






Après cinq semaines passées aux îles de la Société et dans l’archipel des Tuamotu, changement complet de décor et d’atmosphère en arrivant aux Marquises!
Presque tout est différent ici. Le climat, plus chaud et sec. La langue, on parle dans l’archipel le Marquisien. La faune. La flore. L’artisanat. Même le fuseau horaire diffère. Lorsqu’il est midi à Tahiti, il est midi trente à Nuku Hiva.



« Il n’a pas plu ici depuis deux mois », nous annonce Jérôme dans la petite camionnette qui nous emmène, le 16 décembre, de l’aéroport vers notre pension, à Taiohae, tout au sud de l’île.
Nous sommes six à bord, descendus quelques minutes plus tôt du vol d’Air Tahiti qui relie tôt le matin Papeete à Nuku Hiva (3h15 de vol).
Il est 10h30. Il fait déjà près de 30 degrés.
Jérôme, la trentaine, est enseignant et directeur d’une école primaire à Taiohae. Il revient d’une formation de trois jours à Papeete. Il est heureux et « fier » d’être de retour « sur son île » qu’il connaît comme sa poche. Son père, Justin, est au volant.
Dans la camionnette, Jérôme partage généreusement informations et opinions sur les îles de l’archipel. Qu’il a pratiquement toutes visitées.
Encore un peu étourdis par le voyage, nous l’écoutons attentivement.
Il nous parle d’abord de Gauguin (décédé à Hiva Oa). « On ne l’aime pas beaucoup aux Marquises, à cause de ses positions anticléricales. Les églises ici jouent un rôle important dans la communauté. On les respecte. »
Jérôme nous parle ensuite du drame des familles marquisiennes qui voient s’éloigner leurs enfants après la classe de Troisième (Grade 9) au collège. Il n’y a dans l’archipel qu’un ou deux lycées agricoles ou techniques. Pour poursuivre leurs études au-delà de la Troisième, pour décrocher un Bac (scientifique ou littéraire), les élèves doivent aller à Raiatea ou à Papeete. Où ils sont, pendant trois longues années (hors vacances scolaires), privés de leurs familles.
Les déplacements et les frais d’internat à Raiatea ou à Tahiti sont pris en charge par le gouvernement. Chaque étudiant a droit, pendant sa scolarité au lycée, à deux allers-retours par an (à Noël et en juillet) entre Tahiti ou Raiatea et son île de résidence aux Marquises.
(Le même dispositif est en place pour les étudiants vivant aux Îles Sous-le Vent ou dans les Tuamotu. Dans les deux cas, les élèves ont aussi le choix de poursuivre leur scolarité, au-delà de la Troisième, dans un lycée à Raiatea ou à Papeete.)
A mes côtés dans la camionnette, un autre résident de l’île, Philippe, originaire de Levallois-Perret, en région parisienne. Philippe travaille « dans la Santé » et habite Nuku Hiva depuis 28 ans. Il ne se voit plus vivre ailleurs. « C’est chez moi ici maintenant. »
A l’extérieur, sous un grand ciel bleu, des montagnes majestueuses, arides, surplombent une piste étroite, récemment goudronnée. Peu de véhicules sur la route.
Entre deux virages, on aperçoit, au bord du chemin, un troupeau de chevaux en semi-liberté…
« Mave Mai » à Nuku Hiva!

Il nous faudra plus d’une heure et demie pour rejoindre, de l’aéroport, notre pension, à Taiohae.


À première vue – pour ceux qui connaissent le village de Masset, situé au nord de l’île Graham, dans l’archipel Haïda Gwaïï, au large de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique – Taoihae a quelque chose de familier.
Mêmes plages de sable noir. Même atmosphère languide dans les rues. Même sentiment d’être ici au bout du monde. Mêmes visages surtout, des anciens, marqués par une histoire douloureuse.
Ce qui s’est passé ici, aux Marquises, doit être rappelé.
Dès l’annexation de l’archipel par les autorités françaises en 1842, la culture marquisienne est rapidement marginalisée, dévalorisée.
La langue marquisienne est interdite. Par les missionnaires catholiques d’abord puis par l’administration coloniale. Très vite, les danses, les chants traditionnels, les tatouages sont à leur tour interdits dans l’archipel. Toute la culture d’un peuple périclite, dépérit.
Les étrangers amènent également avec eux les maladies, l’alcool, la syphilis, les armes à feu. La population est anéantie. Avant l’arrivée des européens aux Marquises, on estime la population de l’archipel à entre 80 000 et 100 000 habitants. Ils ne sont plus que 18 000 en 1842, 5 246 au recensement de 1887 et seulement 2 080 en 1926. Une hécatombe.
Heureusement, le vent, bientôt, tourne. Depuis une cinquantaine d’années, aidés par une forte natalité, les Marquisiens se sont peu à peu réappropriés leur langue et leur culture. Le Marquisien est maintenant enseigné à l’école, diffusé dans les médias, parlé dans les commerces.
L’art marquisien (tatouages, sculptures, chants, danses) est aujourd’hui en plein essor. Tous les quatre ans a lieu sur l’une des îles de l’archipel un grand festival des Arts.

Réveil à l’aube le mardi 20 décembre…






C’est une façon bien particulière de voyager. Ce n’est pas la nôtre.
Quels contacts véritables les passagers de l’Aranui 5 auront-ils, en quelques heures, avec la population?





En compagnie de Kelly, notre guide, née à Taiohae, et de deux jeunes femmes, logées à notre pension, grande excursion le vendredi 23 décembre autour de Niku Hiva. Objectif: la visite des « trois vallées » situées sur la côte est de l’ile: la vallée de Taipivai, la vallée de Hatiheu et la vallée Aakapa, cette dernière sise non loin de l’aéroport. (SVP voir la carte plus haut)


Après une heure de route, au milieu de paysages spectaculaires, nous arrivons sur une crête qui surplombe le village de Hatiheu (200 habitants)



Passage obligé à Hatiheu par le restaurant « Chez Yvonne » où nous nous régalons…


Nous quittons Nuku Hiva lundi matin pour Hiva Oa. Un vol d’une quarantaine de minutes.
Il nous sera difficile de quitter cette belle et grande île sauvage des Marquises!
Les gens ici comme partout où nous sommes passés en Polynésie ont été si accueillants!
Vaie Nui! Vaie Nui! (Merci! Merci!)


Notre voyage en Polynésie française malheureusement tire à sa fin.
Faut-il déjà rentrer?

Avant de quitter Nuku Hiva, nous sommes allés tôt ce matin, samedi 24 décembre, faire un dernier tour au « petit quai » de Taiohae.
Nous vous laissons avec quelques images de ce village paisible des Marquises où tout le monde se connaît. Et où chacun oeuvre, semble-t-il, sereinement, au bien-être de la communauté.




JOYEUX NOËL À TOUS!