

Je suis de retour à Pokhara. Et je reviens de ma randonnée – de mon « trek » de cinq jours dans l’Annapurna – avec beaucoup d’humilité. Avec un respect renouvelé aussi pour tous les villageois rencontrés dans la montagne, villageois qui vivent entre 2000 et 3000 mètres d’altitude, dans des conditions souvent précaires, avec tant de grâce et de dignité.



Mon projet s’est déroulé exactement comme je l’avais planifié. Mais la randonnée – quatre journées de marche et un long retour en bus vers Pokhara – a été difficile. Plus difficile que prévu.
Avec le recul, je m’aperçois que cela a été une excellente idée de m’entraîner, ce printemps, en France, le long du GR65.
Les deux expériences de marche sont bien sûr très différentes, mais avoir cheminé au mois de mai, chaque jour, 4 ou 5 heures, sur la route de Compostelle, m’a fait le plus grand bien. Cela a été une très bonne préparation, mentale et physique, à ce « trek » réalisé au Népal.


La première et la troisième étape ont été particulièrement rudes. Un élévation d’environ 1000 mètres le premier jour entre Nayapul et le village de Ulleri, perché à 1960 mètres. Et, entre Ghorepani et Tadapani le sentier monte (jusqu’à 3200 mètres) et descend cruellement. Quatre heures 40 de marche ce jour-là, la plus longue étape, et sans doute aussi la plus belle…

De Nayapul, le sentier emprunte d’abord un chemin poussiéreux qui monte lentement vers les montagnes…

… le tracé devient ensuite beaucoup plus abrupt… Des centaines de marches sont taillées dans le roc du sentier…

… On grimpe, on grimpe ce premier jour, pendant plus de quatre heures… jusqu’au village de Ulleri… où m’attend une chambre simple et presque nue (voir Conseils pratiques à la fin de l’article)… Heureusement, il y a de l’eau chaude!…

Après une courte, inconfortable nuit (à cause du froid) et un petit-déjeuner sommaire, préparé dans une cuisine de fortune, je reprends la route, tôt le lendemain, accompagné de mon porteur, Yubraj…

En marchant, j’écoute attentivement les propos de mon jeune porteur. Il me parle, en anglais, de sa famille, de son enfance, de son pays. Et je me rends compte que les expériences de Yubraj résument assez bien les turbulences qu’a vécues le Népal depuis vingt ans….
Né dans le village de Dhital, situé à une heure de route de Pokhara, Yubraj me confie qu’il se souvient encore très bien, dès l’âge de huit ans, des rebelles maoïstes qui faisaient régulièrement, la nuit, irruption dans son village…
Lourdement armés, farouchement opposés à la monarchie, les rebelles exigeaient d’être nourris, logés. Malheur à ceux qui refusaient de les aider. Ou à ceux dans le village qui contestaient leur idéologie, leur autorité. On retrouvait leurs corps, mutilés ou criblés de balles, plusieurs jours plus tard…

Une fois les rebelles partis, l’armée népalaise arrivait à son tour dans le village, questionnant les résidents, leur demandant pourquoi les maoïstes avaient été accueillis et hébergés… Les responsables de l’armée, les soldats, proféraient des menaces… La situation, pour les habitants, devenait intenable.
Lorsqu’il a eu onze ans, la famille de Yubraj a quitté le village et est partie pour Pokhara. Sa scolarité a brusquement pris fin à ce moment-là.
Cette période noire a duré dix ans. Entre 1996 et 2006, entre 13 000 et 19 000 Népalais ont perdu la vie, tués par les rebelles ou par l’armée… Plus de 150 000 hommes, femmes et enfants ont dû, comme la famille de Yubraj, quitter leurs terres, leurs villages et se mettre à l’abri dans les grandes villes.

La situation est bien différente aujourd’hui. Les maoïstes (comme les communistes) ont maintenant intégré le gouvernement. La monarchie a été abolie en 2008 et le Népal est désormais une république dirigée par une femme.
Le pays a largement retrouvé son calme, mais personne ici, à Pokhara ou dans l’Annapurna, n’a oublié les cicatrices et les traumatismes de la guerre civile. Cette période d’affrontements et de violence a profondément et durablement marqué le pays.

Revenons sur le sentier où nous avons eu droit, les jours suivants, à une météo plutôt clémente, et au soleil, bien présent le matin…


En chemin, nous croisons des marcheurs venus de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, du Japon. Il y a des Britanniques, des Russes, quelques Canadiens mais, à ma grande surprise, la grande majorité des randonneurs sont des Népalais. De jeunes Népalais, inscrits à l’université souvent, qui parlent un anglais remarquable, et qui viennent, en groupe, joyeusement, découvrir la région…
« C’est un phénomène relativement récent », m’explique Yubraj qui parcourt les sentiers de l’Annapurna depuis cinq ou six ans… « Avec les réseaux sociaux, et le calme revenu au pays, les Népalais, les jeunes professionnels de Pokhara et Katmandou ont eux aussi envie de découvrir ces régions, et partager leurs aventures, leurs découvertes »…

En arrivant à Ghorepani, un panneau rappelle aux visiteurs les défis immenses auxquels sont confrontés l’ACAP (l’Agence de Protection de l’Annapurna) et les villages, dépourvus d’infrastructures, qui accueillent les randonneurs, douze mois par année maintenant.
Plus de 100 000 touristes visitent la zone de l’Annapurna chaque année.
Comment peut-on, dans ces conditions, gérer et protéger adéquatement l’environnement fragile de la haute montagne?
Recycler les déchets, les bouteilles en plastique en particulier, est un case-tête considérable pour les villageois et les autorités…

Deuxième halte, le lundi 3 décembre, dans le village de Ghorepani. Altitude: 2750 mètres.



Nous assistons au réveil à Ghorepani… et ensuite, sur la route vers Tadapani, à un spectacle grandiose… Il fait un temps splendide!




… spectacle renouvelé le lendemain matin lorsque nous quittons Tadapani… pour Ghandruk…

… en route, nous traversons une étonnante forêt de rhododendrons…
… avant de nous arrêter un instant, dans une petite buvette, juste avant Ghandruk…

…Ghandruk… où nous arrivons en début d’après-midi… C’est ici que nous terminons notre randonnée…

Coup de foudre en découvrant la ville, coupée en deux…
En haut, la ville « moderne » avec de beaux et anciens bâtiments, qui servaient autrefois d’entrepots, et qui ont été repeints, rénovés en gîtes ou en hôtels…


… en bas… la vieille ville de Ghandruk… Un village magnifiquement préservé… et curieusement ignoré par la majorité des touristes et des randonneurs…

… Une vieille ville, propre, paisible, accueillante, avec son musée… vieille ville où les artisans perpétuent les traditions…


Surprise en marchant dans les ruelles… Des enfants me font signe… Une fête se prépare à Ghandruk!… Je les suis vers le haut du village….

… où notables, dignitaires et membres de la communauté sont déjà rassemblés…

… afin de participer à une grande célébration… On honore, cet après-midi-là, un couple âgé du village pour sa contribution au fil des ans à la communauté…

Quelle belle façon de terminer cette randonnée!

C’est déjà le moment de rentrer à Pokhara…
Ces cinq jours dans l’Annapurna sont passés très vite, en un clin d’oeil
Très heureux d’avoir fait cette randonnée!
Merci à tous les villageois rencontrés et au personnel des « tea houses«
Cela a été une merveilleuse expérience!


Avant de terminer, et avant de partager quelques conseils pratiques sur cette randonnée dans l’Annapurna, je tiens à remercier ici mes amis Stephen et Annie qui ont parcouru le même chemin quelques jours avant moi. Leurs suggestions, partagées à Pokhara avant le départ, ont été précieuses. Merci à tous les deux!

Voilà donc ci-dessous quelques suggestions pour ceux et celles qui songent peut-être à réaliser ce circuit de quelques jours dans l’Annapurna…
- Amener (il va sans dire) des vêtements chauds. Il fait très froid en altitude, la nuit, et au petit matin.
- Se munir de savon, d’une serviette de toilette… et de papier hygiénique – items introuvables dans les chambres.
- Les lits dans les « tea houses » n’ont qu’un simple drap (pas toujours propre) posé sur le matelas, et une couverture (à la propreté douteuse également). Amener un sac de couchage est une bonne idée. On peut en acheter ou en louer facilement à Pokhara. Ou se munir d’une housse, en soie ou en coton, dans laquelle on se glisse. La housse (« liner ») offre une couche de protection entre la peau et le drap/la couverture.
- Le prix des chambres est dérisoire. Entre 400 et 1000 roupies la nuit ($5 à $11 ou 3 à 7 euros). La nourriture, qui doit être acheminée à pied ou à dos d’âne jusqu’aux villages, est beaucoup plus chère. Compter 500-600 roupies pour le petit-déjeuner ($6 ou 4 euros). Le même prix pour le déjeuner ou le souper.

Au-revoir, Pokhara!
J’ai été très heureux ici, avant et après mon « trek », tranquille dans mon quartier de Lakeside East où les touristes sont moins nombreux.
Logé, au troisième étage, au Nanohana Lodge. Une très bonne adresse.

Après quatre semaines en Inde et au Népal, j’ai maintenant pris mon rythme de croisière. J’ai encore devant moi cinq belles semaines de voyage. Ma santé est bonne, le moral, excellent.

Je quitte Pokhara demain pour Katmandou. Un trajet de sept ou huit heures en bus. Ai bien hâte de découvrir la capitale du Népal, et la vallée de Katmandou où j’ai prévu faire plusieurs autres excursions.
J’ai beaucoup écrit depuis un mois. Et je ne sais pas quand le prochain article sera publié – avant ou après Madras (Chennai), dans le sud de l’Inde, où j’arriverai le 18 décembre, Madras où il fait aujourd’hui… 31 degrés!…
Alors, juste au cas où… déjà… JOYEUX NOËL À TOUS!







