Je me suis toujours senti un peu chez moi dans les quartiers de l’est parisien, aux alentours du « village » Jourdain, aux Buttes Chaumont, dans les petites rues près de la place Gambetta, sur les hauteurs de Belleville ou Ménilmontant, dans le secteur de Saint-Blaise ou celui du Père-Lachaise…
Rue de Belleville, Paris, le lundi 12 mai.
Dans tous ces quartiers, je me sens bien. On y parle ma langue, mêlée à d’autres. Il y a des parcs paisibles où je passe une heure, un livre à la main, au milieu d’allées tranquilles. Avant de reprendre mes promenades dans Paris. L’oreille aux aguets.
Dans les rues, les boutiques animées de ces quartiers, Diana et moi passons à peu près inaperçus. Tant le métissage, le mélange des cultures, des cœurs, des épidermes, est partout visible. Nous sommes un peu à la maison ici. Nous pouvons choisir, le midi, de manger au Maroc ou au Vietnam. En Chine ou en Éthiopie. En Inde ou au Sénégal.
Au milieu des étals, des épices, des marmites brûlantes, les accents du monde entier nous accompagnent.
Au marché Belleville, le vendredi 16 mai et, ci-dessous, un peu plus tard, le même jour…… au marché de la Place des Fêtes, dans le 19è arrondissement…
Quel plaisir, dans cet environnement, de revoir, à Paris, des amis qui nous sont chers !
Après avoir arpenté les côtes de Belleville et de Ménilmontant, pause café avec notre amie Christiane, rue des Envierges, le mardi 13 mai, avant d’aller partager…… un repas traditionnel éthiopien, rue des Pyrénées…
Cela a été un immense bonheur de revoir Christiane avec qui j’ai eu le privilège de travailler, en 2012-2013, au sein d’une ONG canadienne, au Rwanda.
Merci infiniment d’être venue nous voir, Christiane! À bientôt!
Chaleureuses retrouvailles également, le lendemain, le mercredi 14 mai, avec un couple intrépide et talentueux, rencontré il y a deux ans sur la petite île de Tubuai, dans l’archipel des Australes, en Polynésie française.
Conversation à bâtons rompus avec Agnès et Serge dans un café du marché d’Aligre, dans le 12è arrondissement, le mardi 14 mai.
Presque toujours en mouvement, Agnès et Serge parcourent le monde avec curiosité et clairvoyance.
Ils nous avaient préparé ce jour-là une merveilleuse surprise: une chasse au trésor dans le quartier de la Bastille autour d’anciens ateliers et de passages secrets.
Entre le bassin de l’Arsenal, la rue de la Roquette et la rue de Charonne, quelle aventure! Nous ne connaissions pas bien le quartier et nous avons beaucoup appris!
Agnès et Diana, dans le 11è arrondissement, près de la place de la Bastille, le mercredi 14 mai.
Agnès et Serge nous ont aussi guidés, dans le même quartier, vers un lieu magique que je rêvais depuis longtemps d’explorer: « la Coulée Verte », une promenade magnifique, verdoyante, aménagée en hauteur sur l’ancienne voie ferrée qui reliait autrefois le bois de Vincennes et la Bastille. Quelle belle découverte!
(Note: « La Coulée Verte », construite en 1993, a inspiré la « High Line », érigée à New York, à Manhattan, dans le secteur de Chelsea.)
À notre tour, le lendemain, d’accompagner nos amis dans le quartier de Belleville…
Dans une des petites cours fleuries de Belleville, rue de La Villette, le jeudi 15 mai
… où a lieu, chaque printemps, un splendide événement: les portes ouvertes des ateliers d’artistes de Belleville.
Pendant quatre jours, les peintres, les sculpteurs, les artisans du quartier ouvrent leurs studios au public afin de partager leur talent et leurs oeuvres.
Nous avons vu de très belles créations, des tableaux, des bijoux, des bustes en bronze, des carnets de voyages peints à l’aquarelle.
Fabuleux moments d’échanges et de convivialité. Qui nous ont aussi permis de mesurer toute la précarité dans laquelle vivent la plupart de ces artistes – les espaces de création à Belleville (comme dans les autres quartiers de Paris) étant de plus en plus rares et onéreux.
Diana, le jeudi 16 mai, dans l’atelier de Françoise Grasser, rue des Envierges et, ci-dessous…… rue Julien Lacroix, en compagnie du peintre Pierre Simona, né au Caire, devant une toile intitulée « l’Arbre de la Vie ». Le peintre a ensuite demandé, conquis, la permission d’esquisser le portrait de Diana. Voeu accordé.Rue de La Villette, à Belleville, le jeudi 15 mai.
Autre moment fort de notre séjour à Paris: la visite, le vendredi 16 mai, de la cathédrale Notre-Dame qui vient de rouvrir ses portes après cinq ans de travaux.
Vu le nombre considérable de visiteurs attendus cette année à Notre-Dame, il vaut mieux réserver en ligne son créneau de visite. Infos: ici.Parisiens et touristes du monde entier se pressent le vendredi 16 mai à Notre-Dame, magnifiquement restaurée! La cathédrale a accueilli plus de 2 millions de visiteurs depuis sa réouverture le 7-8 décembre. Le diocèse anticipe désormais 15 millions de visiteurs par an, contre 11 à 12 millions avant l’incendie du 15 avril 2019.
Il faut déjà repartir…
Nous quittons Paris demain pour Florence et la Toscane où nous attend, à Cortona, fin mai, mon ami Tommy, camarade de classe au Collège Stanislas, à Montréal, au milieu des années 70.
D’autres chaleureuses retrouvailles en perspective!
Avant de partir, un immense MERCI encore une fois à Christiane, Agnès et Serge qui nous ont si gentiment rejoints à Paris!
Cela a été formidable de vous revoir!
À bientôt à tous les trois!
On vous embrasse!
Hareng fumé à l’huile et pommes de terres, boulevard de la Bastille, Paris 12è, le mercredi 14 mai.
Notes de lecture:
Jean-Marie Le Clézio, L’Africain – (Paris, 2004)
Un portrait poignant du père de Jean-Marie Le Clézio, médecin itinérant, affecté par le ministère britannique des colonies, entre 1926 et le début des années 50, en Guyane anglaise, puis au Cameroun et au Nigéria. Une carrière de plus de 20 ans. Accomplie bien avant l’indépendance de ces territoires. Dans des conditions souvent pénibles. Difficiles à comprendre aujourd’hui.
Que se cache-t-il derrière ce parcours étonnant, insolite? Quelles circonstances l’ont mené là-bas, dans ces contrées lointaines?
Né dans un milieu bourgeois à l’île Maurice, le père de l’écrivain doit quitter l’île en 1919 dans des conditions tragiques: la faillite, la ruine de sa famille. Il est brusquement expulsé, à 22 ans, de la maison natale, située à Moka, un faubourg cossu de Port-Louis. Il doit gagner sa vie. Et part étudier, pendant sept ans, la médecine, à Londres. (L’île Maurice est encore à cette époque une colonie britannique). Il ne reviendra jamais à Maurice.
Diplôme en poche, il est nommé par le ministère des colonies médecin itinérant, en Guyane. Il a 29 ans. Ses missions, au début, sont passionnantes, exaltantes. À bord de pirogues, le jeune médecin « remonte les rivières, les fleuves de Guyane. » Il soigne ses patients.
Deux ans plus tard, en compagnie de sa femme, il arpente à cheval « les hautes terres du Cameroun puis les plaines du pays ibo », au Nigéria. Années heureuses, pleines de bonheur pour le couple. La guerre, malheureusement, survient. Son épouse, enceinte de Jean-Marie, se réfugie à Nice, auprès de ses parents. Voilà le médecin seul, coupé des siens, en Afrique.
Ce n’est qu’après la guerre que Jean-Marie Le Clézio rencontre, pour la première fois, son père, au Nigéria. « L’homme que j’ai rencontré en 1948, l’année de mes huit ans, était usé, vieilli prématurément… devenu irritable… rendu amer par la solitude et toutes ces années de guerre coupé du monde, sans nouvelles de sa famille… »
Le portrait que dresse l’écrivain de son père est déchirant. Portrait mêlé de respect et de crainte pour un personnage qui, à la retraite, à son retour en France « a gardé toutes les manies des anciens militaires », l’autorité, la discipline, les rituels (…) « il écoutait chaque soir, à sept heures, les informations de la BBC… »
Un père qui lègue aussi à son fils un héritage considérable: son amour inconditionnel de l’Afrique et « sa haine profonde du colonialisme ».
Héritage que célèbrera régulièrement l’écrivain dans ses livres. « C’est à l’Afrique que je veux revenir sans cesse, à ma mémoire d’enfant« , écrit-il dans les dernières pages du récit, « je me souviens de tout ce que j’ai reçu quand je suis arrivé pour la première fois en Afrique: une liberté si intense que cela me brûlait, m’enivrait » …
Un livre qui m’a tellement ému, touché, que je l’ai lu et relu, plusieurs fois, en quelques jours. Après une première lecture, bien trop rapide, il y a plusieurs années.
Sans aucun doute, mon livre préféré de J.M. Le Clézio. Parce qu’il me rappelle très fort l’aventure africaine de notre père, médecin puis administrateur en santé publique à l’OMS, qui lui aussi a passé de longues années, entre 1961 et 1978, à travailler au Congo (provinces du Kivu et du Katanga), au Togo (Lomé) puis au Nigéria (Lagos), au service de l’Afrique.
À deux pas de totems sculptés par les artisans Haida, Nisga’a et Nuu-chah-nulth, peuples autochtones de la Colombie-Britannique…… un petit groupe d’activistes est réuni autour d’un « feu sacré » (sacred fire) pour dénoncer la coupe d’arbres au parc Stanley, coupe qu’il jugent excessive. Selon la Ville de Vancouver, plus de 100 000 arbres seraient touchés par un insecte qui se nourrit d’espèces de conifères côtiers. Brockton Point (Vancouver), le samedi 22 mars. Infos supplémentaires sur cet abattage controversé: ici.
Pas facile après deux mois en Polynésiefrançaise de retrouver, entre janvier et mars, le temps gris et pluvieux de la côte ouest!
Heureusement, le printemps est de retour à Vancouver!
Cerisiers en fleurs au jardin traditionnel japonais Nitobe, situé sur le campus de l’université de la Colombie-Britannique, le mercredi 16 avril.
Avec l’arrivée des beaux jours, coup d’oeil dans le rétroviseur afin d’évoquer quelques-uns des livres qui m’ont accompagné ces derniers mois.
Jean-Marie Le Clézio, Identité nomade – (Paris, 2024)
Alors que nous planifions l’hiver prochain un long voyage à La Réunion, à l’Île Maurice et, surtout, à Rodrigues (voir la carte ci-dessous), Diana a eu la bonne idée de ramener à la maison un ouvrage tout récent, un recueil de réflexions, de Jean-Marie Le Clézio, dont la famille a longtemps vécu à Maurice.
Au large de Madagascar, dans l’océan indien, l’archipel des Mascareignes regroupe l’île de La Réunion, l’île Maurice et la petite île de Rodrigues. Notre objectif, entre novembre et janvier, est de passer environ 3 semaines sur chacune de ces 3 îles. Si la situation sanitaire le permet. La Réunion étant touchée en ce moment par une forte épidémie de chikungunya.
Le prix Nobel de littérature (2008) revient ici sur les lieux, les événements, les rencontres qui ont marqué sa jeunesse et façonné son identité hybride. L’écrivain nous offre, en prime, plusieurs parenthèses sur l’œuvre et la pensée d’auteurs, souvent peu connus, venus d’horizons différents: de la Corée, du Mexique, du Vietnam, du Maghreb, de Maurice et d’ailleurs. Récit d’un parcours résolument atypique.
Né à Nice où il grandit pendant la guerre, J.M. Le Clézio va rejoindre, à huit ans, au Nigéria, son père, médecin de l’armée coloniale britannique. Séjour déterminant. L’enfant découvre en Afrique, émerveillé, un autre monde. Il en revient transformé. « J’ai pensé que je ne reviendrai jamais en France », écrit-il. « Nous pouvions aller pieds nus, courir dans la forêt, dans la savane, c’était enivrant… »
Après ses études, le jeune homme part en Thaïlande accomplir, comme coopérant, son service militaire. Incident diplomatique. Il est expulsé du pays pour avoir publiquement dénoncé le tourisme sexuel. Muté au Mexique, il part vivre, plus tard, quatre ans, au Panama, auprès de peuples amérindiens. « Encore aujourd’hui », confie-t-il, « je ne sais pas qui je suis (…) Je suis un composé de plusieurs identités… »
Dans ce petit livre, mi-autobiographie, mi-testament littéraire, parfois écrit, semble-t-il, au début, pour de jeunes lecteurs, il est aussi beaucoup question du Maroc. De son histoire, de sa littérature. De Marrakech et de la splendeur du grand Sud marocain, d’où est originaire la deuxième épouse de l’écrivain.
« Il faut bouger pour apprendre », écrit J.M Le Clézio qui évoque avec regret, dans les dernières pages du récit, l’île Maurice où « trois groupes humains se côtoient mais ne se rencontrent pratiquement jamais. Ce sont les descendants d’Européens dont je fais partie, les descendants d’Indiens et les descendants d’Africains (les Créoles). Ils ne se marient pratiquement jamais entre eux. Mais l’école est (heureusement) un moyen de rencontre… »
Afin de combattre cette ségrégation, l’écrivain à créé, avec d’autres, à Maurice et Rodrigues, une Fondation pour l’interculturel et la paix. La FIP.
Nous avons bien hâte, dans quelques mois, d’aller observer tout cela de plus près. – Si nous avons le feu vert des autorités médicales.
Chantal Spitz, L’île des rêves écrasés – (Papeete, 1991)
En un mot comme en mille, un chef d’œuvre, signé Chantal Spitz.
L’une des grandes plumes de la littérature francophone, malheureusement encore trop peu connue.
Chantal Spitz, née à Tahiti, profondément polynésienne, ma’ohi, que j’ai eu l’immense privilège de rencontrer, en 2022, sur l’île de Huahine, aux Îles Sous-le-Vent, où elle vit, près des siens.
Chantal Sptiz (lunettes, cheveux blancs) lors d’une cérémonie au Salon du livre de Huahine, en novembre 2022.
Inspiré de faits historiques, le roman raconte l’histoire bouleversante d’une famille ma’ohi implantée depuis des générations sur un « motu » (bande de sable coralien) de l’île de Ruahine en Polynésie française. La famille, viscéralement attachée aux traditions du Fenua, la terre des ancêtres, vit en harmonie, dans le respect de la nature. Un matin, les villageois apprennent à la radio, avec effroi, que la France va construire sur leur île une base militaire afin d’y réaliser un série d’essais nucléaires. Deux mondes se percutent. Pour la communauté ma’ohi, c’est une tragédie.
Sans débat ni négociation, le « motu » est rasé et la population expropriée vers le village voisin, Maeva. La base, terminée en quelques mois, est bientôt inaugurée par le « Général-Président » (De Gaulle) venu en grande pompe observer à Ruahine le déroulement des premiers essais. Au mépris de la mémoire, des principes de tout un peuple.
Parallèlement à ces deux mondes qui s’afrontent, le roman est aussi un chant d’amour entre des personnages – Terii, enfant du pays et Laura, ingénieure française, bardée de diplômes – que tout oppose et qui pourtant s’aiment. Passionnément. Un chant d’amour à la culture ancestrale, à « la langue de la terre, de la mer, de la lune et des étoiles » du Fenua.
Très critiqué par les autorités et les « Popa’a » (étrangers de race blanche établis en Polynésie) dès sa parution, en 1991, le récit dénonce courageusement la duplicité et l’hypocrisie d’un monde politique censé protéger la population. Le texte, au fil des ans, est devenu un véritable plaidoyer pour l’autonomie et l’indépendance du Territoire.
« Si tu veux que nous connaissions notre histoire », explique Terii à sa soeur, Tetiare, à la fin du roman « fais un livre que nous lirons. Tout ce que nous lisons a été écrit par des étrangers. On en arrive presque à croire qu’on est vraiment comme ils nous décrivent, alors que tu sais bien qu’ils n’ont rien compris. Un véritable lavage de cerveau. Il est temps d’écrire notre histoire vue par nous-mêmes. »
Voilà qui est fait.
Seul regret, pour moi: ne pas avoir lu cet ouvrage plus tôt, avant notre premier voyage en Polynésie française.
Avec « Mutismes » de Titaua Peu, « L’île des rêves écrasés » est, selon moi, LE livre qu’il faut lire afin de mieux comprendre l’éclatante beauté, la générosité de l’âme polynésienne. Mais aussi sa complexité et les maux qui la rongent. Le roman a été récemment réédité « Au Vent des îles » (Papeete).
Dédicace de Chantal Spitz, Huahine, novembre 2022.Départ en hydravion de Vancouver pour Victoria, le lundi 14 avril…À l’intérieur de l’appareil, 14 places, toutes occupées. Surprise dans le cockpit: il n’y a qu’un pilote, une jeune femme, qui nous conduira, en 35 minutes, au-dessus de la mer des Salish (Salish Sea)…… jusqu’à Victoria, capitale de la province de la Colombie-Britannique où est situé le 2è plus ancien (1858) quartier chinois du continent, après celui de San Francisco. Plus de 3000 résidents d’origine chinoise vivaient ici autrefois. Ci-dessus, un musicien, à l’angle de Fisgard et Government St, perpétue le partage des mélodies traditionnelles. Victoria, le 14 avril.
Carol Off,At A Loss For Words, Conversation in an Age of Rage – (Toronto, 2023)
Un essai magistral qui met en lumière les failles du monde politique actuel: agité, imprévisible, hyper-partisan, inédit à bien des égards. Et l’impact tragique de ce désordre sur nos institutions.
Comment expliquer, écrit Carol Off, que dans le débat public aujourd’hui, très souvent, à gauche comme à droite, les citoyens, les électeurs, les gens « ordinaires », dans leurs conversations ou sur les réseaux sociaux, crient, hurlent, vocifèrent et condamnent sans appel leurs adversaires politiques sans vraiment prêter attention aux idées avancées ni aux arguments présentés?
Comment en sommes-nous arrivés là?
Animatrice, entre 2006 et 2022, de la très populaire émission « As It Happens » diffusée sur les ondes de CBC Radio (le réseau anglais de Radio-Canada), Carol Off se penche dans ce remarquable ouvrage sur six concepts-clés qui ont, longtemps, défini nos démocraties: Liberté, Vérité, Démocratie, Choix, Justice, Impôts.
Chacun des chapitres du livre est consacré à l’un de ces concepts. À son histoire, à son sens, à son interprétation (devant les tribunaux notamment). Notions fondamentales sur lesquelles reposent les gouvernements légalement élus.
Ces notions, malheureusement, écrit Carol Off, sont aujourd’hui galvaudées, vidées de leur sens, subtilisées et détournées (souvent via les réseaux sociaux) par les extrêmes.
Grâce à un monumental travail de recherche, l’auteur analyse le minutieux travail de sape qu’on mené, pendant des années, contre les institutions, des personnages autrefois célèbres: Charles Lindbergh (l’aviateur), James Buchanan (économiste), Charles Koch (industriel) et d’autres.
Leurs cibles? L’école publique, le droit de vote, l’égalité devant la justice, l’accès à l’avortement, la liberté de la presse, une plus juste redistribution des richesses…
Des acquis, partout, difficilement obtenus et qui, peu à peu, disparaissent. Sous nos yeux. Dans de nombreux pays. Y compris aux États-Unis.
Carol Off ne cache pas ses convictions. C’est l’idéologie de l’extrême droite américaine, complètement décomplexée aujourd’hui, qui est visée ici.
Une idéologie de nantis, écrit-elle, personnifiée par le locataire de la Maison-Blanche, une idéologie qui accuse et diabolise les plus faibles, les immigrants, les femmes, les minorités – « the underserving others ».
Nantis qui, grâce à leur fortune, à leurs appuis, luttent bec et ongles, contre ce qu’ils jugent être « la tyrannie de la majorité. »
Un livre qui tombe à pic. Et qui, vu le contexte politique actuel, m’a rappelé un ancien proverbe turc: « Si un clown emménage dans un palais, il ne devient pas roi, le palais devient un cirque »…
Home Sweet Home
Omar Youssef Souleimane, Une chambre en exil – (Paris 2023)
Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de lire un roman, écrit en français, par un auteur d’origine syrienne. C’est le cas ici.
Déchiré, dans la banlieue de Damas, entre une famille traditionnelle qui vénère le Coran et sa découverte, dans une librairie de sa ville, des poèmes de Paul Éluard (traduits en arabe), Omar Youssef Souleimane quitte clandestinement la Syrie en 2012 pour la France où il est accueilli, à 25 ans, comme réfugié. Il se met très vite à apprendre la langue.
Ayant, en Syrie, publié quelques poèmes et travaillé comme journaliste, le jeune écrivain est bientôt publié en France.
« Une chambre en exil », son deuxième roman, est la chronique de son intégration dans un pays, dans une culture dont il ignore (à part Paul Eluard, Louise Michel, Boris Vian, Jacques Prévert) à peu près tout.
Installé dans une modeste chambre à Bobigny, en banlieue de Paris, le jeune homme observe et commente la vie quotidienne de son quartier « dépourvu de librairie ».
Entre ses rendez-vous à la préfecture, pour une démarche de naturalisation, et les tasses de café qu’il avale dans le bistrot près de chez lui, il apprend à mieux connaître son nouvel environnement. Et à l’apprécier. Une liaison avec une voisine, Violette, facilitera son intégration.
On parle beaucoup d’immigration ces jours-ci, au Québec, en France, aux États-Unis. Malheureusement, lorsqu’on parle d’immigration, dans les médias, c’est souvent la voix des gouvernements, des dirigeants, des puissants, qu’on entend.
On entend les ministres devant les micros énumérer des chiffres, des statistiques. Ils parlent de « quotas ». Mentionnent « des seuils de tolérance ».
« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » répètent en choeur les politiciens, des deux côtés de l’Atlantique.
On entend beaucoup moins la voix des immigrants eux-mêmes. Leur histoire. Les circonstances qui les ont menés à quitter leur domicile, leur ville, leur pays, leur famille.
Un roman comme « Une chambre en exil » contribue à nuancer, à changer peut-être la conversation. À modifier les opinions toutes faites. Aide aussi à rectifier le regard qu’on porte, souvent trop vite, sur l’immigration.
Poulet de Hainan accompagné de riz au safran, d’une salade et d’une sauce maison. Restaurant Dalat, Victoria Drive, Vancouver.
Et les voyages?
Nous partons le 11 mai pour la France et l’Italie.
Au programme, dans un premier temps, retrouvailles et promenades avec des amis, à Paris. Aux Buttes-Chaumont. Au marché d’Aligre. Dans les petites rues tranquilles du 20è arrondissement. À Notre-Dame peut-être.
Puis, séjour en Toscane où nous passerons une semaine à Florence. Avant d’aller rejoindre plus au sud, chez lui, près de Cortona, mon ancien camarade de lycée, Tommy, revu à Paris l’an dernier.
Diana regagnera ensuite Calgary.
De mon côté, en juin, je débuterai, de Perpignan, la première de deux longues randonnées dans le sud-ouest de la France.
La première (6 jours de marche) m’emmènera vers Collioure puis, en franchissant les Pyrénées, vers l’Espagne.
Entre mer et montagne, quelques-unes des étapes de ma randonnée, début juin, entre Collioure et Cadaquès, en Catalogne. Retour en France via Figueres, la ville natale de Salvador Dali. Cette randonnée, une première pour moi, sera entièrement « accompagnée ». C’est à dire qu’un prestataire organise pour les participants (nous serons 5 ), la logistique du voyage: transport de bagages, hébergements, repas.
La deuxième randonnée – 13 jours de marche, 4 jours de repos – me conduira sur « Le Chemin de Stevenson« , le GR 70, un sentier d’environ 240 kms qui relie Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) à Saint-Jean-du-Gard (Gard).
Entre le sud du Massif Central et les Cévennes, mes étapes sur le GR70 (tracé en rouge), baptisé « Chemin de Stevenson » en l’honneur de l’écrivain écossais qui, en 1878, a parcouru le sentier (avec son âne Modestine) avant de publier l’année suivante son célèbre récit « Voyage avec un âne dans les Cévennes ». Je m’arrêtrerai aussi deux nuits à l’Abbaye Notre-Dame-des-Neiges (un peu avant La Bastide Puylaurent).
En espérant que mon genou gauche, abîmé récemment par des parties de squash très disputées, tienne le coup!
Un grand merci à notre amie Cristiane pour ces deux recommandations de randonnées qu’elle a elle-même déjà réalisées.
Au grand plaisir Christiane de te revoir bientôt à Paris!
Excursion au « lagon vert », le dimanche 29 décembre…… puis au « lagon bleu », quelques heures plus tard…
Que se passe-t-il vraiment à Fakarava?
Comment la population, les résidents permanents, 900 habitants environ, vivent-ils ici?
Dans l’une des 76 îles de l’archipel des Tuamotu – le plus vaste archipel de la Polynésie française. Et l’un des moins visités. (Voir la carte ci-dessous).
C’est ce que j’ai voulu savoir, essayer de comprendre, pendant mon séjour à Fakarava.
Mais avant, un peu de géographie et quelques photos/images pour mieux saisir le contexte.
Tuamotu = « îles nombreuses et lointaines » en tahitien.
Sur cet immense territoire (équivalant à la superficie de l’Europe de l’ouest), seules une cinquantaine d’îles sont habitées en permanence. Les autres ne sont habitées que sporadiquement, pendant la saison de la récolte du coprah ou comme base pour des expéditions de pêche.
L’archipel des Tuamotu. Flèche verte = Fakarava. Flèche bleue = l’île de Tikehau où nous étions, en décembre 2022. Flèche rouge = les îles de Moruroa et Fangataufa, tristement célèbres, où ont eu lieu, entre 1966 et 1996, 193 essais nucléaires français. SVP voir plus bas.
Fakarava est, par endroits, scandaleusement belle, paradisiaque, enchanteresse… (ajoutez ici vos superlatifs)
Découverte des « Sables Roses », le vendredi 27 décembre…… près de la « passe » Sud du lagon, l’un des plus beaux lieux que j’ai eu la chance de visiter jusqu’à présent…La carte marine du lagon de Fakarava, véritable paradis pour les amateurs de plongée, où sont indiquées les zones visitées plus haut. Fakarava (et ses 7 atolls voisins) a été reconnue en 2006 « Réserve de la Biosphère » par l’Unesco.Entre océan et lagon, la population de Fakarava est regroupée en majorité au village de Rotoava, au nord de l’île, où l’on retrouve les commerces, les centres de plongée et les hébergements. Une route asphaltée de 15 kms court de l’aéroport vers le sud. Les villages du sud, y compris le plus important, Tetamanu (une vingtaine d’habitants), sont uniquement accessibles par la mer.
C’est au coeur de Rotoava, dans une modeste pension, que j’ai posé le 23 décembre mon sac…
Mon bungalow, à 30 mètres de l’océan, dans un magnifique terrain arboré. Le petit déjeuner est servi tous les matins. Vélos à disposition. Douches et toilettes à l’extérieur…Un petit goût de Robinson Crusoé. C’est exactement ce que je recherchais. Dix jours au paradis…
… alors que les habitants de l’île s’apprêtent paisiblement à célébrer Noël…
Fidèles réunis, en début de soirée, le mardi 24 décembre, devant l’église du village, la paroisse « Jean de la Croix »…… avant une émouvante célébration de Noël typiquement polynésienne. Musiciens, munis de leurs ukulélés, chorale, chants, cantiques en tahitien et en français.. Tout le village semble-t-il, était présent. Une superbe façon de célébrer au bout du monde, Noël!
Les Fêtes terminées, j’ai tendu l’oreille. Et il ne m’a fallu que quelques heures, en me promenant dans le village, pour commencer à comprendre les immenses défis auxquels est confrontée la population à Fakarava.
Angelina, propriétaire d’un des « snacks » du village
Derrière le comptoir de son petit établissement, Angelina m’explique qu’à part le « pota » (le chou vert qu’on retrouve partout en Polynésie) et un peu de laitue, « pratiquement rien ne pousse à Fakarava.«
L’île est un anneau de corail, l’infime partie émergée d’un volcan qui s’est effondré dans l’océan, il y a des millions d’années. La terre est bien trop aride.
L’entrée du snack d’Angelina, situé dans le quartier de ma pension
« Une fois par mois », m’explique Angelina, « nous sommes ravitaillés par le bateau, le Cobia 3, qui part de Papeete le lundi et arrive à Fakarava le mercredi matin ».
« Des heures avant l’arrivée du bateau, il y a de longues files d’attente devant les deux magasins qui reçoivent les provisions. Les gens viennent en priorité acheter des produits frais, des légumes: tomates, concombres, avocats, oignons, poivrons, aubergines. Toute la marchandise part en un clin d’œil. En quelques heures, il ne reste pratiquement plus rien« .
Ce que j’ai pu vérifier, l’après-midi de mon arrivée, le 23 décembre, dans l’un des magasins, situé près du quai de Rotoava.
Le maigre contenant de l’unique bac de légumes dans l’un des deux principaux magasins de Fakarava, 3 jours après l’arrivée du « Cobia 3 ».
« Cette année », poursuit Angelina, « à cause des Fêtes, le Cobia 3 est arrivé ici le 20 décembre. Le navire ne reviendra approvisionner l’île qu’au début du mois de février« . Dans six semaines.
Le menu du snack d’Angelina. 1500 Francs Pacifique (CPF) = 19$CAN ou 13 euros.
Cette carence chronique de produits frais dans les commerces est un défi de taille pour la population, y compris pour la petite communauté d’expatriés (moniteurs de plongée, gérants de pensions…) établie à Fakarava.
« Je rêve régulièrement de manger une bonne salade de tomates« , me confie un après-midi, Laurence, Française d’origine italienne, qui gère admirablement avec son mari, ex-enseignant, la pension où je réside.
Tous les deux travaillent d’arrache-pied. Pour entretenir, faire tourner la pension. Dès 5h30 du matin. Sept jours sur sept. Ils adorent leur aventure à Fakarava. Mais, après six mois, avec un jeune enfant, ils songent déjà à repartir, à quitter l’île.
Malgré les plages, le cadre merveilleux, un taux de criminalité proche de zéro, le manque d’accès à une nutrition saine n’est plus, pour eux, négociable.
La plage du PK9 située, comme son nom l’indique, à 9 kms à l’ouest du village, au-delà de l’aéroport, près de la « passe » Nord de l’île.Facilement accessible en scooter, j’y ait fait, matin et après-midi, de régulières baignades… sans un chat autour de moi! Température l’eau? 27 à 28 degrés. Bienvenue à Fakarava!
En allant régulièrement à pied ou en vélo au village, à la rencontre des résidents, j’ai fait, comme avec Diana à Huahine, d’extraordinaires rencontres!
Un matin, alors que je descends de vélo et m’apprête, au bout du village, à aller nager, une voix m’interpelle. Une dame, d’un certain âge, s’approche en souriant et vient se présenter.
Pauline, 84 ans, prend méticuleusement soin tous les matins du bord de plage devant sa maison
« Je m’appelle Pauline », dit-elle. « J’ai dansé et chanté, quand j’étais jeune, dans les endroits les plus prestigieux de Paris, et dans toute la France. J’ai chanté au Palais de Chaillot, j’ai dansé au Moulin Rouge… »
Je n’en reviens pas. La dame qui me parle, avec ses yeux pétillants, a une diction impeccable et l’accent de Paname d’un vrai titi parisien!
Pauline a envie de parler. Je m’assieds et je l’écoute, attentif, au bord de la plage, me raconter ce qui est sans doute l’un des épisodes marquants de sa vie.
À l’âge de 16 ans, alors qu’elle grandit à Fakarava, un couple français emmène Pauline en France. En quelques semaines, elle se retrouve enrôlée dans une troupe de danse et de chant, en tournée dans toute la France. Bordeaux, Toulouse, Paris… Elle n’en dira pas plus….
J’ai revu Pauline deux ou trois fois pendant mon séjour, toujours au même endroit, et elle me répétait chaque fois la même histoire: « j’ai dansé et chanté… »
Tartare de thon aux ananas, snack du quai de Rotoava, le mardi 31 décembre.
J’ai aussi eu la chance de faire à Fakarava la connaissance d’un jeune homme étonnant, plein de talent, Paui, 26 ans, déjà père de deux enfants et animateur hors-pair lors de nos excursions en mer ou sur le lagon.
Paui, pendant un atelier de confection de « pain coco », sur la plage d’Hirifa, le vendredi 27 décembre…… et, infatigable, en pleine session de tressage de chapeau traditionnel, fabriqué avec des branches et des feuilles de cocotier. Merci pour tout ce que tu nous a appris, Paui!
L’histoire récente des îles Tuamotu a aussi, malheureusement, été marquée par la désastreuse série d’essais nucléaires (193 essais) réalisés par la France, entre 1966 et 1996, autour de deux atolls, Moruroa et Fangataufa, situés dans le sud de l’archipel (voir la carte plus haut).
Une stèle commémorative érigée en face de l’église Jean de la Croix vient rappeler aux habitants de Fakarava l’immense tragédie des essais nucléaires…… et les conséquences dramatiques qu’ont eu ces essais sur l’ensemble des communautés en Polynésie française. On sait aujourd’hui que les cinq archipels du territoire ont été touchés par des retombées radioactives. Le taux de cancer notamment, dans les archipels, est anormalement élevé.
L’Association 193 (lien Facebook), créée pour défendre les familles des victimes des essais nucléaires, se bat aujourd’hui, bec et ongles, afin que ces familles, sur les 5 archipels, soient, enfin, indemnisées.
Le combat est souvent difficile, inégal, semé d’embûches, face aux autorités françaises.
Tout mon respect et voeux de succès aux membres de l’association et à leurs familles.
J’ai régulièrement loué à Fakarava un scooter pour la journée chez Taute, ci-dessus, devant sa maison à Rotoava. Lors de nos conversations, Taute m’a confirmé, avec émotion, que plusieurs membres de sa famille (oncles, tantes, grand-père, grand-mère) ont disparu prématurément à Fakarava et sur d’autres îles, pour cause de cancer.Un panneau de fortune, devant l’église Jean de la Croix, où sont affichés des articles de journaux détaillant les conséquences des essais nucléaires sur la santé des habitants de l’archipel…
Cet épisode tragique des essais nucléaires, sur ces îles isolées, est un drame, une disgrâce, dont, selon moi, on ne parle pas assez. C’est très dommage.
Buffet champêtre, version polynésienne, au lagon bleu, le dimanche 29 décembre, supervisé par Chaba (en bleu avec casquette). Au menu: poisson cru, riz, salade, poulet, noix de coco, pain coco, poisson cuit.La maison du maire (à gauche) à l’entrée du village de Rotoava. Vu la proximité de l’océan, la plupart des bâtiments résidentiels sont construits ici sur pilotis.
Difficile, dans les Tuamotu, de ne pas poser LA question qui me brûle les lèvres depuis mon arrivée.
Et la « montée des eaux », à Fakarava, et dans les autres îles de l’archipel?
« Ce n’est qu’une question de temps« , me répond Charles, rencontré un après-midi alors qu’il se rend à son travail, dans une fabrique, reliée à l’industrie de la perliculture.
Charles, en route pour son travail, le lundi 30 décembre.
Charles, 67 ans, né à Tahiti, vit et travaille depuis de nombreuses années à Fakarava. Il m’explique dans un français hésitant que « la montée des eaux » est un phénomène que personne sur l’île n’ignore. Un phénomène dont personne non plus ne parle ici.
Mais Charles est formel. « Dans trente, quarante, cinquante ans, tout cela, les habitations, les routes, auront probablement disparu.«
Pourquoi les gens ne parlent-ils pas de ce phénomène? – Et est-il inquiet?
« Le Polynésien » me dit-il, « ne parle pas de ces choses-là. De l’avenir. Nous ne savons même pas ce qui va nous arriver demain. Nous préférons vivre dans le présent. Nourrir nos familles, prendre soin de nos enfants, de nos proches. Être près de la nature… »
J’ai entendu exactement le même discours, le même raisonnement, chaque fois que j’ai, à Fakarava, abordé le sujet. Fatalité ou sagesse polynésienne?
Pour ceux abonnés au journal « Le Monde », voir ici l’excellent article (juin 2023) consacré à la montée des eaux et aux enjeux environnementaux dans deux îles, Hao et Takaroa, de l’archipel des Tuamotu.
Excursion près de la « passe » Sud de Fakarava, au village de Tetamanu, le vendredi 27 décembre…… avant de poursuivre jusqu’à la plage de Hirifa, à la pointe sud du lagon…
J’ai passé à Fakarava l’un de mes plus beaux et authentiques séjours en Polynésie française!
Merci à tous ceux et celles – riverains, gérant(e)s de pension, compagnons de voyage venus de France, de Belgique, d’Australie, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et d’ailleurs -rencontrés lors de mon séjour!
Vivre pendant dix jours à Fakarava m’a permis de mieux comprendre à quel point le quotidien, ici, diffère des îles plus prospères et plus accessibles, au sud du territoire. Cela valait vraiment la peine de venir jusqu’ici.
En compagnie de Paui, près du lagon bleu, le dimanche 29 décembre
J’ai rencontré la veille de mon départ, au bord de la plage où vit Pauline, l’un des vieux sages de l’île. Je n’ai malheureusement pas pris sa photo. Cet homme de 65 ans, né à Moorea, m’a expliqué qu’il a fui, il y a plus de vingt ans, son île natale, « sacrifiée » m’a-t-il dit, au tourisme.
« Je suis venu à Fakarava pour retrouver l’authenticité de notre « Fenua », perdue à Moorea, à Tahiti, à Bora Bora. J’ai acheté une petite maison, au bord du lagon, et je vis maintenant simplement, près de la nature. Je vais pêcher. Je prends soin de mes cocotiers. Je travaille avec des groupes communautaires à faire respecter ici les règles nautiques et environnementales de la biosphère de l’Unesco. Ce n’est pas facile. Les plaisanciers étrangers débarquent en bateau à Fakarava, souvent sans permis, ils ne se déclarent pas à la mairie, ne payent pas les frais d’amarrage… Les mentalités doivent changer ». Sages paroles.
Combien de temps encore les habitants de Fakarava pourront-t-ils résister au rouleau compresseur, à l’assaut du tourisme à grande échelle?
Je leur fais confiance.
Au revoir Fakarava! – et merci!
La Plage de Ta’ahiamanu, sur l’île de Moorea, située à l’entrée de la baie de Opunohu, au nord de l’île, le samedi 4 janvier, le lendemain de mon arrivée à Moorea.
Je vous laisse avec quelques photos de Moorea justement, « »l’île soeur » (de Tahiti) où je termine ce troisième séjour au Fenua.
Moorea où nous avions, après Papeete, débuté en novembre 2022 notre premier voyage en Polynésie française!
Le très chic (et dispendieux) complexe hôtelier qui occupe une partie de la plage publique de Temae, plage emblématique, une véritable institution à Moorea. L’accès à la plage est aujourd’hui menacé, le terrain ayant été récemment racheté par un riche investisseur polynésien. Photo prise le samedi 4 janvier du belvédère To’a tea.
L’île a beaucoup changé en deux ans! Quelques constructions sauvages défigurent maintenant le littoral. Plus de circulation automobile. Plus de monde surtout!
Il y a, à Moorea, 18 000 résidents permanents -mais, peut-on lire dans un article de magazine publié il y a quelques mois, « c’est sans compter les touristes et résidents de Tahiti qui, lors de certains weekends prolongés, font plus que doubler la population qui s’approche alors des 40 000 habitants » (Le Magazine de Moorea, mars 2024)
Comment ces chiffres vont-ils évoluer, lorsqu’on sait que le nouveau gouvernement veut tripler à 600 000 par an le nombre de visiteurs en Polynésie française? (260 000 touristes ont visité le territoire en 2023).
Balade en scooter (72 kms) autour de Moorea et le long de petites routes, le samedi 4 janvier. Que de souvenirs!
Pour terminer, petit clin d’oeil sur une partie de ma journée, en bateau, le lundi 6 janvier, sur le lagon de Moorea.
À l’extérieur du lagon de Moorea, le lundi 6 janvier.
Nous avons nagé ce matin-là avec des raies…
des petits requins…
Petits requins dans le lagon de Moorea
puis avec des tortues avant d’observer, de loin, plusieurs groupes de dauphins…
Un autre voyage magnifique se termine en Polynésie!
Je rentre à Vancouver comme prévu vendredi.
Ai hâte de retrouver Diana!
Bonne année à tous!
Sashimi de thon, Rotoava, Fakarava, le lundi 30 décembre.
Comment partager, en mots et en images, l’immense privilège de vivre au soleil, pendant un mois, auprès des Polynésiens, à Huahine?
Huahine « l’authentique », comme on la surnomme ici, aux îles Sous-le-Vent!
Jordan, 47 ans, a grandi à Huahine. Il vient rafraîchir dans l’océan les poissons-perroquets (« pa’ati » en tahitien) pêchés au large, la veille…
… avant de les faire frire en famille pour le déjeuner. Plage de Fare, le lundi 25 novembre.
Conversation avec un riverain, Joseph, qui revient lui aussi de la pêche, alors que nous rentrons à la maison, à la tombée du jour, le samedi 7 décembre.
Pique-nique mémorable, le dimanche 8 décembre, au « Jardin de corail », situé près du village de Maeva, avec la famille et les amis de Gaby (en blanc avec Diana). Un chaleureux moment d’échanges et d’amitié! Voir détails plus bas.
Environ 6 000 habitants vivent à Huahine. La population est répartie dans de petits bourgs situés sur le pourtour de Huahine Nui (la grande), au nord, et Huahine Iti (la petite), au sud. L’île est magnifique! Notre bungalow est situé au nord de Fare, le village principal (1600 habitants).
Petite maison blottie entre mer et montagne, près de Fare
En scooter, sur Huahine Iti, le vendredi 29 novembre, à proximité du petit pont qui relie les deux parties de l’île…
Comme cela fait du bien d’être de retour!
Déjeuner au bord du littoral à Fare
En planifiant ce deuxième séjour à Huahine, l’un de nos objectifs était, tout simplement, de prendre ici, notre temps.
Après la cadence effrénée de notre voyage inaugural en Polynésie française en 2022 (une île par semaine en moyenne pendant 8 semaines) et les deux récentes excursions, en quatre jours, sur l’île de Tahiti, nous voulions, près de Fare, comme aux îles Australes l’an dernier, ralentir au maximum le rythme de nos journées.
Nous souhaitions vivre, autant que possible, auprès des Polynésiens. Et profiter avec eux, au quotidien, des joies simples et de la douceur de vivre à Huahine.
C’est exactement ce que nous avons fait. En allant régulièrement, le matin, après une première baignade, ou en fin d’après-midi, à la rencontre des habitants de l’île…
Aperçu de la rue principale de Fare, vers 8h du matin et, à quelques pas, un peu plus tard dans la journée…
… Diana, avec Caroline et Marie…
… puis en compagnie de Gaby, au petit marché du village, très achalandé, le dimanche surtout, dès 5h du matin!
Nous avons eu la chance cette fois encore de faire de merveilleuses, d’étonnantes rencontres!
Ainsi, un après-midi, à quelques minutes de marche de notre bungalow, nous faisons plus ample connaissance avec Tino…
Tino est l’un des « sages » et l’un des gardiens de la plage de Fare…
Tino est aussi, avec Armand (voir photo plus bas), l’un des entraîneurs qui forme et prépare à Huahine les aspirants à la prestigieuse compétition de la Hawaïki Nui Va’a – une course emblématique de pirogues polynésiennes qui se déroule, en octobre ou novembre, aux îles Sous-le-Vent.
La « Hawaïki Nui Va’a » est une compétition mythique en Polynésie française!
Des centaines d’équipes se réunissent, à Huahine, l’île de départ, afin de franchir, en haute mer et en lagon, 128 kilomètres, en trois étapes, entre Huahine, Raiatea, Taha’a et Bora Bora! Une épreuve inouïe.
Le trajet de la compétition, le même depuis 1992: 46 kms entre Huahine et Raiatea, 24 kms entre Raiatea et Taha’a et, le dernier jour, 58 kms, en haute mer, entre Taha’a et Bora Bora.
Les règles de la course sont immuables. Chaque équipe (hommes, femmes, vétérans, juniors, cadets, benjamins…) est composée de six rameurs. Aucun changement d’équipage n’est permis sur l’eau. Les plus jeunes ne parcourent qu’une étape.
Équipes en pleine action lors de la Hawaïki Nui Va’a. Les pirogues polynésiennes (« va’a ») sont munies d’un balancier. Photo: Tahiti Infos.
Armand, 65 ans, rencontré un matin au bord de la plage de Fare, a le regard nostalgique des ex-champions. Il a remporté trois fois avec son équipe (1993 -1995) la compétition du Hawaïki Nui Va’a! Armand aide aujourd’hui, avec Tino, les plus jeunes à se préparer à la course…
Fanui, à gauche, et sa soeur Norma, à droite, viennent régulièrement livrer dans notre quartier leurs poissons, fraîchement pêchés. Ils proposent ce matin-là: un perroquet bleu, un perroquet noir et un poisson unicorne. Entre Fanui et Norma, Vetea (voir plus bas) qui travaille à côté de notre bungalow…
… situé au milieu de ce qu’on appelle en Polynésie française « une servitude », un petit chemin résidentiel, au calme, à l’écart des rues et des voies principales. Nous vivons entourés de Polynésiens.
Vue de notre « servitude », côté montagne. Nous avons eu un temps splendide pendant pratiquement tout notre séjour! C’est pourtant, entre septembre et décembre, la saison des pluies, « la saison de l’abondance » comme on l’appelle ici. Paradoxalement, les mois de septembre à décembre sont aussi les plus chauds…
Nous avons aussi le bonheur de croiser, au fil de nos promenades, des riverains, venus d’ailleurs, et aujourd’hui complètement intégrés à la communauté…
D’origine portugaise, Isabelle a grandi à… Fontainebleau (Seine-et-Marne), près de Melun! Après des années passées en Californie, puis des séjours de plus en plus fréquents à Huahine, Isabelle a ouvert, à Fare, il y a 7 ans, un petit bijou de resto où l’on déguste, en toute convivialité, les meilleurs burgers de la Polynésie…
Les journées passent vite, trop vite!
Fréquentes et longues balades en scooter autour de l’île…
Sur la route de ceinture à Huahine Nui…
… avant d’atteindre « le belvédère » qui surplombe, au sud du village de Faie, la baie de Maroe.
Arrêt au « panorama » de Tefarerii…
… et halte un midi, pour le déjeuner, à Huahine Iti, dans une petite cocoteraie située…
… au bord de la plage d’Avea… où nous goûtons à…
… un tartare de thon au miel de Huahine, accompagné de carottes, de basilic et d’une salade d’aubergines. Snack Vairai, peu après le village de Parea (en allant vers Haapu), au sud de Huahine Iti.
Journées inoubliables à Huahine!
Salade Polynésienne, « Chez Tara », Huahine Iti.
Quelle bonne surprise de découvrir, lors d’une de nos promenades, qu’une nouvelle bibliothèque est venue, récemment, enrichir la communauté!
Un des rayons de la nouvelle bibliothèque de Huahine
Moeava, enseignante, est l’une des bénévoles à la nouvelle bibliothèque
Inaugurée il y a moins d’un mois, lors du salon du livre tenu à Fare, du 12 au 16 novembre, la bibliothèque compte déjà 3000 ouvrages et est splendidement gérée par un petit groupe de bénévoles, énergiques et enthousiastes.
Quelle belle initiative! – Les bibliothèques publiques sont si rares en Polynésie française!
Pourquoi, au fait?
« La lecture ne fait malheureusement pas partie de notre culture », nous explique l’une des bénévoles. « Historiquement, les traditions, les légendes, les enseignements des anciens ont été transmis, dans les îles, oralement. »
« C’est difficile à croire, mais, à part celle dePapeete, notre immense territoire ne compte que deux autres bibliothèques publiques, à Raiatea et maintenant celle-ci, à Huahine… »
Barbara, enseignante à la retraite, est elle aussi bénévole à la nouvelle bibliothèque de Huahine.
Tous nos voeux de succès à cette nouvelle bibliothèque!
Et félicitations à l’écrivaine Chantal Spitz, résidente de Huahine Iti, à l’origine du projet. – Chantal Spitz que nous avions eu l’honneur de rencontrer, lors du salon du livre tenu, il y a deux ans, à Fare.
Guelvin, et son épouse offrent devant leur camion, à Fare, les produits de leur domaine: pastèques, tomates, concombres, poivrons… Fruits de longues heures de labeur passées sous le soleil dans les champs. Respect et hommages aux agriculteurs de Huahine!
Katriana, rencontrée au village de Faie, sur la côte est de l’île, vend elle aussi devant sa maison les légumes récoltés dans son jardin… Merci pour les délicieux avocats, Katriana!
Cependant, malgré les sourires et l’ambiance tranquille qui règne sur l’île, tout n’est pas rose ces jours-ci à Huahine, loin de là!
Moana, 31 ans, devant notre bungalow, le lundi 9 décembre.
Écoutons par exemple Moana (« océan« , en tahitien), venu plusieurs fois à la maison nous livrer l’un de ses scooters pour la journée.
Moana a grandi à Huahine. Il a fait, ici, depuis des années, toutes sortes de petits boulots. Il a travaillé comme barman dans un hôtel, puis dans une agence de location de voitures. Moana loue aujourd’hui, avec sa famille, établie à Fitii, des scooters, à la journée. La concurrence est féroce.
« Il y a plus de 35 commerces de location de scooters sur l’île« , me dit-il, « et les visiteurs à Huahine sont beaucoup moins nombreux cette année! »
C’est un refrain que nous avons entendu souvent ce mois-ci. L’absence flagrante de touristes à Huahine, et sur les autres îles, cette saison.
En nous promenant dans les villages, les restaurants, les snacks en bord de mer, les pensions de famille, sont presque vides. Le boom des voyages de l’après-Covid semble, à Huahine, terminé.
Moana m’explique que la plupart de ses amis ont ou vont bientôt quitter Huahine. Pour des raisons strictement économiques.
« Nous n’arrivons plus à vivre ici », me dit-il, « la vie est devenue trop chère ». « Le SMIC, le salaire minimum,fixé à 150 000 CPF (Francs Pacifique) par mois,l’équivalent de 1200 € (ou Can$1800),ne nouspermet pas de vivre convenablement. »
Moana songe maintenant, sérieusement, à s’exiler, à partir, en métropole, en Corée du Sud, « où j’ai a des amis« , aux États-Unis ou au Canada…
Bonne chance, Moana!
Une situation difficile, pour les plus jeunes surtout, que nous confirme quelques jours plus tard Vetea, 43 ans, venue un matin prendre le petit-déjeuner à la maison.
Vetea travaille dans une pension de famille située à côté de notre bungalow et veille aussi à ce que nous ne manquions de rien. Merci mille fois, Vetea!
Vetea a un coeur d’or et déborde d’énergie du matin au soir. Tout le monde la connaît à Huahine. Une perle.
Vetea nous apprend que le coût du loyer pour une petite maison, à l’extérieur de Fare, tourne autour de 60 000 CPF (environ 500 € ou Can$ 750) par mois. Une fortune pour les habitants de Huahine qui n’ont pas la chance de posséder un terrain.
Fins de mois compliquées donc, difficiles, pour une partie de la population.(Note: Il n’y a pas non plus d’allocation chômage en Polynésie française).
Joséphine, 75 ans, en route, en vélo, pour aller voir son médecin, à l’extérieur de Fare, le mardi 3 décembre.
Trois amis en pleine session de pêche sur le parapet du pont qui mène au village de Maeva, le vendredi 6 décembre.
Autre sujet de tension et de controverse sur l’île: le droit de passage le long du littoral.
Clôture érigée sur la plage municipale de Fare…
Nous avions été très surpris de découvrir, le lendemain de notre arrivée, une clôture de barbelés, plantée sur une partie du rivage de la plage municipale.
Plage fréquentée par les riverains, les visiteurs et les élèves du collège de Fare (tout proche) qui y viennent régulièrement, avec leurs enseignants, pour leurs cours d’éducation physique (natation, canot, pirogue…).
Un groupe d’élèves du collège de Fare se prépare sur le rivage avant le début de la classe de pirogue polynésienne…
Quelle surprise d’entendre un matin, alors que nous nous baignons paisiblement, une altercation sur le rivage entre un touriste (français) et un riverain… qui s’oppose fermement à ce que le visiteur et sa famille occupent/ posent leurs serviettes de bain sur « son » terrain, situé derrière la clôture.
La baignade terminée, nous allons, prudemment, à la rencontre du riverain pour essayer de comprendre la situation et son point de vue.
Gervet, en compagnie de sa femme et de sa fille, sur le terrain familial, en partie clôturé, qui borde la plage de Fare
Monsieur Gervet nous explique calmement que plusieurs membres de la communauté, à Fare, sont fatigués « et choqués » de voir certains visiteurs se changer et se dénuder, même brièvement, sur la plage, avant d’aller se baigner.
« Cela ne se fait pas ici« , nous dit-il. « Cela choque les familles, nos enfants! »
Nous apprenons aussi que de nouvelles règles interdisent aux voiliers et aux bateaux de plaisance de jeter l’ancre ou de s’approcher trop près du littoral de Fare. Motif? Certains plaisanciers ont, semble-t-il, navigué à proximité du rivage nus ou dans une tenue jugée répréhensible par quelques riverains.
Autre sujet d’irritation dans la communauté: les « déversements » et les déchets que jettent impunément dans l’océan certains navigateurs.
Changements importants depuis notre séjour, il y a deux ans…
Autres temps, autres moeurs en Polynésie française?
Sashimi de thon avec câpres, accompagné de riz, à Fare.
Grâce aux liens tissés par Diana dans la communauté, nous apprenons un matin avec joie que nous sommes invités, le dimanche 8 décembre, à un pique-nique avec la famille et quelques amis de Gaby (voir photo plus haut).
Nous acceptons l’invitation, bien sûr! Diana prépare des gâteaux et une salade marocaine. Elle met de côté un sac de friandises pour les enfants.
Rendez-vous est pris, en fin de matinée, dans un lieu magnifique, le Jardin de Corail, situé près du village de Maeva, à 8 kms environ à l’est de Fare. Nous arrivons en scooter.
Pique-nique au jardin de Corail…
… le dimanche 8 décembre…
En comptant les enfants, nous sommes une douzaine, cet après-midi-là, réunis dans la bonne humeur autour de Gaby, des membres de sa famille, et quelques amis…
Grandes conversations…
… rires et échanges… avant…
… un délicieux repas (poisson cru, viandes, légumes, riz, salades…)
… partagé amicalement, en toute simplicité…. Déjeuner qui se terminera, comme le veut la tradition…
… par une baignade des anciens/des patriarches du clan dans le jardin de corail… sous un soleil radieux!…
Comment te remercier Gaby, les membres de ta famille, les amis présents ce jour-là, pour ce moment i-n-o-u-b-l-i-a-b-l-e!
L’un de nos meilleurs souvenirs et l’une de nos plus plus belles expériences en Polynésie française!
Māuruuru roa!
L’un des petits quais, près du port de Fare, le jeudi 5 décembre. Nous déjeunons juste à côté, ce midi-là….
Je rentre d’un voyage éclair à Papeete…
Murale à Papeete, rue Jeanne d’Arc, à deux pas de la cathédrale, le dimanche 15 décembre.
… où j’ai accompagné Diana qui, pour des raisons familiales, est repartie samedi, comme prévu, pour Calgary.
Nous nous retrouverons à Vancouver le 11 janvier.
L’un de nos lieux préférés à Fare…
J’aurais facilement pu rester beaucoup plus longtemps qu’un mois à Huahine!
Pointe sud de Huahine Iti
Entre les baignades quotidiennes, les balades en scooter, nos visites au marché, les randonnées, les conversations, l’écoute, le temps est passé très vite, beaucoup trop vite!
Tressage (avec les pieds et les mains) de feuilles de « auti » afin de confectionner une ceinture pour une danse traditionnelle au village de Parea. Le « auti » occupe une place importante dans la culture et la spiritualité polynésienne. Voir infos supplémentaires ici.
Grâce à la douceur, à la patience, à la gentillesse des Polynésiens, grâce au climat, qui me convient à merveille, j’ai découvert à Huahine une nouvelle façon de voyager pendant la grisaille et les mois d’hiver à Vancouver.
Une formule toute simple: se poser, pendant un mois, dans l’une de ces îles merveilleuses – ou ailleurs, au soleil – et rayonner lentement, dans un périmètre restreint, autour de notre lieu de résidence. Il y a un nom pour cela: Slow travel.
Formule à appliquer (peut-être au Vietnam?) dès l’hiver prochain.
Arrivée à Fare à bord du « Apetahi Express », le vendredi 22 novembre. Le ferry relie trois fois par semaine Papeete aux îles sous-le-vent. Escales à Huahine, Raiatea, Taha’a, Bora Bora et Maupiti…
Une bonne façon de visiter les îles et réduire son empreinte carbone. Ci-dessus, débarquement à Fare. Infos supplémentaires: ici.
Je débute aujourd’hui, le 16 décembre, la 14è année de ma retraite.
Et je poursuis mon périple, samedi, le 21 décembre, vers Papeete.
Entre Fare et Maeva la semaine dernière – Photo Diana.
Départ lundi, le 23 décembre, pour l’archipel des Tuamotu et la petite île de Fakarava où je serai basé, pendant une dizaine de jours, dans le village de Rotoava (population: 800 habitants). SVP voir les cartes ci-dessous.
Après avoir découvert, dans le même archipel, Tikehau, en décembre 2022, quelle meilleure façon de célébrer là-bas, aux antipodes, sous les étoiles, Noël et le Nouvel An?
Joyeuses Fêtes à tous!
Les cinq archipels qui composent la Polynésie française…
… et mon trajet, dans les prochains jours, entre deux de ces archipels: trois heures en bateau, samedi, entre Huahine et Tahiti et, après une halte à Papeete, un vol de 2h00 (via Rangiroa) m’emmènera, le 23 décembre, sur l’île de Fakarava, dans l’archipel des Tuamotu…
Aperçu de la plage de Fare, à la mi-décembre…
Merci infiniment aux habitants de Huahine qui nous ont si gentiment accueillis sur leur île! Mauruuru!
Mangues, avocats, patates douces, noix de coco et corossols, entre Fare et Maeva…
Notes de lecture :
Christophe Bataille, Annam – (Paris, 1993)
Un roman admirablement écrit qui ravira les passionnés d’histoire. Celle du Vietnam et celle de la Révolution française. En 1788, alors que le royaume de France « s’agite », deux navires – le Saint-Jean et le Saint-Paul – appareillent du port de La Rochelle pour Saïgon. L’objectif de l’expédition, financée par le clergé et de « riches bienfaiteurs,soucieux de leur salut » est ambitieux: évangéliser les habitants de cette terre lointaine, peu connue, et « sortir le Vietnam de l’impiété. »
Le voyage dure plusieurs mois. À bord, « une petite troupe de dominicains, cinq religieuses » et des hommes armés, « embarqués avec joie, comme pour la croisade ».
Arrivés sur les rives du Mékong, les membres de l’expédition découvrent, avec effroi, le climat insalubre de la région, la chaleur, les maladies. Une partie de l’équipage est décimée, dès les premiers mois. Ne parlant pas la langue, face à l’indifférence des habitants, la mission piétine.
Un petit groupe de religieux, menés par père Dominique, s’accroche. Ils quittent la Cochinchine (le sud, le delta du Mékong) et entrent dans l’Annam (les hauts plateaux du centre du Vietnam). Malgré un accueil plus chaleureux et un début d’intégration dans un village reculé, la mission, peu à peu, s’étiole. Les prélats, un à un, épuisés, malades, disparaissent, complètement oubliés par leur pays, plongé dans les turbulences et tempêtes de la Révolution.
La chronique, remarquablement écrite, d’une désastreuse tentative d’évangélisation.
Prix du premier roman (1993) et prix des Deux Magots.
De g. à d. Vetea, Gaby et Fouché sont venus dire au revoir à Diana qui quitte Huahine, le samedi 14 décembre…
Le « Apetahi Express », en route pour Papeete, accoste au quai de Fare, le samedi 21 décembre. Au revoir, Huahine, et merci!
Souligné en bleu, à une vingtaine de kms au sud de Papeete, le paisible village de Paea, où nous passons les premiers jours de notre séjour en Polynésie française.
Après un voyage sans histoire depuis Vancouver, et une première nuit à Papeete, nous voilà installés depuis 4 jours, à deux pas de l’océan, au nord du village de Paea… où deux plages magnifiques nous permettent de nous ajuster au décalage horaire, à notre nouvel environnement culturel et au climat tropical de ces lointaines et indolentes « Îles de la Société ».
La plage de Vaiava, le mardi 19 novembre au matin, est située à 5 minutes de marche (au nord) de notre pension. Très fréquentée le weekend par les Tahitiens, elle est pratiquement déserte en semaine…
Le thermomètre oscille depuis notre arrivée entre 23 et 31 degrés.
Contrairement à la légende, l’île de Tahiti compte très peu de plages de sable blanc. La plage Vaiava, ci-dessus, et la plage Mahana, ci-dessous, sont deux exceptions…
La plage Mahana, peu profonde, située elle aussi à 5 minutes de marche (au sud ) de notre pension. Déserte également en semaine. À l’arrière plan, on aperçoit l’île de Moorea.
Au début de ce troisième voyage en Polynésie française, l’un de nos objectifs était d’explorer et d’essayer de mieux connaître l’île de Tahiti (Tahiti Nui), la plus grande et la plus peuplée du territoire. Nous n’avions fait jusqu’à présent que de courts séjours ici.
Près de 70% de la population du Fenua (« pays », en tahitien) vit sur l’île de Tahiti! Vu l’intérieur montagneux de l’île, les habitants sont très largement concentrés dans les villes et bourgades situées le long du littoral.
Nous souhaitions en particulier, cette fois-ci, découvrir « la presqu’île », surnommée Tahiti Iti (la petite), véritable chasse gardée des Tahitiens, bijou sauvage, situé au sud-est de la grande île. SVP voir la carte ci-dessus.
Pari tenu.
Dès notre arrivée à Paea, après un premier bain de mer, nous apprenons qu’une famille, dans notre quartier, loue des scooters 50cc (aucun permis requis) à la journée. Nous allons les rencontrer et, en quelques minutes, le contrat de location est signé. Notre scooter nous est livré le soir même par deux membres de la famille.
Manuarii et sa cousine Lyly nous apportent avec le sourire, à notre pension, une moto, pratiquement neuve, casques et clés. Service impeccable, à la tahitienne, tout en douceur.
Dès 9 heures, le lendemain, le lundi 18 novembre, nous sommes sur la route de ceinture, très achalandée, qui fait le tour de l’île. (SVP voir la carte qui ouvre l’article).
De Paea, notre première destination est la petite ville de Taravao, située à 40 kms, au sud-est. Énormément de circulation sur la route, dans les deux sens. Nous roulons prudemment.
Après deux heures de route, arrivée à Taravao et au carrefour qui mène, sur la droite, à la côte sud de la presqu’île… et au village quasi mythique de Teahupoo. L’excitation est à son comble!…
Bonne surprise à partir de Taravao: la circulation, sur la côte sud de la presqu’île, est beaucoup plus fluide…
Mais nous avons droit, en chemin, aux caprices de la météo! En environ une heure, nous avons eu du vent, des averses, une pluie torrentielle puis un grand ciel bleu. « Météo typique de la presqu’île », nous dit-on gentiment.
Nous avons dû nous arrêter, souvent…
Sous un abri de fortune (un arrêt de bus), rencontre inattendue avec deux personnages, témoins de Jehovah: Alexandre, à gauche, 80 ans, et Alain, originaire de Madagascar… Conversation à bâtons rompus… mais nous n’avons pas été convertis!…
Quelle aventure pour débuter notre séjour!
Malgré le ciel qui change toutes les dix minutes, le moral est au beau fixe!
Nous sommes déterminés à atteindre Teahupoo.
Alléluia! Arrivée à Teahupoo, un peu avant midi… et le soleil est de retour sur la presqu’île!
C’est au village de Teahupoo qu’ont eu lieu, l’été dernier, les compétitions olympiques de surf. Les vagues dans la région sont légendaires.
Le lieu est aussi sacré pour les Tahitiens. Plusieurs clans se sont affrontés ici autrefois. Selon les Anciens, surfer la vague de Teahupoo était un moyen, pour les chefs tahitiens et leurs fils, de démontrer leur supériorité. Ils montraient, en domptant la vague, qu’ils étaient soutenus par les dieux.
En arrivant au village, nous nous apercevons que la route s’arrête, abruptement, à la hauteur de la rivière Fauoro. Seule une passerelle permet de continuer le long du rivage…
Diana, en compagnie d’une riveraine, sur la passerelle qui enjambe la rivière. Les compétitions olympiques de surf ont été disputées, du 27 au 30 juillet, juste au large de la passerelle. La très controversée tour des juges (qui a, semble-t-il, endommagé le récif corallien) a été démantelée peu après la fin des J.O.
Au-delà de la passerelle, quelques pas suffisent pour entrer dans une atmosphère, un monde bien différent, vierge, mythique, jalousement préservé…
Début du chemin côtier…
… qui mène…
à la pointe de la presqu’île, jusqu’aux falaises de Te Pari…
Sentiment d’être ici au bout du monde.
Comme partout en Polynésie, les riverains sont accueillants, prévenants, respectueux. Le village (1500 habitants environ) est paisible. Très peu de monde dans la rue.
Après un délicieux déjeuner dans l’un des « snacks », près du rivage…
Steak de thon accompagné de « uru » (fruit de l’arbre à pain), salade et riz.
Sashimi de thon, salade et riz, deux plats typiquement tahitiens…
Il faut déjà, malheureusement, repartir…
Au-revoir, Teapuhoo! Note: nous avons été surpris de ne voir qu’une mer d’huile pendant notre courte visite au village…
Heureux d’avoir réussi notre projet, nous reprenons, lentement, la longue route vers Paea…
Courte halte et conversation chaleureuse sur le chemin du retour au marché de Papara, à une quinzaine de kms au sud de Paea…
Il nous faudra environ deux heures pour regagner Paea. Nous aurons parcouru ce jour-là plus de 110 kms (a-r) entre Paea et Teahupoo, sans aucun pépin. Mission accomplie.
Dans le jardin de notre petite pension de famille…
Une nouvelle aventure, en petit groupe cette fois, m’attend, dès le lendemain…
« La Traversière » est la piste de 38kms qui traverse l’intérieur de l’île de Tahiti.
Au programme: la traversée de l’île de Tahiti – via le chemin traditionnel qui relie le village de Papenoo, au nord, à celui de Mataeia, au sud. (Pour info, Paul Gauguin a vécu plusieurs mois à Mataeia lors de son premier séjour à Tahiti, entre 1891 et 1893).
La piste est praticable uniquement en 4X4 et serpente dans une vallée luxuriante qu’on appelle ici « la vallée de Papenoo ».
(Deux semaines avant notre départ, de Vancouver, j’avais pris contact avec le gérant de la compagnie, Patrice, afin de confirmer ma participation à l’expédition ce jour-là).
Nous sommes six ce mardi matin – venus de la Suisse, de la France, des États-Unis, du Canada – réunis autour de notre guide et chauffeur, Pito, pour une journée exceptionnelle de découvertes et d’échanges.
Tout le monde descend, ci-dessus, pour une première leçon de botanique avec Pito, à 15 minutes au sud de Papenoo.
J’ai la chance d’être assis, à l’avant du véhicule, à côté de Pito.
Pendant près de six heures, ce guide expérimenté, consciencieux, partagera avec moi (et avec le groupe, aux arrêts) de multiples anecdotes sur l’histoire mouvementée et peu connue de cette vallée qu’il parcourt, plusieurs fois par semaine, depuis vingt ans.
Notre guide et chauffeur hors-pair pour la journée, Augustin Pito, né à Moorea.
Nous traversons et faisons halte dans des sites d’une exceptionnelle beauté!
Baignade dans la rivière Papenoo, le mardi 19 novembre.
Trois villages, au 17è et 18è siècles, occupaient autrefois la vallée. Il n’en reste plus qu’un aujourd’hui, Papenoo, au nord de l’île. Les deux autres villages ont disparu au 19è siècle – les missionnaires décidant de rassembler les habitants de la vallée sur la côte.
Déracinement tragique pour ces populations, habituées à chasser et à manger du sanglier, du porc, à pécher des anguilles dans les rivières, à vivre à flanc de montagne…
Nous nous arrêtons, pour le déjeuner, au milieu d’un décor de rêve. Nous sommes entourés de vertes montagnes, de pics vertigineux…
Pour les voyageurs intrépides, il est possible de se restaurer et de faire halte pour la nuit…
… à mi-chemin de la vallée. De petits bungalows (au confort sommaire) offrent un calme absolu et une vue imprenable. Contacter « Le Relais de la Maroto »…
De nombreuses cascades jalonnent la vallée de Papenoo…
Quelle belle façon de découvrir l’intérieur de l’île de Tahiti!
Nous avons tant appris!
Merci infiniment, Pito!
Plat de boeuf et légumes, Paea, le mercredi 20 novembre
Boudin noir et purée maison accompagnés de pommes sucrées, bord de mer, quartier Paofai, Papeete.
Je vous laisse avec quelques images de Papeete prises le lendemain de notre arrivée, le dimanche 17 novembre…
Le dimanche, à Papeete, c’est le grand jour du marché, au centre-ville… Ci-dessus et ci-dessous…
… aperçu de la rue Colette, située à deux pas de la cathédrale…
… où officie, le dimanche, Christophe Barlier, dit « Père Christophe », vicaire de la cathédrale, figure incontournable et respectée de la communauté. Connu pour son franc-parler, le père Christophe œuvre sans relâche depuis plus de 30 ans pour les sans abris et les plus démunis en Polynésie française…
Nombreux sont les fidèles réunis le dimanche à la cathédrale autour du père Barlier. Difficile de trouver une place après 8 heures. Une chorale, à l’étage, contribue, en français et en tahitien, à la ferveur de la célébration…
Coïncidence, quelques jours après notre passage à Papeete, le père Christophe faisait de nouveau la une des médias. Voir ici l’article, daté du 22 novembre, du quotidien « Tahiti Infos ».
Au restaurant de la plage Mahana, le mercredi 20 novembre.
Nous prenons vendredi, à 7h, de Papeete, le Apetahi Express pour l’île de Huahine. Où nous attend, près du village de Fare, une petite maison avec un jardin, à deux pas de la plage…
Trois heures de traversée environ entre Tahiti et l’île de Huahine. Les deux îles font partie de l’Archipel de la Société qui regroupe les Îles sous-le-vent (au nord) et les Îles du vent (au sud). Pour la géographie du territoire, SVP voir l’article La Polynésie française (2022).
Surligné en blanc, le village de Fare, principale agglomération de l’île de Huahine qui compte environ 6300 habitants. Ce sera notre deuxième séjour là-bas.
Voici donc notre itinéraire pour les (presque) deux prochains mois:
16 novembre = Vancouver – San Francisco – Papeete
A – Archipel de la Société – Îles du Vent, Tahiti
17-21 novembre = Paea
B – Archipel de la Société – Îles Sous-le-Vent, Huahine
22 novembre – 21 décembre = Fare
(21 -23 décembre = Papeete)
C – Archipel des Tuamotu, Fakarava
23 décembre – 1er janvier = Rotoava
(1er-2 janvier = Papeete)
D – Archipel de la Société – Îles du Vent, Moorea
2-10 janvier = Hauru
10 – 11 janvier = Papeete – San Francisco – Vancouver
** Pour des raisons familiales Diana devra regagner Calgary à la mi-décembre. Je poursuivrai solo mon périple aux Tuamotu (Fakarava) et à Moorea.
C’est grâce à « La Grande Librairie », l’émission littéraire diffusée sur TV5, que j’ai découvert, le mois dernier, Shumona Sinha. Elle était entourée d’une brochette d’écrivains, dont Alain Mabanckou, venus célébrer, au château de Villers-Cotterêts, l’ouverture du 19è sommet de la Francophonie.
Son regard de braise illuminait, incendiait le plateau. Son parcours atypique, ses propos francs, directs, sur la politique, sur la littérature, sur la société française, m’ont tout de suite interpellés. Et je suis allé, dès le lendemain, me procurer deux de ses romans (les seuls disponibles) à la bibliothèque Koerner de UBC.
La lecture des deux ouvrages a été, pour moi, une révélation. Presqu’une déflagration.
Apatride, publié en 2017
Shumona Sinha naît (en 1973) et grandit à Calcutta. Issue d’une famille modeste (son père est économiste, marxiste, sa mère enseignante au lycée), elle décide, à l’âge de 22 ans, alors qu’elle milite, comme son père, au parti communiste, d’apprendre le français. Apprentissage fulgurant et fécond. Elle lit les poèmes d’Henri Michaux, traduit (en bengali) ceux d’Yves Bonnefoy. Enseigne le français dans un institut de Calcutta. Maîtrisant parfaitement la langue, la jeune femme n’a qu’une envie: connaître la France et y vivre.
Grâce aux passerelles culturelles qui existent entre les deux pays, Shumona Sinha est recrutée, en 2001, comme contractuelle (remplaçante) pour enseigner l’anglais dans les collèges de l’académie de Créteil, en banlieue de Paris. Elle décroche également un poste d’interprète auprès des demandeurs d’asile, indiens, bengalis, qui désirent s’implanter en France.
Une nouvelle vie commence. Elle documente ses expériences. Écrit et publie, en français, un premier roman, salué par la critique.
« Émerveillée », au début, par l’effervescence culturelle qui règne dans les rues de la capitale, sa lune de miel avec la France ne dure que quelques mois. Renvoyée brutalement, au quotidien, par « lesFrançais de souche » à ses origines, à sa couleur, la jeune femme découvre, au travail ou lors de ses promenades et rencontres dans les quartiers de la ville, le racisme, la ségrégation, le mépris.
Le séjour rêvé en France, se transforme, peu à peu, en cruelle désillusion.
C’est cette douloureuse expérience, ce rejet, qu’elle décrit, avec lucidité et amertume, dans « Apatride » (roman, publié en 2017) et dans « L’autre nom du bonheur était français » (récit autobiographique, 2022). Textes bouleversants.
Naturalisée française, écrivaine de talent, vivant maintenant en France depuis bientôt 25 ans, elle déplore que ses livres soient toujours catalogués, dans les librairies, à Paris ou en province, au rayon « littérature francophone ». Elle s’insurge. Rien n’y fait. Écrivaine francophone elle restera. Pas écrivaine française. (Tout comme Tahar Ben Jelloun, note-t-elle, relégué lui aussi au rayon « francophonie », malgré son prix Goncourt.)
Récit autobiographique publié en 2022
La voix de Shumona Sinha dérangera certains, sans doute.
Pour moi, sa voix est essentielle.
Afin de mieux comprendre l’écrivaine, voici deux extraits de « L’autre nom du bonheur… » qui résument (partiellement) sa pensée et ses revendications…
« Je bravais chaque matin la pluie et le vent, plusieurs heures de trajet en alternant les RER et les bus, pour arriver là, de l’autre côté du périph. C’était là que je devais aller gagner mon pain. Au-delà de la ligne rouge. Pour retrouver mes semblables. Une immigrée parmi les immigrés (…) Les seuls emplois que la ville m’avait proposé se situaient géographiquement mais aussi socialement, culturellement à l’écart de la France de souche (…) Mes diplômes ne valaient rien. »
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« Pendant longtemps (en France) je n’ai pas compris pourquoi j’entendais la plupart des insultes racistes à mon encontre le week-end. Puis, la révélation. La semaine, c’est le moment du travail. On tolère les basanés, supposant que leur présence est justifiée par le service rémunéré qu’ils rendent aux Français. Mais le week-end, c’est sacré ! Le marché du dimanche, c’est la messe en plein air. La rue piétonne commerçante, c’est l’allée vers la nef de la cuisine d’où montera le rot solennel à la fin du repas. »
Une détonation – à saluer!- dans le monde souvent feutré et dans l’entre-soi de la littérature française.
Randonnée le long du sentier Bodega Ridge, sur l’île Galiano, avec une amie, Florence, le 19 juillet.Du sentier, entre les arbres, on aperçoit quelques-unes des îles qui composent, en Colombie-Britannique, the « Gulf Islands », un chapelet d’îles (Saltspring, Pender, Saturna, Gabriola, Quadra, Cortes…) situées dans le détroit de Georgie/la Mer de Salish, entre Vancouver et l’île de Vancouver. Un paradis!Nous étions plusieurs cette semaine-là réunis à Galiano autour de Florence afin de l’aider dans son entraînement et dans la préparation de sa randonnée cet automne sur le chemin de Compostelle en France. De g à d: Florence, Nicole et Sylvie, ex-collègue à Radio-Canada. Bravo, Florence, nous sommes avec toi et on te suit! Bon Chemin!La petite maison, sur l’île Galiano, où a été prise la photo ci-dessus…
Un été merveilleux se termine dans le sud de la Colombie-Britannique. Nous avons cette année encore été épargnés par les feux de forêt, qui ont, malheureusement, fait rage dans le nord de la province et, à l’est des Rocheuses, en Alberta.
Pensées pour la petite ville albertaine de Jasper, nichée au cœur d’un splendide parc national, en partie brûlée par les flammes, en juillet. Jasper où j’ai eu le privilège de travailler pendant un été inoubliable (en 1980), un été qui m’a ouvert, avec Banff l’année suivante, les portes de l’ouest canadien.
À Vancouver, la météo a été irréprochable. Quelques jours de grande chaleur en juillet puis le thermomètre s’est assagi entre 22 et 25 degrés. Température idéale pour jouir de la douceur de vivre sur la côte ouest. Et découvrir quelques livres étonnants. SVP voir un peu plus bas.
Mais avant, pour ceux qui ne connaissent pas Vancouver, allons faire un tour, une promenade dans la ville, au bord de l’océan…
Aperçu de la promenade du bord de mer (the seawall), en juillet. À l’arrière-plan, le pont Cambie. Les promeneurs se dirigent, direction ouest, vers l’île (et le marché) Granville et, au-delà…… vers le parc Vanier…puis vers la plage et les attractions…du quartier Kitsilano…avant de poursuivre, encore plus à l’ouest, jusqu’à la plage Jericho…
Ujjal Dosanjh, Journey After Midnight – (Vancouver, 2016)
Ujjal Dosanjh, premier ministre de la Colombie-Britannique entre février 2000 et juin 2001.
Comment réussit-on à diriger, comme premier ministre, la province de la Colombie-Britannique (la troisième en importance au Canada) lorsqu’on est issu d’une famille modeste – et né dans un petit village du Punjab, dans le nord de l’Inde ? C’est ce parcours exceptionnel que partage ici Ujjal Dosanjh dans une remarquable autobiographie
Ujjal Dosanjh quitte le Punjab à l’âge de 17 ans pour l’Angleterre afin d’y poursuivre ses études. Le jeune homme parle encore mal l’anglais et découvre, effaré, fin 1964, dans l’Angleterre travailliste d’Harold Wilson, la violence des Skinheads, le racisme et la ségrégation. Suivent quatre années de galère, d’incertitudes, de petits boulots (dont manœuvre à British Rail) et de projets sans lendemain.
Sa vie bascule lorsqu’il part, en mai 1968, rejoindre une tante à Vancouver. Il débarque en Colombie-Britannique en pleine Trudeaumania. C’est le coup de foudre. Soutenu par les membres de sa famille, il s’intègre vite à son nouveau milieu. Décroche un emploi dans une scierie au bord de la rivière Fraser. Et entreprend, peu après, des études d’avocat. Il rencontre, entre deux classes, Rami, qui deviendra sa femme. Diplôme d’avocat en poche, Ujjal Dosanjh ouvre son cabinet, dans l’est de Vancouver, et se lance en politique pour le Nouveau Parti Démocratique (NPD, centre-gauche). Il remporte un siège en 1991. Réélu 5 ans plus tard, il est promu Ministre de la Justice. Suite à la démission du chef de son parti, il est nommé premier ministre en février 2000. Un poste qu’il occupera jusqu’en juin 2001.
Attaqué à deux reprises par des militants sikhs, et blessé, à Vancouver, pour ses positions jugées trop modérées sur le Punjab, Ujjal Dosanjh finira sa carrière politique comme député fédéral et Ministre de la Santé dans le gouvernement libéral de Paul Martin. Une vie exemplaire et un engagement admirable auprès de sa communauté.
Navires ancrés au large d’English Bay, à Vancouver, fin juin. À l’avant-plan, Sunset Beach, dans le quartier du West End.Soupe wonton aux légumes, crevettes et poulet, restaurant New Saïgon, Abbotsford, dans la vallée du Fraser, le 22 juillet.
Pier Paolo Pasolini, L’odeur de l’Inde – (Paris, 1984, pour la traduction française)
Un petit livre qui nous plonge au cœur de l’Inde. En 1961, l’artiste et cinéaste italien, Pier Paolo Pasolini fait un voyage avec son ami, l’écrivain Alberto Moravia et son épouse, Elsa Morante. Ils s’arrêtent à Bombay, au Kerala, à Calcutta, à Varanasi(Bénarès), à Delhi. Partout, l’œil exercé du cinéaste scrute les gestes, les rituels de la vie quotidienne, les mouvements de la foule, de la rue.
Ils rencontrent, à Calcutta, Mère Teresa. Ils sont invités, à Delhi, à une réception à l’ambassade de Cuba, à l’occasion du 2è anniversaire de la révolution castriste.
Le soir, faussant compagnie à Moravia, Pasolini s’éclipse. Il quitte sa chambre d’hôtel et s’enfonce dans la nuit. Il va, à Cochin, à la rencontre des mendiants, des sans-abris. Part au théâtre avec des inconnus. Assiste à des concerts. Et note scrupuleusement, rageusement parfois, ses observations sur une communauté qui le fascine et le rebute à la fois.
Un regard original sur un pays qui, depuis 1961, a beaucoup changé. Mais en dévorant ces pages pleines de vie, on n’a qu’une envie: retourner en Inde au plus vite !
Le quartier Crescent Heights, au-dessus du centre-ville de Calgary…où nous avons passé quelques jours en juin auprès de la famille de Diana. À l’arrière-plan, sur la droite, la rivière Bow serpente dans le parc Prince’s Island…
Assia Djebar, La Disparition de la langue française – (Paris, 2003)
Je n’avais encore rien lu de l’écrivaine Assia Djebar, née près d’Alger, la première femme nord africaine à être élue, en 2005, à l’Académie française. Et je n’ai pas été déçu par ce récit, dense, historique, où se mêlent, aux souvenirs d’enfance, les drames du présent.
Suite à une douloureuse rupture avec sa compagne Marise, et après 20 ans passés en France, Berkane, la cinquantaine, né en Algérie, démissionne de son poste de petit fonctionnaire, prend une retraite anticipée, quitte son studio de Blanc-Mesnil, en banlieue parisienne, et rentre au pays. Objectif: s’installer, avec l’accord de ses deux frères, dans la villa familiale, située, face à la mer, en périphérie d’Alger. Et écrire enfin le livre dont il rêve depuis des années. Mais l’Algérie, en vingt ans, a bien changé. Les intégristes sont aux portes du pouvoir. Et le pays « est devenu un volcan ».
Dans les rues de son Algérie retrouvée, Berkane doit, au quotidien, affronter la violence et les interdits des partisans du camp islamiste, «les fous de Dieu, les nouveaux Barbares ».
Remontent alors, pour Berkane, avec l’écriture de son livre, les souvenirs d’enfance, dans un quartier populaire d’Alger, pendant la guerre d’Algérie. Période tragique dont il a été, enfant et adolescent, témoin et acteur parfois, aux côtés des membres de sa famille.
Une très belle découverte. Un roman qui nous permet de mieux comprendre les drames qui jalonnent l’histoire récente de l’Algérie.
Cuisine thaïlandaise, plats de boeuf et de poulet accompagnés de riz et de légumes, restaurant Sawasdee, Main Street, Vancouver, en août.
Fabrice Luchini, Comédie française. Ça a débuté comme ça… – (Paris, 2016)
Qui ne connaît pas Fabrice Luchini? L’acteur, depuis des années, nous régale avec ses bons mots. Au théâtre, au cinéma, dans les médias, il nous inspire, il nous fait rire et réfléchir avec sa verve, son éloquence, son érudition. Il nous exaspère aussi parfois. Un immense talent.
On sait moins d’où il vient. Ses parents tiennent un commerce de fruits et légumes dans le 18è arrondissement de Paris et le petit Robert (son vrai prénom) grandit entre la Goutte-d’Or et Montmartre. Élève médiocre, il quitte très tôt l’école et se retrouve, à 14 ans, apprenti-coiffeur dans un salon huppé du 8è arrondissement de Paris. Il adopte le prénom de Fabrice.
Jeune, il découvre le Répertoire classique (Molière) puis, grâce à quelques rencontres déterminantes (Philippe Labro, Éric Rohmer), il entre, par la petite porte, dans le milieu du cinéma. Avant de devenir, au fil des ans, l’acteur admiré et respecté qu’on connaît aujourd’hui.
Avec humour et une franchise absolue, c’est cette vie pleine de péripéties que raconte ici, très honnêtement, Fabrice Luchini. Une vie où sa passion pour la littérature lui tient lieu de boussole. Il y a, dans le livre, de magnifiques pages de ses auteurs préférés, Céline, Molière, Rimbaud, Barthes, accompagnées de fines réflexions sur leurs textes.
Il y a aussi de grands éclats de rire! Sur sa « ligne » politique, par exemple: « Pas de gauche. Pas militant. Pessimiste. Fan de Schopenhauer. Pathétiquement conservateur. Flottant idéologique. J’aurais adoré être de gauche mais, comme je l’ai déjà dit, écrasé par la grandeur et la difficulté du projet, j’ai renoncé. »
J’ai eu le grand bonheur de voir et d’entendre Fabrice Luchini, sur scène, à Paris, il y a plusieurs années. Comme la plupart des spectateurs, j’étais ressorti du théâtre, ébloui.
Quelle bonne surprise de pouvoir maintenant l’écouter, chaque semaine, sur les ondes de France Inter où il anime, depuis la rentrée, une toute nouvelle émission: « Les admirations littéraires de Fabrice Luchini ». Balados (podcasts) de l’émission disponibles ici.
Le premier ministre Justin Trudeau, et son fils Hadrien, en compagnie du Chef Roger William (à gauche) et du Chef Otis Guichon à leur arrivée à une célébration communautaire dans la vallée de Nemaiah, en Colombie-Britannique, le 26 juin. Photo Darryl Dyck, Presse Canadienne.
Fortes périodes de turbulences en vue, dans les prochains mois, en politique canadienne, tant au niveau fédéral que provincial.
** À Ottawa, combien de temps le gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau pourra-t-il encore gouverner, avant d’être forcé à déclencher des élections?
Un quatrième mandat consécutif est-il envisageable pour le premier ministre alors que le désir de changement, d’alternance, partout au pays, semble si fort?
D’un autre côté, les Canadiens sont-ils vraiment prêts à élire un gouvernement conservateur avec, à leur tête, un politicien qui se comporte de plus en plus comme un caniche hargneux?
** En Colombie-Britannique, coup de tonnerre! Après avoir caracolé en tête des sondages depuis deux ans, voilà que le parti au pouvoir, le NPD, se retrouve brusquement au coude-à-coude dans les intentions de vote avec le parti conservateur (provincial). Un parti conservateur qui incarne une droite dure. Décomplexée. Climato-sceptique. Une droite qui avertit déjà que certains livres seront bannis des bibliothèques scolaires.
Comment en sommes-nous arrivés là, en quelques mois?
La Colombie-Britannique est l’une des deux seules provinces (avec le Manitoba) à être dirigée par un gouvernement de centre-gauche.
Les élections auront lieu dans un mois, le 19 octobre.
La promenade du bord de mer, à Vancouver, cet été…
Et les voyages?
Patience!
Bref séjour à Calgary, dans les prochains jours, afin de rejoindre Diana et sa famille.
Ensuite, après plusieurs mois passés sagement à ou près de la maison, nous repartons, à la mi-novembre, pour la Polynésie française…
Bon début d’automne à tous!
À Calgary, le samedi 21 septembre, avec Diana, son papa (89 ans) et des amis de la famille.
De retour à Vancouver…
Semaine chargée d’émotions dans notre quartier, Mount Pleasant. Après plus de 18 mois de travaux…… la transformation de notre rue en voie verte est maintenant presque terminée… Les aménagements permettront de mieux canaliser l’eau de pluie vers les nouveaux espaces verts et empêcher ainsi les inondations…… Les résidents du quartier ont participé le 28 septembre, avec une équipe de la Ville, à une ultime session de plantation…… la piste cyclable (sur la gauche) ouvrira officiellement dans quelques semaines. Plus aucune voiture ne circule devant notre maison. Un petit coin de paradis est né.
Une semaine déjà depuis la fin de mon odyssée sur la voie de Rocamadour. Une semaine où il s’est passé bien des choses. Le beau temps est revenu. La pluie aussi. Il a fallu naviguer, marcher sur des sentiers en partie inondés. Nous avons dû faire de fréquents détours, les pieds dans l’herbe trempée. Avec l’humidité, mon appareil photo a rendu l‘âme, le 12 mai, lors de ma dernière étape entre Vers et Cahors. J’ai perdu, ce jour-là, 95% de mes photos.
Arrivé à Paris, je suis allé voir rue de Turbigo (3è arr.) les techniciens d’une petite compagnie spécialisée dans la récupération de données. Je leur ai confié ma disquette, ma carte-mémoire. Je n’y croyais pas trop. « Aucune garantie » m’ont-ils averti, « maisnous ferons de notre mieux ». Ils m’ont appelé dès le lendemain. Mon disque avait été « désoxydé » et toutes mes photos, récupérées! Bravo!
J’ai aussi revu à Paris mon ami, mon ancien camarade de lycée, Tommy, perdu de vue depuis notre scolarité, espiègle et dissipée, au Collège Stanislas de Montréal, dans le quartier Outremont, au milieu des années 70. Grandes et belles retrouvailles autour de bons vins et de cuisines épicées, ensoleillées, venues d’Afrique, un continent où Tommy a travaillé trente ans, au service d’une ONG. SVP voir les photos plus bas.
Mais reprenons, dès le début, le fil de cette semaine mouvementée.
Il est si rare de rencontrer sur les chemins de Compostelle, en France, des randonneurs issus de la « diversité » que j’ai décidé d’ouvrir cet article en saluant et en rendant hommage à…
Haïla, jeune autrice de théâtre, de récits, d’histoires, croisée le lundi 6 mai, sur le GR6, à Lacapelle-Marival, au terme d’une première étape (22 kms) depuis Figeac. Haïla est aussi en route pour le sanctuaire et la ville sacrée de Rocamadour. J’espère que tu as réussi ton projet, Haïla!
Sur le pourtour du merveilleux Parc régional des Causses du Quercy, dans le département du Lot…
Six étapes épiques, le long du GR6, GR46 et GR36 m’ont mené, sur « la Voie de Rocamadour », de Figeac à Cahors: Figeac – Lacapelle-Marival – Saint-Chignes (X en vert, avant Gramat) – Rocamadour – Labastide-Murat – Vers – Cahors. Un parcours à pied d’environ 106 kms. Le tronçon de 22 kms entre Rocamadour et Montfaucon (X en vert, avant Labastide-Murat) a été effectuée en navette, avec La Malle Postale.
Quelle aventure!
Dès les premiers pas sur le GR6, en quittant Figeac, tôt, le lundi 6 mai, après une bonne nuit de sommeil, je me sens bien sur le chemin. J’avance allègrement, en sifflotant, et rencontre, trente minutes environ après le départ, deux randonneuses, tout sourires elles aussi…
Théorine, originaire du Cameroun et Françoise, ex-enseignante, qui a travaillé au Togo, sont amies depuis toujours. Elles parcourent ensemble, le matin, depuis des années, les sentiers qui courent autour de Figeac.
Très naturellement, nous engageons une longue, franche et amicale conversation. Théorine me parle du Cameroun. Françoise a déjà visité le Québec et notre famille a, également, vécu au Togo! Bonnes excursions ce printemps, mesdames! Votre amitié est belle à voir!
Je poursuis lentement ma route vers Lacapelle-Marival. Le sentier, avec la pluie des derniers jours, est boueux, glissant.
Sur le GR6, une heure environ au nord de Figeac, le lundi 6 mai…
Ci-dessus, point rouge, près du village de Saint-Bressou, une de mes compagnes de marche de la journée, Nadine. Elle porte sur le dos son sac et sa tente. Nadine préfère, sur le chemin, bivouaquer.
Il me faudra un peu plus de six heures de marche avant d’arriver à Lacapelle-Marival…
Surprise, en ce début d’après-midi, les rues du village (1500 habitants) sont désertes, presque sinistrées. Tout est fermé le lundi et plusieurs commerces, dans la Grand’ Rue, ont mis la clé sous la porte, définitivement. Il règne dans les ruelles du bourg une atmosphère un peu lugubre…
Dans l’une des rues principales de Lacapelle-Marival, un des nombreux commerces définitivement fermés. Ci-dessous, la notice affichée sur la vitrine de la boulangerie…
Le deux boulangeries de Lacapelle-Marival sont maintenant fermées. Les riverains doivent dorénavant aller acheter leur pain à la supérette du village… ou au nouveau supermarché, à l’extérieur du bourg. Comme un peu partout en France, l’ouverture de cette grande surface a probablement accéléré, précipité la fermeture des commerces au centre du village…
Heureusement, le beau temps est revenu sur le GR6 le lendemain…
Un tronçon du chemin entre Lacapelle-Marival et…
… l’arrivée au hameau de Saint-Chignes. Population: 6 habitants!
Ma halte à Saint-Chignes a sans doute été l’une des plus belles et des plus insolites de mon périple!
Accueilli comme un prince…
… dans un cadre de rêve…
par un couple charmant…
À Saint-Chignes, le mardi 7 mai, devant l’église Saint-Aignan, construite au 12è siècle…
J’ai été confortablement logé, au milieu d’un grand pré, où trônent d’authentiques roulottes en bois…
Les roulottes de Saint-Chignes ont été conçues en Roumanie et en République thèque…
J’ai aussi été, pendant ma trop courte halte, dorloté et choyé, comme un membre de la famille, par des hôtes absolument exceptionnels!
Merci mille fois à Saint-Chignes et aux « Roulottes du Lot »!
Étape inoubliable (18 kms) le lendemain, le mercredi 8 mai, entre Saint-Chignes et Rocamadour!
En route vers Gramat et Rocamadour
Sous un soleil parfois éclatant, j’ai parcouru l’étape en écarquillant les yeux, presque à chaque pas…
Marcher dans cette région du Quercy est un véritable e-n-c-h-a-n-t-e-m-e-n-t!
Le GR6 entre Saint-Chignes et Gramat. Notez, sur la gauche, le troupeau de moutons. Presque la même atmosphère, dans ces magnifiques prés et sous bois, que sur les chemins de l’Aubrac, entre Saint-Chély et Saint-Côme-d’Olt.
On croise aussi des cyclistes sur le GR6… avant…
… l’arrivée au village de Gramat, où je me suis arrêté assez longtemps pour constater que le village (3500 habitants environ)…
… fait lui aussi face à d’importants défis. Ci-dessus, une banderole confirme la fermeture (partielle) programmée de la gare du village.
Je poursuis ma route. Les fortes pluies des derniers jours ont endommagé sur le chemin l’une des passerelles qui mènent à Rocamadour…
Sur le GR6, un peu avant Rocamadour, le mercredi 8 mai
L’une des extrémités de la passerelle enjambant la rivière Alzou est pratiquement tombée dans l’eau…
Mais, comme à Saint-Cirq-Lapopie quelques jours plus tôt, j’ai décidé, après avoir conversé avec plusieurs autres randonneurs…
… de passer quand même!… Merci au groupe de pèlerins de Saint-Jérôme (au Québec) pour la photo!
Une trentaine de minutes plus tard, l’arrivée au village de Rocamadour, haut lieu de la Chrétienté depuis le Moyen-Âge, est spectaculaire! Le village est littéralement taillé, agrippé à la falaise!
La cité sacrée de Rocamadour, photographiée du bourg de l’Hospitalet, 1km environ à l’est.
J’ai passé une journée de repos à Rocamadour, ébloui par l’architecture, la splendeur du lieu.
Un guide dans le village m’apprend que Rocamadour naît au début du 12è siècle. Les différents « étages » de la cité (nettement visibles sur la photo ci-dessus) reflètent les trois ordres de la société de l’époque: les chevaliers, au-dessus, dans le château, les clercs religieux au milieu (où est situé le sanctuaire) et les travailleurs laïcs en bas, près de la rivière Alzou.
(La répartition, l’allocation des logements est-elle si différente dans nos villes aujourd’hui?)
Du château, au-dessus du village, le jeudi 9 mai, une vue partielle de Rocamadour. Le village s’étend, comme un éperon, au-dessus de la vallée de l’Alzou.
Vue partielle de la rue principale du village, la Voie Sainte, tôt le matin, avant l’arrivée des visiteurs…
La cité est devenue un lieu de pèlerinage depuis un premier « miracle » survenu en 1148. Peu de temps après, on découvre, en voulant inhumer un habitant, un corps, intact, présenté comme celui de saint Amadour. La légende de Rocamadour est née. Les pèlerinages débutent.
Inscription à l’entrée du chemin de croix près du sanctuaire de Rocamadour
Les trois étapes qui suivent mon séjour à Rocamadour filent en un clin d’oeil.
Comme je l’avais planifié, je décide, le vendredi 10 mai, de prendre la navette de la malle postale de Rocamadour jusqu’au village de Montfaucon d’où je rejoins, à pied, 6 kms plus loin, Labastide-Murat. Après avoir cheminé près de 200 kms depuis le 22 avril, l’étape de 27 kms entre Rocamadour et Labastide-Murat est au-dessus de mes forces!
D’autant plus que le soleil et la chaleur sont de retour sur le chemin!
Avant d’arriver au village de Labastide-Murat, au détour d’un sentier, je fais la connaissance de…
Daniel, 75 ans, éleveur et enfant du pays. Il est environ midi, c’est l’heure de sortie de ses moutons…
Devant la grange de sa ferme, nous sympathisons. Daniel en a gros sur le coeur. Il doit bientôt tondre la laine, abondante, de ses moutons… mais il n’y a plus d’acheteurs!…
« Autrefois, me dit Daniel, mon père arrivait à payer les impôts de la ferme uniquement avec la vente de la laine des moutons. Les acheteurs de laine ont aujourd’hui disparu… Il y a bien quelqu’un, du côté de Figeac, qui est intéressé, il doit passer, mais rien n’est sûr… » continue Daniel.
Je sens l’inquiétude dans sa voix. Le manque de revenus est, pour Daniel, un vrai souci. Où sont donc passés les acheteurs? Pourquoi ne vient-on plus dans les fermes du Lot acheter de la laine? Daniel ne sait pas. Il mentionne le Japon, sans plus de détails. L’heure avance. Les brebis doivent aller brouter dans les prés, tout près. Daniel, avec un grand sourire, me souhaite un bon chemin…
Au revoir, Daniel! Bonne chance…
… et bon courage!
Excellente halte à Labastide-Murat. Contrairement à Lacapelle-Marival, le village est vivant, les commerces ouverts, l’atmosphère accueillante….
Après un excellent déjeuner (canard confit) et une bonne douche, je fais une petite lessive et mes vêtements sèchent au soleil dans la cour de mon hôtel (les chambres d’hôtes sont très rares sur ce tronçon du GR46). Un halte comme je les aime, toute en douceur.
Départ de Labastide-Murat, le samedi 11 mai. Sur les panneaux renversés à l’entrée/sortie des villages, SVP voir l’explication à la fin de l’article précédent (la colère dans le monde agricole en Occitanie)
Le soleil étant au rendez-vous, je peux enfin repartir, le lendemain, dans une tenue différente!
En shorts, enfin, pour cette avant-dernière étape entre Labastide-Murat et Vers (24 kms)
Étape splendide ce samedi-là! Le chemin est absolument somptueux!
Sur le GR46, entre Labastide-Murat et Vers…
Qu’il fait bon marcher au soleil!
En quittant, le samedi 11 mai, le petit village de Cras…
Alors que je chemine joyeusement, j’entends, derrière moi, à mi-parcours, des pas… précipités….
Un groupe de coureurs me dépasse, en pleine forêt… J’apprends qu’ils sont plus de 500 ce samedi 11 mai à participer au circuit de « l’Angelus », un parcours de 80 kms entre Rocamadour et Cahors! L’événement, écrit La Dépêche du Midi, « allie patrimoine, sport et convivialité »…
… « Aucun classement, pas de chronométrage, écrit le journal. L’accent est mis sur le plaisir de la course, le dépassement de soi et la découverte des paysages de la région. Un groupe de 150 coureurs effectue le parcours de 80 kms en démarrant de Rocamadour, 150 celui de 46 kms au départ de Labastide-Murat, et enfin 200 optent pour le parcours de 18 kms qui débute à Vers. »
L’objectif est le même pour tous: rejoindre la Cathédrale Saint-Étienne de Cahors avant 19 heures, au son de l’Angélus.
Quel incroyable événement! Il y a même cette année un participant de 76 ans!
J’ai l’air bien nigaud, moi, sur le GR46, avec mes petits 24 kms jusqu’à Vers!
Personne d’ailleurs sur le chemin ne me prête la moindre attention…
Entre Labastide-Murat et Vers, le samedi 11 mai
J’arrive au village de Vers (500 habitants) ci-dessous, au milieu de l’après-midi, complètement exténué…. J’ai été distrait par les coureurs et je me suis perdu en route. J’ai dû faire, au moins, 4 kms supplémentaires. Mon statut, brusquement, passe de « nigaud » à « nono »…
La belle petite rivière Vers, ci-dessus, passe au milieu du village avant de se jeter (comme le Célé, plus au sud), quelques centaines de mètres plus loin, dans le Lot…
Je me consolerai ce soir-là en goûtant un plat que je ne connais pas très bien
Tête de veau, sauce gribiche, pommes vapeur, carottes, beurre à l’ail. Vers, le samedi 11 mai.
Au centre du village de Vers, une des bornes originales de la « Route Mondiale » envisagée en 1949 par le Conseil municipal de Cahors et le département du Lot. (Voir l’article précédent).
La pluie sera de retour, malheureusement, pour ma dernière étape (18 kms), le dimanche 12 mai, entre Vers et Cahors. Étape au cours de laquelle mon appareil photo, entre deux averses, sera sérieusement endommagé…
Aperçu de mon nouveau (second) carnet de pèlerin, estampillé à chacune de mes haltes depuis mon départ du Puy-en-Velay, le dimanche 21 avril. Le mois a été bien rempli.
Après ces trois randonnées – ce triple périple en Occitanie – quel immense bonheur de revoir, à Paris, mon ami Tommy, ancien camarade de classe au Collège Stanislas de Montréal!
Tommy à Montréal, aux alentours du cimetière Côte-des-Neiges, pendant l’hiver 1974 ou 1975.
Après avoir réussi notre Baccalauréat français en juin 1975 – Dieu seul sait comment, tant nous étions dissipés, enclins aux émotions et aux substances fortes! – après avoir tous les deux étudié à McGill, nous nous étions perdus de vue depuis bientôt 50 ans!
À Montréal, dans le jardin de la maison de ville où habitait Tommy, rue de la Montagne, au-dessus de la rue Sherbrooke, à la même époque…
Aujourd’hui en semi-retraite, Tommy partage sa vie entre Nairobi, au Kenya, et la Toscane où il vit avec sa femme (et ses enfants, pendant les vacances) dans la maison familiale.
Pendant trente ans, Tommy a oeuvré en Afrique de l’est (Kenya, Soudan, Ouganda, Tanzanie, Éthiopie…) pour une ONG internationale (AMREF) qui vient en aide aux écoles, aux hôpitaux, aux populations marginalisées et aux enfants de la rue de la région. Noble tâche. Tommy est aussi cinéaste et documente régulièrement (en italien et en anglais) ses rencontres et ses projets.
Nous avons pendant trois jours parlé, parlé encore, écouté, clarifié des zones d’ombre. Nous avons marché dans Paris, dans le village Jourdain, dans les allées du parc des Buttes-Chaumont. Nous avons arpenté les rues de Belleville, les jardins de Ménilmontant, en évoquant une kyrielle de souvenirs de notre jeunesse mouvementée.
Les tentations ne manquaient pas, la nuit, à Montréal, au milieu des années 70. Comment avons-nous survécu?
Avec Tommy, à Paris, le vendredi 17 mai, sur l’esplanade en haut…
du parc de Belleville… Photo: Tommy
Nous avons aussi dégusté, dans les quartiers du nord-est de Paris que j’aime tant, de délicieux plats de cuisine africaine!…
Cuisine éthiopienne, « Yestome Beyayenetou »: poulet, boeuf, oeuf, lentilles, pois cassés, épinards, haricots, carottes, salade, betteraves et pommes de terre, accompagnés de « injera », Restaurant Enat, 312 rue des Pyrénées, Paris, 20è arr.
Merci infiniment d’être venu jusqu’à Paris, Tommy! À l’an prochain!
Notice affichée à l’entrée de l’église Saint-Pierre, à Gramat.
Il est temps de conclure.
Cela a été une excellente idée de parcourir ce printemps le plateau de l’Aubrac, la Voie du Célé et la Voie de Rocamadour! D’après mes calculs, j’ai dû franchir, depuis le 22 avril, environ 246 kms.
Découvrir les deux derniers sentiers a été prodigieux. Je dois avouer qu’entre le Célé et la Voie de Rocamadour, j’ai préféré le second chemin. Le tronçon (le GR6) entre Figeac et Rocamadour est absolument fabuleux!
Un grand merci et bravo à tous les randonneurs-euses rencontré(e)s sur la route! Bon courage si vous poursuivez sur le GR65 jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port ou jusqu’en Espagne!