Une semaine déjà depuis la fin de mon odyssée sur la voie de Rocamadour. Une semaine où il s’est passé bien des choses. Le beau temps est revenu. La pluie aussi. Il a fallu naviguer, marcher sur des sentiers en partie inondés. Nous avons dû faire de fréquents détours, les pieds dans l’herbe trempée. Avec l’humidité, mon appareil photo a rendu l‘âme, le 12 mai, lors de ma dernière étape entre Vers et Cahors. J’ai perdu, ce jour-là, 95% de mes photos.
Arrivé à Paris, je suis allé voir rue de Turbigo (3è arr.) les techniciens d’une petite compagnie spécialisée dans la récupération de données. Je leur ai confié ma disquette, ma carte-mémoire. Je n’y croyais pas trop. « Aucune garantie » m’ont-ils averti, « mais nous ferons de notre mieux ». Ils m’ont appelé dès le lendemain. Mon disque avait été « désoxydé » et toutes mes photos, récupérées! Bravo!
J’ai aussi revu à Paris mon ami, mon ancien camarade de lycée, Tommy, perdu de vue depuis notre scolarité, espiègle et dissipée, au Collège Stanislas de Montréal, dans le quartier Outremont, au milieu des années 70. Grandes et belles retrouvailles autour de bons vins et de cuisines épicées, ensoleillées, venues d’Afrique, un continent où Tommy a travaillé trente ans, au service d’une ONG. SVP voir les photos plus bas.
Mais reprenons, dès le début, le fil de cette semaine mouvementée.
Il est si rare de rencontrer sur les chemins de Compostelle, en France, des randonneurs issus de la « diversité » que j’ai décidé d’ouvrir cet article en saluant et en rendant hommage à…



Quelle aventure!
Dès les premiers pas sur le GR6, en quittant Figeac, tôt, le lundi 6 mai, après une bonne nuit de sommeil, je me sens bien sur le chemin. J’avance allègrement, en sifflotant, et rencontre, trente minutes environ après le départ, deux randonneuses, tout sourires elles aussi…

Très naturellement, nous engageons une longue, franche et amicale conversation. Théorine me parle du Cameroun. Françoise a déjà visité le Québec et notre famille a, également, vécu au Togo! Bonnes excursions ce printemps, mesdames! Votre amitié est belle à voir!
Je poursuis lentement ma route vers Lacapelle-Marival. Le sentier, avec la pluie des derniers jours, est boueux, glissant.


Il me faudra un peu plus de six heures de marche avant d’arriver à Lacapelle-Marival…
Surprise, en ce début d’après-midi, les rues du village (1500 habitants) sont désertes, presque sinistrées. Tout est fermé le lundi et plusieurs commerces, dans la Grand’ Rue, ont mis la clé sous la porte, définitivement. Il règne dans les ruelles du bourg une atmosphère un peu lugubre…


Heureusement, le beau temps est revenu sur le GR6 le lendemain…


Ma halte à Saint-Chignes a sans doute été l’une des plus belles et des plus insolites de mon périple!
Accueilli comme un prince…

par un couple charmant…

J’ai été confortablement logé, au milieu d’un grand pré, où trônent d’authentiques roulottes en bois…

J’ai aussi été, pendant ma trop courte halte, dorloté et choyé, comme un membre de la famille, par des hôtes absolument exceptionnels!

Étape inoubliable (18 kms) le lendemain, le mercredi 8 mai, entre Saint-Chignes et Rocamadour!

Sous un soleil parfois éclatant, j’ai parcouru l’étape en écarquillant les yeux, presque à chaque pas…
Marcher dans cette région du Quercy est un véritable e-n-c-h-a-n-t-e-m-e-n-t!




Je poursuis ma route. Les fortes pluies des derniers jours ont endommagé sur le chemin l’une des passerelles qui mènent à Rocamadour…


Mais, comme à Saint-Cirq-Lapopie quelques jours plus tôt, j’ai décidé, après avoir conversé avec plusieurs autres randonneurs…

Une trentaine de minutes plus tard, l’arrivée au village de Rocamadour, haut lieu de la Chrétienté depuis le Moyen-Âge, est spectaculaire! Le village est littéralement taillé, agrippé à la falaise!

J’ai passé une journée de repos à Rocamadour, ébloui par l’architecture, la splendeur du lieu.
Un guide dans le village m’apprend que Rocamadour naît au début du 12è siècle. Les différents « étages » de la cité (nettement visibles sur la photo ci-dessus) reflètent les trois ordres de la société de l’époque: les chevaliers, au-dessus, dans le château, les clercs religieux au milieu (où est situé le sanctuaire) et les travailleurs laïcs en bas, près de la rivière Alzou.
(La répartition, l’allocation des logements est-elle si différente dans nos villes aujourd’hui?)


La cité est devenue un lieu de pèlerinage depuis un premier « miracle » survenu en 1148. Peu de temps après, on découvre, en voulant inhumer un habitant, un corps, intact, présenté comme celui de saint Amadour. La légende de Rocamadour est née. Les pèlerinages débutent.

Les trois étapes qui suivent mon séjour à Rocamadour filent en un clin d’oeil.
Comme je l’avais planifié, je décide, le vendredi 10 mai, de prendre la navette de la malle postale de Rocamadour jusqu’au village de Montfaucon d’où je rejoins, à pied, 6 kms plus loin, Labastide-Murat. Après avoir cheminé près de 200 kms depuis le 22 avril, l’étape de 27 kms entre Rocamadour et Labastide-Murat est au-dessus de mes forces!
D’autant plus que le soleil et la chaleur sont de retour sur le chemin!
Avant d’arriver au village de Labastide-Murat, au détour d’un sentier, je fais la connaissance de…


« Autrefois, me dit Daniel, mon père arrivait à payer les impôts de la ferme uniquement avec la vente de la laine des moutons. Les acheteurs de laine ont aujourd’hui disparu… Il y a bien quelqu’un, du côté de Figeac, qui est intéressé, il doit passer, mais rien n’est sûr… » continue Daniel.
Je sens l’inquiétude dans sa voix. Le manque de revenus est, pour Daniel, un vrai souci. Où sont donc passés les acheteurs? Pourquoi ne vient-on plus dans les fermes du Lot acheter de la laine? Daniel ne sait pas. Il mentionne le Japon, sans plus de détails. L’heure avance. Les brebis doivent aller brouter dans les prés, tout près. Daniel, avec un grand sourire, me souhaite un bon chemin…


Excellente halte à Labastide-Murat. Contrairement à Lacapelle-Marival, le village est vivant, les commerces ouverts, l’atmosphère accueillante….
Après un excellent déjeuner (canard confit) et une bonne douche, je fais une petite lessive et mes vêtements sèchent au soleil dans la cour de mon hôtel (les chambres d’hôtes sont très rares sur ce tronçon du GR46). Un halte comme je les aime, toute en douceur.

Le soleil étant au rendez-vous, je peux enfin repartir, le lendemain, dans une tenue différente!

Étape splendide ce samedi-là! Le chemin est absolument somptueux!

Qu’il fait bon marcher au soleil!

Alors que je chemine joyeusement, j’entends, derrière moi, à mi-parcours, des pas… précipités….



Quel incroyable événement! Il y a même cette année un participant de 76 ans!
J’ai l’air bien nigaud, moi, sur le GR46, avec mes petits 24 kms jusqu’à Vers!
Personne d’ailleurs sur le chemin ne me prête la moindre attention…

J’arrive au village de Vers (500 habitants) ci-dessous, au milieu de l’après-midi, complètement exténué…. J’ai été distrait par les coureurs et je me suis perdu en route. J’ai dû faire, au moins, 4 kms supplémentaires. Mon statut, brusquement, passe de « nigaud » à « nono »…

Je me consolerai ce soir-là en goûtant un plat que je ne connais pas très bien


La pluie sera de retour, malheureusement, pour ma dernière étape (18 kms), le dimanche 12 mai, entre Vers et Cahors. Étape au cours de laquelle mon appareil photo, entre deux averses, sera sérieusement endommagé…

Après ces trois randonnées – ce triple périple en Occitanie – quel immense bonheur de revoir, à Paris, mon ami Tommy, ancien camarade de classe au Collège Stanislas de Montréal!

Après avoir réussi notre Baccalauréat français en juin 1975 – Dieu seul sait comment, tant nous étions dissipés, enclins aux émotions et aux substances fortes! – après avoir tous les deux étudié à McGill, nous nous étions perdus de vue depuis bientôt 50 ans!

Aujourd’hui en semi-retraite, Tommy partage sa vie entre Nairobi, au Kenya, et la Toscane où il vit avec sa femme (et ses enfants, pendant les vacances) dans la maison familiale.
Pendant trente ans, Tommy a oeuvré en Afrique de l’est (Kenya, Soudan, Ouganda, Tanzanie, Éthiopie…) pour une ONG internationale (AMREF) qui vient en aide aux écoles, aux hôpitaux, aux populations marginalisées et aux enfants de la rue de la région. Noble tâche. Tommy est aussi cinéaste et documente régulièrement (en italien et en anglais) ses rencontres et ses projets.
Nous avons pendant trois jours parlé, parlé encore, écouté, clarifié des zones d’ombre. Nous avons marché dans Paris, dans le village Jourdain, dans les allées du parc des Buttes-Chaumont. Nous avons arpenté les rues de Belleville, les jardins de Ménilmontant, en évoquant une kyrielle de souvenirs de notre jeunesse mouvementée.
Les tentations ne manquaient pas, la nuit, à Montréal, au milieu des années 70. Comment avons-nous survécu?


Nous avons aussi dégusté, dans les quartiers du nord-est de Paris que j’aime tant, de délicieux plats de cuisine africaine!…

Merci infiniment d’être venu jusqu’à Paris, Tommy! À l’an prochain!

Il est temps de conclure.
Cela a été une excellente idée de parcourir ce printemps le plateau de l’Aubrac, la Voie du Célé et la Voie de Rocamadour! D’après mes calculs, j’ai dû franchir, depuis le 22 avril, environ 246 kms.
Découvrir les deux derniers sentiers a été prodigieux. Je dois avouer qu’entre le Célé et la Voie de Rocamadour, j’ai préféré le second chemin. Le tronçon (le GR6) entre Figeac et Rocamadour est absolument fabuleux!
Un grand merci et bravo à tous les randonneurs-euses rencontré(e)s sur la route! Bon courage si vous poursuivez sur le GR65 jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port ou jusqu’en Espagne!
Et merci, bien sûr, mille fois, à Tommy!
À bientôt pour d’autres aventures.
























