver à Riobamba la veille du grand marché du samedi…
Cela a été une bonne décision!

J’ai eu ce matin-là, en me promenant dans Riobamba, un peu la même impression qu’il y a 4 ou 5 ans, en découvrant le grand marché du centre-ville de Rangoun, en Birmanie…

Ici aussi, pratiquement chacune des rues du centre historique de la ville se transforme, le samedi, en marché… Des familles entières s’installent sur les trottoirs…

Les carrefours sont tous plus animés les uns que les autres…
Mais quelle pauvreté, hélas! Quels bénéfices génèrent donc ces petits commerces?

La cantine du marché San Alfonso, calle 5 de Junio, est particulièrement animée à l’heure du déjeuner…
On parle beaucoup plus le quechua ici que l’espagnol…

À l’extérieur, les clients affluent…

… se bousculent parfois…

… et reviennent, inlassablement, se restaurer…

Quelle expérience!
Mais je suis perplexe devant les maigres revenus perçus par les marchands…
Si l’on soustrait le coût du transport, avec combien de sous repartent-ils dans leurs villages? Cela suffit-il à nourrir, à vêtir leurs familles?
Après deux jours passés à Riobamba, je reprends la route, le dimanche 2 février, pour la capitale…
Deux heures de trajet à peine, en bus, entre Riobamba et Quito…
Quito

J’ai a-d-o-r-é Quito!
J’y ai passé quatre jours, basé dans la vieille ville, et j’aurais facilement pu prolonger mon séjour.


On m’avait mille fois mis en garde avant mon arrivée: « Fais attention, Quito est une ville dangereuse », « Reste vigilant, dans les transports en commun surtout, à l’arrivée ou au départ de Quito », « Sois prudent dans les taxis… »
L’omniprésence des policiers dans les rues y est sans doute pour quelque chose, mais rien de fâcheux ne m’est arrivé. Au contraire. Partout où je suis allé, pendant la journée, dans la vieille ville, j’ai pu circuler paisiblement et j’ai été accueilli avec politesse et gentillesse.

En fait, je me suis rarement senti aussi bien dans une grande ville qu’à Quito!
C’est peut-être à cause de l’altitude (2850 mètres) ou du vent qui balaye la ville. Du grand ciel bleu pendant mon séjour. Peut-être est-ce la grande diversité de la population croisée dans les rues? Tout cela me convenait parfaitement à Quito.
C’est peut-être aussi parce que je n’ai pratiquement pas mis les pieds en dehors du centre historique – qui est immense, et où il y a tant à voir et à faire…

Certains visiteurs – peut-être à cause du confort des hôtels ou de la cuisine « internationale » des restaurants – préfèrent loger dans la « nouvelle ville », située au nord de Quito… À chacun ses choix, ses goûts…
De mon côté, j’ai préféré habiter le centre historique… Les gratte-ciels, les centres commerciaux ou les bars pour gringos éméchés, dans le quartier de la Mariscal, dans la nouvelle ville, très peu pour moi…





J’ai eu la chance, quelques jours plus tard, de visiter, en petit groupe, le palais présidentiel…
Quelle surprise, à la fin de la visite, lorsque le photographe officiel du président s’est approché… et nous a offert, individuellement, de prendre une photo, en guise de souvenir…

Je me souviendrai longtemps de ce geste et de ce moment absolument inattendu.

Mais ma plus belle journée à Quito a sans aucun doute été celle où j’ai sauté un matin dans un taxi en direction du « Teleferico de Quito »…



Au sommet, sur une esplanade qu’on appelle « Cruz Loma », une vue imprenable sur la ville et les volcans avoisinants…


De l’autre côté de ce panorama magnifique, un sentier balisé invite les randonneurs intrépides…

… à poursuivre le chemin jusqu’à un autre sommet, le « Rucu Pichincha » qui culmine, lui, à 4680 mètres d’altitude…

Matinée absolument exceptionnelle au-dessus de Quito!


Seule ombre au tableau dans les villes traversées en Équateur: le nombre important de réfugiés vénézuéliens, hommes, femmes, enfants qui essaient tant bien que mal de reconstruire leurs vies ici.
Les statistiques sont effarantes. Depuis quatre ans, plus de 3 millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays. C’est plus de 10% de la population. En Amérique du sud, les pays d’accueil les plus importants sont la Colombie et le Pérou. D’après Human Rights Watch, plus de 250 000 Vénézuéliens sont également arrivés en Équateur. L’intégration, on le devine, n’est pas facile. Infos supplémentaires ici.
Par le plus grand des hasards, à Quito, j’en ai rencontré un… réfugié, vénézuélien, qui s’en tire, lui, plutôt bien

Manuel est informaticien. Il a quitté sa petite ville du Venezuela pour l’Équateur il y a deux ans. Parce qu’il parle assez bien l’anglais, il a vite trouvé du travail, à Quito, dans un restaurant, comme serveur. De fil en aiguille, il a ensuite été recruté par un hôtel du centre historique (celui où je suis descendu) pour y travailler, à la réception.
Manuel a des amis, des contacts à Ottawa, et il prépare en ce moment son dossier pour obtenir un travail, dans l’informatique, au Canada.
Bonne chance, Manuel!
Otavalo


Après deux heures de route sans histoires depuis Quito, je suis arrivé le vendredi 7 février, en début d’après-midi, à Otavalo.


Otavalo, qui compte environ 40 000 habitants, est connu en Équateur, et au-delà, pour son légendaire marché du samedi qui accueille, Plaza de Ponchos, colporteurs et marchands venus parfois de villages très lointains…


Il y a en fait, le samedi, deux marchés à Otavalo.. et je suis allé faire un tour au second, le marché aux bestiaux, qui se tient quelques kilomètres plus loin, à Quinchiqui…

Il règne au marché aux bestiaux une ambiance bon enfant… On peut aussi s’approvisionner, un peu plus loin, en quincaillerie ou en poterie… Les femmes sont, ici aussi, élégamment vêtues…

Le marchandage est partout de rigueur…
… avant de rentrer, en fin de journée, à Otavalo…

J’ai effectué ici un très beau voyage, un des plus beaux depuis le Kerala! Et je ne suis resté que dans les Andes!
Mon seul regret, c’est de ne pas être allé dans « l’Oriente », la région de l’Amazone où vivent encore, à l’écart, des peuples peu connus. Ce sera peut-être pour une prochaine fois…

C’est en voyageant dans un pays comme l’Équateur qu’on s’aperçoit à quel point la vie, souvent, dans les grandes métropoles en Europe ou en Amérique du Nord est devenue fade, formatée, prévisible.
Le climat y est sans doute pour beaucoup. Mais les gens semblent ici avoir gardé dans le cœur, dans les yeux, dans les gestes de la vie quotidienne, une douceur, une poésie, une fantaisie qui fait cruellement défaut chez nous. Qui a disparu en fait devant la peur de l’autre et les manchettes accablantes des journaux. C’est dommage.
Heureusement, le voyage, souvent, comme ici, permet de renouer avec cette insouciance, cette légèreté, cette innocence maintenant perdue chez nous.
Bonne fête de la Saint-Valentin à tous!
Je vous laisse avec une chanson qui résume assez bien mon état d’esprit après ces cinq semaines de découvertes… Vous pouvez l’écouter ici.





