

Pas facile après deux mois en Polynésie française de retrouver, entre janvier et mars, le temps gris et pluvieux de la côte ouest!
Heureusement, le printemps est de retour à Vancouver!

Avec l’arrivée des beaux jours, coup d’oeil dans le rétroviseur afin d’évoquer quelques-uns des livres qui m’ont accompagné ces derniers mois.
Jean-Marie Le Clézio, Identité nomade – (Paris, 2024)

Alors que nous planifions l’hiver prochain un long voyage à La Réunion, à l’Île Maurice et, surtout, à Rodrigues (voir la carte ci-dessous), Diana a eu la bonne idée de ramener à la maison un ouvrage tout récent, un recueil de réflexions, de Jean-Marie Le Clézio, dont la famille a longtemps vécu à Maurice.

Le prix Nobel de littérature (2008) revient ici sur les lieux, les événements, les rencontres qui ont marqué sa jeunesse et façonné son identité hybride. L’écrivain nous offre, en prime, plusieurs parenthèses sur l’œuvre et la pensée d’auteurs, souvent peu connus, venus d’horizons différents: de la Corée, du Mexique, du Vietnam, du Maghreb, de Maurice et d’ailleurs. Récit d’un parcours résolument atypique.
Né à Nice où il grandit pendant la guerre, J.M. Le Clézio va rejoindre, à huit ans, au Nigéria, son père, médecin de l’armée coloniale britannique. Séjour déterminant. L’enfant découvre en Afrique, émerveillé, un autre monde. Il en revient transformé. « J’ai pensé que je ne reviendrai jamais en France », écrit-il. « Nous pouvions aller pieds nus, courir dans la forêt, dans la savane, c’était enivrant… »
Après ses études, le jeune homme part en Thaïlande accomplir, comme coopérant, son service militaire. Incident diplomatique. Il est expulsé du pays pour avoir publiquement dénoncé le tourisme sexuel. Muté au Mexique, il part vivre, plus tard, quatre ans, au Panama, auprès de peuples amérindiens. « Encore aujourd’hui », confie-t-il, « je ne sais pas qui je suis (…) Je suis un composé de plusieurs identités… »
Dans ce petit livre, mi-autobiographie, mi-testament littéraire, parfois écrit, semble-t-il, au début, pour de jeunes lecteurs, il est aussi beaucoup question du Maroc. De son histoire, de sa littérature. De Marrakech et de la splendeur du grand Sud marocain, d’où est originaire la deuxième épouse de l’écrivain.
« Il faut bouger pour apprendre », écrit J.M Le Clézio qui évoque avec regret, dans les dernières pages du récit, l’île Maurice où « trois groupes humains se côtoient mais ne se rencontrent pratiquement jamais. Ce sont les descendants d’Européens dont je fais partie, les descendants d’Indiens et les descendants d’Africains (les Créoles). Ils ne se marient pratiquement jamais entre eux. Mais l’école est (heureusement) un moyen de rencontre… »
Afin de combattre cette ségrégation, l’écrivain à créé, avec d’autres, à Maurice et Rodrigues, une Fondation pour l’interculturel et la paix. La FIP.
Nous avons bien hâte, dans quelques mois, d’aller observer tout cela de plus près. – Si nous avons le feu vert des autorités médicales.
Chantal Spitz, L’île des rêves écrasés – (Papeete, 1991)

En un mot comme en mille, un chef d’œuvre, signé Chantal Spitz.
L’une des grandes plumes de la littérature francophone, malheureusement encore trop peu connue.
Chantal Spitz, née à Tahiti, profondément polynésienne, ma’ohi, que j’ai eu l’immense privilège de rencontrer, en 2022, sur l’île de Huahine, aux Îles Sous-le-Vent, où elle vit, près des siens.

Inspiré de faits historiques, le roman raconte l’histoire bouleversante d’une famille ma’ohi implantée depuis des générations sur un « motu » (bande de sable coralien) de l’île de Ruahine en Polynésie française. La famille, viscéralement attachée aux traditions du Fenua, la terre des ancêtres, vit en harmonie, dans le respect de la nature. Un matin, les villageois apprennent à la radio, avec effroi, que la France va construire sur leur île une base militaire afin d’y réaliser un série d’essais nucléaires. Deux mondes se percutent. Pour la communauté ma’ohi, c’est une tragédie.
Sans débat ni négociation, le « motu » est rasé et la population expropriée vers le village voisin, Maeva. La base, terminée en quelques mois, est bientôt inaugurée par le « Général-Président » (De Gaulle) venu en grande pompe observer à Ruahine le déroulement des premiers essais. Au mépris de la mémoire, des principes de tout un peuple.
Parallèlement à ces deux mondes qui s’afrontent, le roman est aussi un chant d’amour entre des personnages – Terii, enfant du pays et Laura, ingénieure française, bardée de diplômes – que tout oppose et qui pourtant s’aiment. Passionnément. Un chant d’amour à la culture ancestrale, à « la langue de la terre, de la mer, de la lune et des étoiles » du Fenua.
Très critiqué par les autorités et les « Popa’a » (étrangers de race blanche établis en Polynésie) dès sa parution, en 1991, le récit dénonce courageusement la duplicité et l’hypocrisie d’un monde politique censé protéger la population. Le texte, au fil des ans, est devenu un véritable plaidoyer pour l’autonomie et l’indépendance du Territoire.
« Si tu veux que nous connaissions notre histoire », explique Terii à sa soeur, Tetiare, à la fin du roman « fais un livre que nous lirons. Tout ce que nous lisons a été écrit par des étrangers. On en arrive presque à croire qu’on est vraiment comme ils nous décrivent, alors que tu sais bien qu’ils n’ont rien compris. Un véritable lavage de cerveau. Il est temps d’écrire notre histoire vue par nous-mêmes. »
Voilà qui est fait.
Seul regret, pour moi: ne pas avoir lu cet ouvrage plus tôt, avant notre premier voyage en Polynésie française.
Avec « Mutismes » de Titaua Peu, « L’île des rêves écrasés » est, selon moi, LE livre qu’il faut lire afin de mieux comprendre l’éclatante beauté, la générosité de l’âme polynésienne. Mais aussi sa complexité et les maux qui la rongent. Le roman a été récemment réédité « Au Vent des îles » (Papeete).




Carol Off, At A Loss For Words, Conversation in an Age of Rage – (Toronto, 2023)

Un essai magistral qui met en lumière les failles du monde politique actuel: agité, imprévisible, hyper-partisan, inédit à bien des égards. Et l’impact tragique de ce désordre sur nos institutions.
Comment expliquer, écrit Carol Off, que dans le débat public aujourd’hui, très souvent, à gauche comme à droite, les citoyens, les électeurs, les gens « ordinaires », dans leurs conversations ou sur les réseaux sociaux, crient, hurlent, vocifèrent et condamnent sans appel leurs adversaires politiques sans vraiment prêter attention aux idées avancées ni aux arguments présentés?
Comment en sommes-nous arrivés là?
Animatrice, entre 2006 et 2022, de la très populaire émission « As It Happens » diffusée sur les ondes de CBC Radio (le réseau anglais de Radio-Canada), Carol Off se penche dans ce remarquable ouvrage sur six concepts-clés qui ont, longtemps, défini nos démocraties: Liberté, Vérité, Démocratie, Choix, Justice, Impôts.
Chacun des chapitres du livre est consacré à l’un de ces concepts. À son histoire, à son sens, à son interprétation (devant les tribunaux notamment). Notions fondamentales sur lesquelles reposent les gouvernements légalement élus.
Ces notions, malheureusement, écrit Carol Off, sont aujourd’hui galvaudées, vidées de leur sens, subtilisées et détournées (souvent via les réseaux sociaux) par les extrêmes.
Grâce à un monumental travail de recherche, l’auteur analyse le minutieux travail de sape qu’on mené, pendant des années, contre les institutions, des personnages autrefois célèbres: Charles Lindbergh (l’aviateur), James Buchanan (économiste), Charles Koch (industriel) et d’autres.
Leurs cibles? L’école publique, le droit de vote, l’égalité devant la justice, l’accès à l’avortement, la liberté de la presse, une plus juste redistribution des richesses…
Des acquis, partout, difficilement obtenus et qui, peu à peu, disparaissent. Sous nos yeux. Dans de nombreux pays. Y compris aux États-Unis.
Carol Off ne cache pas ses convictions. C’est l’idéologie de l’extrême droite américaine, complètement décomplexée aujourd’hui, qui est visée ici.
Une idéologie de nantis, écrit-elle, personnifiée par le locataire de la Maison-Blanche, une idéologie qui accuse et diabolise les plus faibles, les immigrants, les femmes, les minorités – « the underserving others ».
Nantis qui, grâce à leur fortune, à leurs appuis, luttent bec et ongles, contre ce qu’ils jugent être « la tyrannie de la majorité. »
Un livre qui tombe à pic. Et qui, vu le contexte politique actuel, m’a rappelé un ancien proverbe turc: « Si un clown emménage dans un palais, il ne devient pas roi, le palais devient un cirque »…

Omar Youssef Souleimane, Une chambre en exil – (Paris 2023)

Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de lire un roman, écrit en français, par un auteur d’origine syrienne. C’est le cas ici.
Déchiré, dans la banlieue de Damas, entre une famille traditionnelle qui vénère le Coran et sa découverte, dans une librairie de sa ville, des poèmes de Paul Éluard (traduits en arabe), Omar Youssef Souleimane quitte clandestinement la Syrie en 2012 pour la France où il est accueilli, à 25 ans, comme réfugié. Il se met très vite à apprendre la langue.
Ayant, en Syrie, publié quelques poèmes et travaillé comme journaliste, le jeune écrivain est bientôt publié en France.
« Une chambre en exil », son deuxième roman, est la chronique de son intégration dans un pays, dans une culture dont il ignore (à part Paul Eluard, Louise Michel, Boris Vian, Jacques Prévert) à peu près tout.
Installé dans une modeste chambre à Bobigny, en banlieue de Paris, le jeune homme observe et commente la vie quotidienne de son quartier « dépourvu de librairie ».
Entre ses rendez-vous à la préfecture, pour une démarche de naturalisation, et les tasses de café qu’il avale dans le bistrot près de chez lui, il apprend à mieux connaître son nouvel environnement. Et à l’apprécier. Une liaison avec une voisine, Violette, facilitera son intégration.
On parle beaucoup d’immigration ces jours-ci, au Québec, en France, aux États-Unis. Malheureusement, lorsqu’on parle d’immigration, dans les médias, c’est souvent la voix des gouvernements, des dirigeants, des puissants, qu’on entend.
On entend les ministres devant les micros énumérer des chiffres, des statistiques. Ils parlent de « quotas ». Mentionnent « des seuils de tolérance ».
« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » répètent en choeur les politiciens, des deux côtés de l’Atlantique.
On entend beaucoup moins la voix des immigrants eux-mêmes. Leur histoire. Les circonstances qui les ont menés à quitter leur domicile, leur ville, leur pays, leur famille.
Un roman comme « Une chambre en exil » contribue à nuancer, à changer peut-être la conversation. À modifier les opinions toutes faites. Aide aussi à rectifier le regard qu’on porte, souvent trop vite, sur l’immigration.

Et les voyages?
Nous partons le 11 mai pour la France et l’Italie.
Au programme, dans un premier temps, retrouvailles et promenades avec des amis, à Paris. Aux Buttes-Chaumont. Au marché d’Aligre. Dans les petites rues tranquilles du 20è arrondissement. À Notre-Dame peut-être.
Puis, séjour en Toscane où nous passerons une semaine à Florence. Avant d’aller rejoindre plus au sud, chez lui, près de Cortona, mon ancien camarade de lycée, Tommy, revu à Paris l’an dernier.
Diana regagnera ensuite Calgary.
De mon côté, en juin, je débuterai, de Perpignan, la première de deux longues randonnées dans le sud-ouest de la France.
La première (6 jours de marche) m’emmènera vers Collioure puis, en franchissant les Pyrénées, vers l’Espagne.

La deuxième randonnée – 13 jours de marche, 4 jours de repos – me conduira sur « Le Chemin de Stevenson« , le GR 70, un sentier d’environ 240 kms qui relie Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) à Saint-Jean-du-Gard (Gard).

En espérant que mon genou gauche, abîmé récemment par des parties de squash très disputées, tienne le coup!
Un grand merci à notre amie Cristiane pour ces deux recommandations de randonnées qu’elle a elle-même déjà réalisées.
Au grand plaisir Christiane de te revoir bientôt à Paris!
Retour à Vancouver le 6 juillet.
Bon printemps à tous!
Max, quel résumé très prenant de ce que tu as vécu dernièrement et ce qui t’attend en France. Je lirai tes compte-rendu de livres plus tard pour pouvoir t’envoyer ce petit message avant mon départ pour 48 heures sur l’île Gambier pour faire du bénévolat pour le Camp Fircom. On n’oublie pas ton appel du 28 avril pour m’annoncer le résultat des élections et notre journée 70e le 14 juillet durant laquelle tu pourras me raconter tes exploits de randonnées en France! À notre amitié pour qu’elle continue à perdurer!
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Je t’appelle sans faute Florence, lundi soir, une fois les résultats connus. En espérant une défaite cinglante du parti conservateur. Comment cela s’est passé à l’île Gambier? A+
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Je pars cet après-midi pour Gambier, au Camp Fircom, pour 48 heures. Enfin du silence… On se parle lundi soir. Merci.!
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Merci pour ces conseils de lecture. Je vais lire tes articles à venir avec plaisir.
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Merci beaucoup, Alix. Je t’appelle avant notre départ. Je t’encourage aussi à partager ici quelques-uns des livres/romans que tu as aimés récemment. Ce serait sympa d’entendre ton son de cloche. Bon retour à Montréal!
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Bonjour Max,
Merci pour tes notes de lecture. J’essaierai de trouver les livres que tu mentionnes.
Je pars aujourd’hui de Fort-de-France pour Montréal. Je serai de retour à Vancouver demain.
Si Diana et toi avez quelques minutes de temps libre, j’aimerais beaucoup vous rencontrer au café de l’Alliance française avant votre départ pour la France.
Au plaisir de se voir prochainement,
Josiane
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Bonjour Josiane, Fort-de-France, chanceuse! Avec grand plaisir pour le café à l’Alliance Française. Nous avons bien hâte d’écouter tes aventures! A+
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