Voyage dans l’océan Indien & notes de lecture #4

Avant de partager quelques notes de lecture et évoquer les îles de l’océan Indien, j’aimerais revenir brièvement sur une splendide excursion réalisée, début octobre, dans la région de Tofino.

Tofino (cochée en orange ci-dessus) est l’un des joyaux de la côte ouest de l’île de Vancouver. On peut désormais rejoindre sans voiture la petite ville (2500 habitants) grâce à une navette quotidienne depuis Vancouver, Victoria ou Nanaimo. Voir: https://tofinoexpressbus.com/ (Un minibus relie aussi Tofino au village de Ucluelet.) À proximité de Tofino, la plage Long Beach, ci-dessous…
… située dans le parc national Pacific Rim, au coeur du territoire Nuu-Chah-Nulth, peuple indigène de la Colombie-Britannique…
… établi depuis toujours dans cette région magnifique, classée par l’UNESCO comme une réserve de biosphère. Sur la côte, où croisent entre mars et novembre des baleines grises, des épaulards, à l’intérieur des terres et sur les îles qui émaillent la baie de Clayoquot…
… des arbres géants comme des cathédrales (ici à Meares Island), vieux de plus de 1500 ans,  cohabitent avec les peuples des Premières Nations dont la culture rayonne aujourd’hui dans les galeries d’art de la côte ouest et au-delà…
Masque de l’artiste Nuu-Chah-Nulth, Joe David (né en 1946, à Meares Island). « Fifty Winter Counts » (1996).

Pour ceux qui aiment les grands espaces et qui ne connaissent pas encore cette partie de la Colombie-Britannique, son immense patrimoine culturel autochtone, la région de Tofino est une destination incontournable!

Et vous pouvez laisser votre voiture à la maison.

Retour de Meares Island, au large de Tofino, le vendredi 3 octobre, et un peu plus tôt…
… lever du jour dans la baie de Clayoquot…

Pour le contexte, voir ci-dessous la répartition linguistique des trois principaux peuples indigènes de l’île de Vancouver.

Pour la nation Nuu-chah-nulth implantée sur la côte ouest de l’île, le statut de réserve de biosphère de la baie Clayoquot, conféré par l’UNESCO en 2000, leur permet de co-gérer une partie de la région avec le gouvernement, de limiter l’exploitation forestière et le développement d’un territoire qui a depuis des siècles une profonde signification spirituelle. Un pas supplémentaire dans le processus de « réconciliation » amorcé avec les peuples autochtones depuis une dizaine d’années…
Fin août, sur le sentier qui longe la plage Spanish Banks, à Vancouver.

Notes de lecture:

Alors que nous préparons un long voyage cet automne/hiver dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien (SVP voir plus bas notre itinéraire à La Réunion, à l’île Maurice et sur la petite île de Rodrigues), j’ai eu la chance de lire récemment trois ouvrages passionnants – deux romans et un essai – qui offrent chacun un regard différent sur l’Afrique.

Une Afrique – créole, indienne, chinoise, merveilleusement métissée dans ces îles de l’océan Indien – que nous avons bien hâte de découvrir!

Gaël Faye, Jacaranda – (Paris, 2024)

Après Petit Pays, publié en 2016, un autre immense succès de librairie pour Gaël Faye qui nous emmène, avec Jacaranda, au Rwanda – le pays où est née sa mère et où l’écrivain-musicien vit désormais avec sa femme et ses deux enfants.

Sur quatre générations, Jacaranda retrace l’histoire poignante d’une famille rwandaise confrontée avant, pendant et après le génocide de 1994 à l’histoire tumultueuse et sanglante d’un pays rongé par les rivalités, la haine et la violence entre Hutus et Tutsis.

Fils unique d’un couple fragile franco-rwandais, Milan, le personnage principal, essaie au fil des ans, entre Versailles où il grandit, Paris et Kigali, de décrypter le silence assourdissant de sa mère rwandaise qui refuse obstinément d’évoquer son passé devant lui.

Après le divorce de ses parents, Milan s’installe à Kigali, déterminé à percer le mutisme de sa mère et à comprendre enfin l’histoire de sa famille.

Entre Nyamirambo, un quartier populaire de la capitale, Butare, une ville du sud où vit sa grand-mère, et Kibuye, un lieu magique au bord du lac Kivu, Milan, accompagné de personnages attachants, captivants (Claude, Sartre, Eusébie, Stella) parvient peu à peu reconstituer le parcours déchirant de sa famille et les circonstances qui ont conduit sa mère à quitter le pays.

Un roman fabuleux. Malgré les épreuves, les tragédies vécues par la population, les récits parfois insoutenables des rescapés du génocide, Jacaranda, curieusement, donne envie de revoir le Rwanda. Un pays d’une immense beauté où j’ai eu le privilège de travailler pendant un an (2012-2013) comme conseiller pédagogique auprès d’un district scolaire situé à la frontière de l’Ouganda.

En rouge, le trajet effectué en bateau, en avril 2013, le long de la rive est du lac Kivu, entre Cyangugu et Kibuye, lors de ma mission au Rwanda. Voir texte et photos ici.
Un samedi matin en janvier 2013. Planification de la semaine de travail avec deux « mentors » (de l’Ouganda, à gauche, et de la Tanzanie, à droite) nouvellement recrutés afin d’épauler les enseignants francophones du district de Nyagatare (province de l’est). En 2008-2009, l’anglais a remplacé le français comme langue d’enseignement au Rwanda.

Dominique Barbéris, Une façon d’aimer – (Paris, 2023)

Quel talent! Voilà un roman qui commence doucement. Qui ronronne dans la banlieue de Nantes, au début des années 50, autour de Madeleine, une jeune femme timide menant, auprès de sa famille l’existence paisible, rangée, des enfants issus de la petite bourgeoisie.

Le roman s’envole brusquement lorsque Madeleine épouse Guy, un homme « sérieux », fidèle, négociant en bois – et part vivre avec son mari à Douala, au Cameroun.

Nous sommes en 1955. En marge des « événements » (politiques) qui secouent le Cameroun à la veille de l’indépendance, Madeleine découvre à Douala, au sein de la petite colonie d’expatriés français, un monde complètement nouveau, « un lieu d’intrigues » où tout le monde se connaît. « On se fréquentait, on dînait les uns chez les autres, on s’épiait. »

Malgré la naissance d’une fille, Sophie, Madeleine peine à s’intégrer à ce milieu d’exilés, et s’ennuie le soir chez elle, sur la terrasse, auprès de son mari.

Elle rencontre lors d’une fête, Yves Prigent, administrateur colonial et séduisant aventurier. Pendant plusieurs mois, ils se voient, furtivement, lors de promenades rapides, le long du fleuve Wouri, dans la chaleur moite de Douala. Rencontres hâtives, feutrées, pleines de promesses. Mais il n’y aura, finalement, entre Madeleine et Yves, pas de liaison. Seulement un goût d’inachevé. De ce qui aurait pu être.

J’ai adoré me promener dans la deuxième partie du roman dans « le Douala d’autrefois ». Le Doula colonial des années 50. Grâce à un travail magistral de recherche, le nom des rues, des commerces, l’atmosphère aux alentours du vieux port, du marché, sont brillamment évoqués. Ainsi que les événements politiques qui viennent bousculer puis torpiller la vie tranquille des étrangers et des colons français établis dans le pays.

Tout cela m’a rappelé bien des souvenirs! Notre famille ayant vécu, au cours des années 60, le même type de bouleversements, d’évacuations, au gré des affectations de mon père, médecin puis administrateur à l’OMS, muté entre 1961 et 1977 de Bukavu à Elisabethville (devenue Lubumbashi), de Lomé, à Lagos, à Kinshasa…

« Une façon d’aimer » a remporté en 2023 le Grand prix du roman de l’Académie française. Magnifiques heures de lecture…

Mon père, debout à droite, avec quatre de ses collègues de l’OMS/l’ONU à Bukavu, dans la province du Kivu, au Congo, en 1962. Le Congo (aujourd’hui la RDC ) a obtenu son indépendance de la Belgique deux ans plus tôt. Ma mère, ma soeur, mes deux frères et moi rejoindrons mon père à Bukavu quelques mois plus tard…

Nanjala Nyabola, Travelling While Black – (Londres, 2020)

Une excellente recommandation de mon ami Tommy qui vit, depuis plus de quarante ans, entre la Toscane et le Kenya.

Et un titre qui m’a bien sûr immédiatement interpellé.

Essayiste, activiste, analyste politique basée à Nairobi,  Nanjala Nyabola est l’une des figures d’une nouvelle génération d’intellectuels africains qui refuse de se laisser enfermer dans les vieux discours et les faux compromis de l’époque coloniale.

Diplômée d’Oxford (études africaines) et de Harvard (en droit), conférencière ayant voyagé dans plus de 70 pays, elle partage ici ses réflexions sur quelques enjeux actuels clés – l’identité, la mobilité, le sentiment d’appartenance (« belonging ») – et sur la réalité complexe de notre époque, marquée par la tragique migration de populations pauvres, souvent persécutées, systématiquement stigmatisées aux frontières.

Il est beaucoup question de mobilité dans cet ouvrage. De la tyrannie des visas dont le principe, rappelle-t-elle, est d’exclure (ou de réduire) la présence de ressortissants des pays du Sud dans l’espace européen ou nord-américain. – À la « puissance » des passeports, déterminée en fonction du nombre de destinations accessibles sans visa préalable (pays en tête de liste en 2025: Singapour, la Corée du Sud, le Japon, les pays de l’UE…)

L’Afrique n’est pas non plus épargnée dans ce nouvel environnement hostile aux étrangers. Nanjala Byabola dénonce l’intolérance et la violence des Sud-Africains, des Tunisiens (entre autres) envers d’autres populations africaines venues chercher, chez eux, un asile temporaire ou un travail.

Féministe revendiquée, Nanjala Nyabola constate enfin la réaction mitigée que provoque encore une femme noire qui voyage régulièrement, comme elle, sans être « accompagnée ». Aux frontières, devant les autorités, munie de son passeport kényan, un mélange de surprise, d’incompréhension, de méfiance et, parfois, d’hostilité.

Le livre fourmille d’anecdotes, d’expériences vécues – en Haïti, au Burkina Faso, au Kenya, au Népal, au Botswana, aux États-Unis. Un superbe essai. Qui donne la parole à un continent, à des voix, à des sensibilités que l’on entend pas assez. Merci, Tommy!

Nanjala Nyabola

Retour en Colombie-Britannique…

Après plusieurs années de travaux, notre rue (ici en juillet-août) dans le quartier Mount Pleasant de Vancouver a été complètement transformée…
… métamorphosée en voie verte et piste cyclable. Un rêve devenu réalité pour les résidents du quartier. Cette nouvelle voie verte permet de récupérer et de canaliser l’eau de pluie, précieuse, abondante à Vancouver, afin d’irriguer la végétation et empêcher les inondations.

Nous partons donc dans quelques semaines pour l’océan Indien. Un voyage de deux mois. (Diana retournera peut-être à Calgary, auprès de sa famille, un peu plus tôt). Dans une région que nous ne connaissons pas et que nous avons hâte de découvrir, comme la Polynésie française en 2022, avec respect, humilité, en prenant tout notre temps.

À l’est de Madagascar, dans l’archipel des Mascareignes, nos trois haltes dans le sud-ouest de l’océan Indien: La Réunion, l’île Maurice et la petite île de Rodrigues, dépendante de Maurice. Au nord, au large de la Tanzanie, l’île de Zanzibar, visitée en 2012.

Nous nous arrêterons, grosso modo, deux à trois semaines dans chacune de ces trois îles, selon l’itinéraire suivant.

1 – La Réunion

18-20  novembre = Vancouver – Paris – Saint-Denis

20 – 25 novembre = Saint-Denis

25 novembre – 5 décembre = Saint-Pierre (au sud de l’île).

5 -13 décembre = Cilaos, environ 1200 mètres d’altitude, dans « les Hauts » (les montagnes) au coeur de La Réunion.

2 – Île Maurice A

13 – 19 décembre = Mahébourg, au sud-est de l’île, une des régions les moins développées de Maurice.

3 -Rodrigues 

19-23 décembre = Jeantec, près de Port Mathurin, le bourg principal de l’île.

23 décembre – 4 janvier = Saint-François (hameau, près de la plage, au nord-est de Rodrigues)

4 – Île Maurice B

4 – 10 janvier = Pointe-aux-Sables (faubourg du sud de la capitale, Port-Louis).

11 -12 Janvier = Mahébourg – Paris – Vancouver

Gâteau d’anniversaire pour célébrer, à Calgary, en Alberta, les 90 ans du papa de Diana, le samedi 27 septembre. 80 convives réunis autour d’un homme exceptionnel… et d’un magnifique buffet!

Un dernier mot. Merci à tous ceux qui m’ont si gentiment écrit pour avoir des nouvelles depuis mon retrait, en juin, du Chemin de Stevenson.

Mon genou gauche va beaucoup mieux.

Un retour sur le GR 70 est toujours au programme ce printemps. Départ prévu, de Langogne (Lozère), le 3 mai.

Bel automne à tous!

 

 

10 réflexions sur « Voyage dans l’océan Indien & notes de lecture #4 »

  1. Bonjour Diana et Max, comme toujours j’ai hate de lire ton blog et de partager vos decouvertes! Merci pour les conseils de lecture et le topo allechant sur Tofino et l ‘ouest sauvage de l’ile de Vancouver; profitez a fond!!!

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  2. Cette récente publication, Max, pleine d’information passionnante de divers sujets apporte encore une fois un témoignage de ton esprit curieux vis-à vis des autres et de la vie en général. Te suivre à la découverte de votre nouveau voyage est une perspective tout à fait unique que j’ai bien hâte de partager en te lisant.

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    1. Oui, j’ai lu « Jacaranda » de Gaël Faye que je pense t’avoir recommandé. Je recommande aussi « Petit pays » du même auteur, livre au sujet semblable, mais encore plus poignant que « Jacaranda ». Je te contacte prochainement.

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    2. Merci Florence! J’ai lu, dévoré « Petit Pays » dès sa sortie et c’est un chef d’oeuvre, on est bien d’accord. Mais, avec le recul j’ai préféré « Jacaranda » parce que l’écriture de Gaël Faye a mûri, c’est un jeune adulte puis un homme qui parle (dans les derniers chapitres) et qui visite des lieux absolument splendides que j’ai parcourus en 2012-2013 en particulier Kibuye, au bord du lac Kivu. Un endroit inoubliable. Malgré les massacres qui ont eu lieu là-bas. C’est aussi cela le Rwanda, le beau et le (très) laid, mélangés. On se revoit sans faute avant notre départ le 18 novembre.

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    1. Merci beaucoup Alix et bon retour à Montréal! Nous partagerons autant d’infos que possible sur cette région que vous songez aussi à visiter semble-t-il. Nos deux seuls soucis pour le voyage restent a) le chikungunya b) la saison des cyclones
      Portez-vous bien!… J’attends Alix tes recommandations de lecture!

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  3. Chouette Max, another grand adventure awaits you and Diana – only a few more weeks!

    Very opportune selection of anticipatory readings to deepen your experience.

    Great vintage photo – you resemble your father.

    Until the next blog…

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    1. Thank you so much, dear A. It would be great to have you with us experience this far-away part of the world, its history, cuisine, mix of cultures, music. It will be so interesting to « dip » into the cultures of these 3 islands… We’ll share as much as possible in the blog and when we return. À bientôt.

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